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Les ressources maritimes au cœur des tensions internationales

Les tensions pour asseoir la souveraineté des Etats sur des zones maritimes, se multiplient un peu partout à travers le monde. Mer de Chine, pôle Nord, golfe de Guinée. Les espaces maritimes sont un enjeu, en raison des ressources qu’ils détiennent. En théorie, la Zone économique exclusive (ZEE) garantit leur exploitation au pays riverain concerné. Mais en même temps, elle est source de conflits.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Contrôle serré entre navire chinois et japonais près des îles Senkaku en septembre 2013. (Hiroaki Ono / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun)

La convention de Montego Bay, signée en 1982, invente la Zone économique exclusive (ZEE). Une zone maritime parallèle au rivage du pays, s’étendant jusqu’à 200 milles des côtes (370 km). L’Etat riverain dispose de l’exclusivité d’exploitation des ressources dans cet espace.

De quoi aiguiser les appétits des uns, et les récriminations des autres. D’autant qu’un minuscule îlot développe une zone économique exclusive énorme. Ainsi l’archipel des Crozet dans l’Océan Indien, à mi-chemin entre l’Afrique et l’Antarctique avec une superficie de 352 km², apporte 575.374 km² de ZEE à la France. Celle ci est d’ailleurs championne dans ce domaine du confetti maritime, grâce, notamment, à ses territoires ultramarins du Pacifique. Cela lui permet de se classer au second rang mondial derrière les Etats-Unis, avec une superficie totale de 10 millions de km² de ZEE.
 
Empires maritimes
La ZEE est devenu un formidable moyen d’expansion géographique, et donc économique. Les empires terrestres sont désormais difficiles à étendre, et ils sont également difficiles à défendre. Même les nations puissantes comme la Russie et la Chine sont menacés par des mouvements indépendantistes : républiques caucasiennes pour la Russie, séparatistes ouïghours pour Pékin.  

Or justement, la zone économique exclusive, on l’a vu, permet à peu de frais de se tailler un empire maritime avec l’exploitation exclusive qui va avec. Ainsi, la Chine revendique la souveraineté sur l’archipel des Spratleys, 700 îles de la mer de Chine plantées entre Vietnam, Philippines, Indonésie. En vertu de la loi des 200 milles, la Chine aurait alors une frontière maritime avec la Malaisie, et entrerait dans la ZEE des Philippines. Elle poserait la main sur une partie des réserves halieutiques, et surtout des gigantesques ressources énergétiques estimées.

Carte des tensions en mer de Chine méridionale

Une ZEE se revendique, et le demandeur doit apporter la preuve de son droit à exclusivité. Les pays aux prétentions maritimes déploient des trésors d’ingéniosité pour légitimer leurs droits sur une île ou un îlot. Pékin transforme des récifs en île habitable (le plus souvent une base navale). La France n’est pas en reste. Elle possède de nombreux îlots inhabités où elle maintient sa présence. Ainsi Juan de Nova, en plein milieu du canal du Mozambique et à mi-distance de Madagascar et du continent africain. Pour rappeler la souveraineté de la France, un détachement militaire y est présent depuis 1973.

Risques nationalistes
Bien évidemment, les voisins ne voient pas toujours d’un bon œil cette présence, parfois très artificielle, vécue comme un signe de néo-colonialisme ou d’impérialisme. C’est autant de risques de dérapage quand les voisins sont puissants. Ainsi Chinois et Japonais se livrent depuis des années à un bras de fer pour le contrôle des îles Senkaku. L’opinion publique est chauffée à blanc par des arguments ultranationalistes. Des groupuscules lancent des opérations qui peuvent dangereusement envenimer la situation.

Manifestation anti japonaise à Shenzhen (Chine) le 18/9/2012 (AFP/Peter Parks)

Même le pôle Nord
La convention internationale sur le droit à la mer a également accordé aux Etats côtiers le droit d’étendre leur juridiction au plateau continental, au-delà de la limite des 200 milles. «Ces extensions vers la haute mer concernent les fonds marins et le sous-sol de la mer. Elles peuvent être revendiquées sous réserve de démontrer que sont réunies un certain nombre de conditions géologiques» nous explique le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). Elle rallonge de 150 milles la zone d’exploitation. Pour la France, ces extensions pourraient atteindre un million de km² !

 (REUTERS / Michael Studinger / NASA / Handout)

Mais le dossier le plus polémique concernant le plateau continental intéresse le pôle Nord. Les pays riverains jouent des coudes pour y assoir leur souveraineté. Les fonds sous-marins de l’Arctique pourraient renfermer 15% des réserves planétaires de pétrole et 30% de celles de gaz. Sans oublier l’intérêt de nouvelles voies de commerce maritime rendues possible à cause du réchauffement climatique. Moscou juge qu’une chaîne de montagnes sous-marines, la dorsale de Lomonossov, est la continuité géologique de la Sibérie. Donc, la Russie peut réclamer des droits sur cet espace arctique. Une prétention que lui refuse notamment le Canada.
 
Ce partage des océans, qui en 1982 prétendait équilibrer le partage des bénéfices pour les pays concernés, devient au fil du temps source de polémiques ou, pire, de conflits. Il représente même un danger pour l’avenir de la planète. Ainsi une ONG comme Greenpeace milite pour obtenir l’interdiction de l’exploitation des ressources en Arctique. Mais la raréfaction des ressources et l’appétit des pays émergents poussent à prospecter de plus en plus loin en mer.

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