Cet article date de plus de sept ans.
Au Qatar, les travailleurs étrangers gagnent des droits
Le Qatar a annoncé le 12 décembre 2016 la fin du système légal qui «esclavagiseait» les travailleurs étrangers au nombre d'environ 2,1 millions dans cet Etat du Golfe. La «kafala», cette règle officiellement suspendue, stipulait que ces travailleurs devaient avoir un «parrain» local et obtenir une autorisation de sa part pour changer d'emploi ou quitter le pays, permettant tous les abus.
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Il s'agit de la plus importante réforme du travail jamais entreprise dans cet émirat qui accueillera la Coupe du monde de football 2022. Pour les défenseurs des droits de l'Homme, ce système rendait les travailleurs migrants particulièrement vulnérables à toutes sortes d'abus et était parfois comparé à une forme d'esclavage moderne.
Le visa de sortie exigé pour pouvoir quitter le pays sous le système de la kafala sera aboli, mais les travailleurs auront toujours besoin de l'autorisation de leur employeur pour quitter le territoire. Une commission d'appel a été mise en place pour les expatriés qui seraient éventuellement empêchés de partir...
La liberté de mouvement sera garantie, ont assuré des responsables qataris, et les travailleurs pourront changer d'employeur ou quitter le pays sans avoir à obtenir l'accord d'un parrain.
Les drames provoqués par la kafala
La règle de la kafala pouvait provoquer de véritables drames, comme le montre l'histoire de cette ex-employée de maison srilankaise: Kalawani a passé les six dernières années en situation irrégulière au Qatar sans pouvoir rentrer chez elle en raison de son conflit avec son employeur-parrain. Elle va finalement pouvoir revoir son pays car elle fait partie des quelque 9.000 sans-papiers qui vont pouvoir quitter l'émirat grâce à une amnistie décrêtée en novembre.
Cette mesure permet à des «illégaux», comme les appellent les autorités, de quitter le Qatar «sans conséquences judiciaires». Kalawani s'était enfuie de chez son employeur après que ce dernier a refusé de lui verser son salaire mensuel de 1.000 riyals (260 euros), un phénomène assez courant.
La décision du Qatar, même si elle est critiquée, a déjà un effet d'entraînement. Au Koweit voisin, une association de défense des froits de l'Homme a apppelé l'émirat à mettre fin à la règle de la kafala.
En septembre 2016, l'ONU avait mis en cause ce système de parrainage. «Le système de kafala (...) crée une situation de vulnérabilité qui favorise des abus dans les relations de travail», avait souligné Maria Grazia Giammarinaro rapporteuse spéciale de l'ONU sur la traite des personnes. Il doit être «remplacé par une réglementation différente permettant aux migrants de jouir d'une liberté substantielle sur le marché du travail», a recommandé Mme Giammarinaro.
Ce type de contrat, qui lie les travailleurs étrangers à leurs employeurs, est une pratique courante dans les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), où vivent et travaillent quelque 25 millions d'expatriés.
Certaines monarchies du CCG se sont engagées à réformer le système, mais peu a été fait. L'exemple du Qatar va peut être faire tache d'huile.
Les critiques des ONG
L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International, qui avait vivement dénoncé les conditions de travail au Qatar pour la préparation du mondial, a d'emblée critiqué le nouveau système: «La nouvelle loi est peut-être débarrassée du terme "parrainage", mais les bases du système (précédent) restent intactes.» Selon Amnesty, le nouveau système continuera «de mettre les travailleurs à la merci de patrons abusifs». L'ONG ajoute, visant le mondial de foot: «La Fifa, ses sponsors et les gouvernements étrangers cherchant à établir des liens commerciaux avec le Qatar ne peuvent ni ne doivent invoquer cette réforme pour affirmer que les problèmes d’atteintes aux droits des travailleurs migrants ont été résolus. Si la réforme s’arrête là, des travailleurs du pays tout entier – ceux qui construisent les stades, les hôtels et les réseaux de transport que chaque joueur et fan de football au Qatar utilisera – seront exposés à un risque grave de violations des droits fondamentaux.»
Même son de cloche du côté de Human Rights Watch. Nicholas Mac Geehan indique en effet que «le Qatar n’a fait que changer le nom du système». Ce membre de l’ONG internationale rappelle que «les travailleurs ne pourront toujours pas quitter leurs employeurs et auront besoin de l’autorisation de ceux-ci pour pouvoir sortir du territoire». Avec une nouveauté cependant: les employeurs ne pourront plus confisquer les passeports de leurs salariés, sous peine d’amende.
Les accusations des ONG sont rejetées par le Qatar: «La nouvelle législation, couplée à un engagement pour des réformes du système, permettra de garantir le respect des droits des travailleurs.»
L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International, qui avait vivement dénoncé les conditions de travail au Qatar pour la préparation du mondial, a d'emblée critiqué le nouveau système: «La nouvelle loi est peut-être débarrassée du terme "parrainage", mais les bases du système (précédent) restent intactes.» Selon Amnesty, le nouveau système continuera «de mettre les travailleurs à la merci de patrons abusifs». L'ONG ajoute, visant le mondial de foot: «La Fifa, ses sponsors et les gouvernements étrangers cherchant à établir des liens commerciaux avec le Qatar ne peuvent ni ne doivent invoquer cette réforme pour affirmer que les problèmes d’atteintes aux droits des travailleurs migrants ont été résolus. Si la réforme s’arrête là, des travailleurs du pays tout entier – ceux qui construisent les stades, les hôtels et les réseaux de transport que chaque joueur et fan de football au Qatar utilisera – seront exposés à un risque grave de violations des droits fondamentaux.»
Même son de cloche du côté de Human Rights Watch. Nicholas Mac Geehan indique en effet que «le Qatar n’a fait que changer le nom du système». Ce membre de l’ONG internationale rappelle que «les travailleurs ne pourront toujours pas quitter leurs employeurs et auront besoin de l’autorisation de ceux-ci pour pouvoir sortir du territoire». Avec une nouveauté cependant: les employeurs ne pourront plus confisquer les passeports de leurs salariés, sous peine d’amende.
Les accusations des ONG sont rejetées par le Qatar: «La nouvelle législation, couplée à un engagement pour des réformes du système, permettra de garantir le respect des droits des travailleurs.»
Les drames provoqués par la kafala
La règle de la kafala pouvait provoquer de véritables drames, comme le montre l'histoire de cette ex-employée de maison srilankaise: Kalawani a passé les six dernières années en situation irrégulière au Qatar sans pouvoir rentrer chez elle en raison de son conflit avec son employeur-parrain. Elle va finalement pouvoir revoir son pays car elle fait partie des quelque 9.000 sans-papiers qui vont pouvoir quitter l'émirat grâce à une amnistie décrêtée en novembre.
Cette mesure permet à des «illégaux», comme les appellent les autorités, de quitter le Qatar «sans conséquences judiciaires». Kalawani s'était enfuie de chez son employeur après que ce dernier a refusé de lui verser son salaire mensuel de 1.000 riyals (260 euros), un phénomène assez courant.
La décision du Qatar, même si elle est critiquée, a déjà un effet d'entraînement. Au Koweit voisin, une association de défense des froits de l'Homme a apppelé l'émirat à mettre fin à la règle de la kafala.
En septembre 2016, l'ONU avait mis en cause ce système de parrainage. «Le système de kafala (...) crée une situation de vulnérabilité qui favorise des abus dans les relations de travail», avait souligné Maria Grazia Giammarinaro rapporteuse spéciale de l'ONU sur la traite des personnes. Il doit être «remplacé par une réglementation différente permettant aux migrants de jouir d'une liberté substantielle sur le marché du travail», a recommandé Mme Giammarinaro.
Ce type de contrat, qui lie les travailleurs étrangers à leurs employeurs, est une pratique courante dans les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), où vivent et travaillent quelque 25 millions d'expatriés.
Certaines monarchies du CCG se sont engagées à réformer le système, mais peu a été fait. L'exemple du Qatar va peut être faire tache d'huile.
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