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Arabie Saoudite: la police religieuse rejoint Twitter, «la source de tout mal»

Le Comité pour le commandement de la vertu et la répression du vice (Haia), la dénomination officielle de la police religieuse saoudienne, gazouille officiellement depuis le 22 avril. Nom de code: @PvGovSa.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Compte twitter officiel de la police religieuse saoudienne. (Source : Twitter )

Il s'agit d'une révolution pour l’institution qui décriait Twitter, il y a quelques mois encore, rappelle le site d’informations RT. Et qui, aujourd'hui, a plus de 66.500 followers.

En 2013, le grand mufti d'Arabie Saoudite, le cheikh Abdul Aziz al-Sheikh, avait affirmé que Twitter avait «perdu ce monde et sa vie éternelle» et qu’il «était une plateforme» pour ceux qui n’avaient rien d'autre à se raccrocher, rapporte RT. Pis : le réseau social serait «la source de tout mal et dévastation», martelait-il de nouveau en 2014. «Des gens s’y précipitent et pensent que c’est une source d’information crédible, mais c’est une source des mensonges et de faussetés». Le discours et les actes ont bien évolué depuis. Le second tweet de la police religieuse montre le président du comité, Abdul Rahman Al-Sanad, devant un ordinateur. Le nouveau compte se fait largement l’écho de ses activités et communique même son email direct : pv@pv.gov.sa.  

معالي الرئيس العام يدشن حساب الرئاسة على (تويتر) http://t.co/v1ZCVKxmvO pic.twitter.com/xjK9Bwe7dR


Oublié le temps où le porte-parole de l'Haia se réjouissait d’avoir obtenu la fermeture de 10.117 comptes Twitter sur l'année en 2014. Le crime de leurs utilisateurs : avoir commis des «infractions religieuses et morales». Mais en Arabie Saoudite, on ne se contente pas que de fermer les comptes. Les crimes liés à Internet sont généralement punis par des peines de prison pouvant dépasser cinq ans et des amendes pouvant aller jusqu’à 3 millions de rials saoudiens (plus de 730.000 euros), indique Arabnews.  

Suivre ou censurer ses concitoyens?
Mais les contrevenants risquent également la peine de mort. Ce fut le cas du journaliste et blogueur saoudien Hamza Kashgari. Le texte d'un de ses tweets est qualifié d'acte «d'apostasie» par le comité saoudien des fatwas. Il a été écroué en 2012 pour être finalement libéré en octobre 2013 après vingt mois de détention, grâce notamment à la mobilisation internationale.

Le blogueur saoudien Raif Badawi a été également incarcéré en 2012 mais son sort est moins enviable. En novembre 2014, il a été condamné à dix ans de prison, une amende d’un million de rials saoudiens (environ 226.000 euros) et 1000 coups de fouet administrés sur 20 semaines pour «insulte à l'islam». Depuis sa première séance de flagellation, plusieurs voix se sont élevées pour que cesse cette torture physique. En avril, du fond de sa prison, le blogueur a publié en Allemagne un livre intitulé 1 000 coups de fouet : pourquoi je dis ce que je pense. Son avocat Waleed Abu al Khair a aussi été condamné à 15 mois de prison en janvier 2015.

Malgré les atteintes à la liberté d’expression dont ils font l’objet, les Saoudiens n’ont pas renoncé à fréquenter la Toile, et surtout pas Twitter. Selon la sixième édition du rapport sur les médias sociaux dans le monde arabe paru en mars 2014, ils sont 2,4 millions sur le réseau social, soit 40% des utilisateurs de Twitter dans cet espace.

La très rétrograde Haia a bien compris qu’il fallait prendre le train en marche, histoire de mieux «suivre» ses compatriotes...

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