La Jordanie peut-elle rester un îlot de stabilité face au «califat» de l'EIIL ?
Le site de la chaîne Al Arabya affirme même que des tentatives d'infiltrations des djihadistes en Jordanie ont échoué. Pourtant la Jordanie est un pays essentiellement sunnite, comme les leaders de l'insurrection djihadiste de Syrie ou d'Irak, qui combattent des régimes dominés par des chiites. Le roi Abdallah II, le souverain jordanien, avait même été l'un des premiers à parler de «croissant chiite» en évoquant l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban. Il est vrai aussi que l'on accuse souvent l'Arabie Saoudite ou le Quatar de financer les combattants anti-Assad... Des combattants qui ont du mal à être contrôlés.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, semble moins optimiste, même si ses propos ont une portée très politique et liés aux problèmes d'Israël. Il s'est en effet inquiété de «la vague puissante déclenchée par l'EIIL, qui peut se diriger vers la Jordanie en très peu de temps».
Selon les médias israéliens, les responsables de l'Etat hébreu s'alarment d'une possible déstabilisation du régime jordanien en cas d'infiltration de combattants de l'EIIL d'Irak en Jordanie. Le Premier ministre israélien en a profité pour justifier son refus d'un déploiement de forces palestiniennes dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie, face à la Jordanie. «Il faut comprendre que dans tout futur accord avec les Palestiniens, Israël devra continuer à conserver le contrôle sécuritaire des territoires s'étendant jusqu'au Jourdain et ce, pendant une très longue période», a prévenu M.Netanyahu.
Un maillon faible ?
La Jordanie, qui dispose de peu de ressources, vit de sa stabilité politique. «Le Royaume possède un avantage comparatif politique qui lui donne un effet de levier financier. Son développement bénéficie de l’attention des grands pays occidentaux et des monarchies du Golfe car la Jordanie a su devenir un élément central de la stabilité du Proche et Moyen-Orient en assurant la tranquillité des frontières qu’elle partage avec l’Arabie Saoudite, l’Irak et Israël notamment», écrit l’ambassade de France à Amman.
La Jordanie est en effet très dépendante de l’étranger. Avec ses quelque 7 millions d’habitants, le pays connaît une croissance faible (2,7% en 2012) mais régulière malgré un important déficit commercial et budgétaire. Les services financiers représentent une grosse part du PIB national et la première banque arabe est jordanienne. Cette force peut ainsi se transformer rapidement en faiblesse en cas de troubles politiques. Toute déstabilisation politique provoquerait une crise économique brutale dans ce pays dont la monnaie est accrochée au dollar.
L’importance du chômage et la croissance modeste, accompagnée d’une inflation récurente, créent un sentiment d’insatisfaction dans la population.
Ces derniers avaient sans doute trop compté sur la chute d'Assad en Syrie pour voir les changements arriver en Jordanie. «Les Frères musulmans vont se tailler la part du lion dans la Syrie post-Bachar, la guerre civile en Irak va favoriser une révolution sunnite et avec les Frères en Egypte, la Jordanie sera entourée d'une ceinture islamiste, qui obligera le roi à lâcher prise», disait dans Le Monde en 2013 Marouan Chehadeh, patron de presse et expert de la mouvance salafiste.
Dans Le Monde, Fahed al-Khitan, éditorialiste au quotidien al-Ghad, estime que les Frères sont un peu désarçonnés : «Ils pensaient que les Américains allaient tôt ou tard lâcher le roi, alors que Washington n'a fait que renforcer sa coopération avec Abdallah II. Le discours sécuritaire est dans toutes les bouches en Jordanie, parce que, devant la menace syrienne, il faut d'abord préserver la stabilité du royaume. Or, le problème des Frères est qu'une part grandissante de la population les associe aux groupes extrémistes».
Le pays d'Abdallah II a toujours été présenté comme fragile. Pourtant, le royaume a jusqu'à présent réussi à traverser toutes les crises et les guerres, y compris les plus dures comme la perte de Jérusalem ou la révolte des Palestiniens en 69-70. Aujourd'hui, le roi a même intégré plusieurs Palestiniens dans son gouvernement, un signal adressé à la nombreuse population palestinienne du pays.
Mais les causes de déstabilisation intérieures restent nombreuses. La Jordanie a en effet accueilli quelque 600.000 réfugiés en provenance de Syrie. Et de nombreux Jordaniens se sont enrôlés dans les forces djihadistes. «Seuls ceux qui ne sont pas au courant ou qui sont dans le déni penseraient que l'EIIL n'a pas de partisans en Jordanie. Comment expliquent-ils la présence de 2000 djihadistes jordaniens en Syrie et en Irak?», questionne Oraib Rantawi, directeur du Centre al-Quds pour les études politiques.
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