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Exécution de masse en Irak : des survivants témoignent

Ils viennent de Kocho, un petit village distant de quelques kilomètres de Sinjar. Donatella Rovera, experte d’Amnesty pour les droits de l’homme en mission en Irak, a recueilli le témoignage de trois hommes. Ils racontent la même scène d’horreur, des exécutions sommaires pratiquées par les djihadistes. Un massacre dont ils sont sortis par miracle vivants.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Khider, un habitant du village de Kocho a survécu au massacre. (Donatella Rovera/Amnesty International)

Depuis le début de l’offensive éclair des djihadistes, le 3 août dernier sur la région de Sinjar, c’est l’exaction la plus récente qui soit attribuée à l’Etat Islamiste. Les témoignages émanent de miraculés qui ont échappé à un massacre, laissés pour mort par les djihadistes.
Donatella Rovera  a rencontré ces hommes dans un camp de réfugiés au nord de l’Irak. Ils ont raconté l’assassinat systématique des hommes du village par les islamistes.
 
Vendredi 15 août, après deux semaines d’occupation du village de Kocho, à 15 km au sud de Sinjar, les Islamistes ont convoqué la population à leur QG, dans l’école. Dans un premier temps, Ils réclament l’argent, les téléphones mobiles, et les bijoux des femmes.
 
Elias, un infirmier de 59 ans a raconté la suite à l’experte d’Amnesty. Au bout d’un moment, des véhicules sont arrivés. Les hommes et les adolescents ont été conduits à bord.

«Ils ont poussé une vingtaine d’entre nous sur la plateforme d’un pick-up, et ils ont roulé sur environ un kilomètre à l’est du village. Là, ils nous ont fait nous accroupir serrés les uns aux autres. L’un d’entre eux nous a pris en photo.
J’ai pensé qu’après ça, ils allaient nous laisser partir, mais ils ont ouvert le feu dans notre dos. J’ai été touché au genou, mais la balle n’a fait que m’éraflé.
Je me suis laissé tomber comme si j’étais mort, et je suis resté face au sol sans faire un geste, jusqu’à la fin des tirs.»


Exécutions sommaires
«Quand ils sont partis, en me relevant, j’ai vu que nous étions cinq ou six survivants. Tous les autres étaient morts. J’en connaissais deux. Ils étaient juste à côté de moi. Les autres, j’ai pas pris le temps de les reconnaitre, j’avais trop peur et j’ai fichu le camp de là.
Je ne sais pas ce qu’est devenue ma famille. Ma femme, nos sept enfants. Je ne sais pas s’ils sont morts ou vivants.»

 
Khider, un étudiant de 17 ans, était également dans ce premier groupe. Il a été embarqué avec son cousin Ghaleb dans le même véhicule. Khider a eu de la chance. La balle lui a laissé une blessure superficielle dans le dos. Son cousin, agenouillé à ses côtés est mort.
 
Un troisième villageois, Khalaf, agé de 32 ans, père de trois enfants est le dernier témoin rencontré par Donatella Rovera. Il a été embarqué à bord d’un troisième véhicule avec 20 ou 25 autres villageois. Il ne sait plus trop bien.

« Ils nous ont aligné, et une voix a crié Allah akbar. Ils étaient une dizaine. Mais ils étaient derrière nous et je ne sais pas combien ont tiré. J’ai été touché deux fois, à la hanche et au mollet.» Miraculé lui aussi.
Parmi les morts, il a reconnu le frère de Elias, abattu avec son fils, âgé d’une dizaine d’années.
En tout, une vingtaine de victimes. Dans la panique, Khalaf n’a reconnu qu’une dizaine de visages.
 
Sans nouvelle des femmes
Donatella Rovera ne connait pas le nombre exact des villageois assassinés. Selon les témoins, les djihadistes ont formé au moins trois convois de 25 personnes. Nul ne sait ce que sont devenus les femmes et les enfants en bas âge. L’Ei, selon la rumeur, les aurait conduit à Tal Afar, où ils détiennent d’autres habitants yazidi.
 
Le village de Kocho comptait 1200 habitants. Depuis ces faits, aucun contact n’a pu être établi avec les anciens habitants.

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