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Bahrein: réduction de peine pour un opposant et augmentation des condamnations

Tours et détours de la justice au royaume de Hamad ben Issa al-Khalifa. La cour de cassation de Bahreïn a réduit de neuf à cinq ans la peine de prison du chef de l’opposition, cheikh Ali Salman. Un geste d’apaisement à l’adresse de la population chiite qui s’est toutefois accompagné de nouvelles condamnations de membres de cette communauté et d’un durcissement de la Constitution.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Portraits de Cheikh Ali Salman, chef du mouvement chiite d'opposition bahreïnie, Al-Wefaq (dissous), brandis lors d'une manifestation contre son arrestation, le 26 mai 2016 à Manama. (STRINGER/AFP)

Opération de communication ou jeu de dupes? La cour de cassation à Bahreïn vient de réduire la peine de prison que purge actuellement le chef de l’opposition chiite dans le royaume.

Une réduction de peine sans explication pour Cheikh Ali Salman 
Détenu depuis décembre 2014, Cheikh Ali Salman, 51 ans et dirigeant du mouvement d’opposition al Wefaq, avait été condamné en 2015 à 4 ans de prison pour «incitation à la désobéissance civile et à la haine confessionnelle». Une peine alourdie en appel, en 2016, à neuf ans de réclusion sous la nouvelle accusation de «complot contre le régime».
 
Deux ans et demi de détention plus tard, la Cour de cassation, dont les verdicts sont sans appel, crée la surprise en réduisant de cinq ans sa peine d’emprisonnement, mais sans fournir d’explication à cette nouvelle décision de justice.
 
Dans ce petit royaume du Golfe, à majorité chiite mais dirigé par une dynastie sunnite, son arrestation et sa condamnation ainsi que la dissolution de son mouvement avaient provoqué des mouvements de protestation. Elles avaient même été condamnées par les Etats-Unis, alliés du royaume, par l’Iran, soutien de la communauté chiite et par les organisations des droits de l’Homme.
 
«Réduire la peine de Cheikh Ali Salman n’atténue en rien la répression de la liberté d’expression» à Bahreïn, a réagi Lynn Maalouf, directrice adjointe pour la recherche au bureau d’Amnesty International à Beyrouth.
 
«Cheikh Ali Salman est l’une des victimes de la répression de la dissidence pacifique», a-t-elle indiqué dans un bref communiqué, appelant à «sa libération immédiate et sans condition».

«Le Bahrein a atteint un point critique» selon Amnesty international
En février 2017, l’ONG pour la défense des droits de l’Homme avait appelé les autorités bahreïnies à s’abstenir d’avoir recours à la force contre les manifestants lors de la commémoration du sixième anniversaire du soulèvement de 2011, dans le sillage des printemps arabes.
 
Amnesty International estimait que le Bahreïn avait «atteint un point critique. Au cours des deux premiers mois de l’année 2017 seulement, une augmentation alarmante du recours à une force arbitraire et excessive par les forces de sécurité a été constatée et des exécutions ont eut lieu pour la première fois depuis le soulèvement de 2011», avait déclaré Lynn Maalouf.
 
La réduction de peine de Cheikh Ali Salman a en tout cas été précédée de plusieurs condamnations et déchéances de nationalité. Le jeudi 30 mars 2017, trois personnes de confession chiite ont été reconnues coupables d’avoir constitué «une cellule terroriste», d’avoir reçu «des financements iraniens»  et d’avoir été «entraînées au maniement des armes par le Hezbollah irakien». 
 

L’un a été condamné à 15 ans de prison et les deux autres à 10 ans chacun.
 
La veille, deux autres chiites, dont l’un est en fuite, avaient été condamnés à mort pour leur implication dans une attaque «terroriste» en 2015 au cours de laquelle deux policiers ont trouvé la mort.
 
Durcissement de la Constitution contre l'opposition
Par ailleurs, la justice a déjà déchu de leur nationalité près de 390 Bahreïnis, dont des militants, des intellectuels, des politiciens et des dignitaires religieux tels que Cheikh Hassan Issa et plus récemment Cheikh Abdallah al-Daqaq, représentant du chef de la communauté chiite de Bahreïn en Iran.

Dernier durcissement en date du régime contre ses opposants, le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa vient d’approuver un amendement constitutionnel élargissant les compétences de la justice militaire aux civils accusés de «terrorisme».
 
Un amendement déjà approuvé et adopté par les deux chambres du Parlement qui restreint un peu plus les libertés d’expression et de manifestation de l’opposition dans ce pays.

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