Cet article date de plus de quatorze ans.

Les propos du chef d'état-major des armées sur le coût des recherches des journalistes en Afghanistan font polémique

Jean-Louis Georgelin a déclaré dimanche sur Europe 1 que les recherches de ces deux reporters enlevés en décembre avaient déjà coûté plus de dix millions d'euros.La direction et les syndicats de France Télévisions ont vivement protesté après ces déclarations ainsi que plusieurs responsables politiques.
Article rédigé par France2.fr
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
 

Jean-Louis Georgelin a déclaré dimanche sur Europe 1 que les recherches de ces deux reporters enlevés en décembre avaient déjà coûté plus de dix millions d'euros.

La direction et les syndicats de France Télévisions ont vivement protesté après ces déclarations ainsi que plusieurs responsables politiques.

La direction de France Télévisions a dit "s'étonner qu'une polémique puisse naître sur le coût réel ou supposé des opérations qui visent à ramener en France les journalistes".

La direction du groupe n'avait pas réagi aux propos de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, qui avait déjà taxé à la mi-janvier les journalistes "d'imprudence coupable".

Le Syndicat national des journalistes CGT et la société des journalistes de France 3 ont aussi exprimé leur indignation dans des communiqués.

Les journalistes de France Télévisions dénoncent par ailleurs une "atteinte à la liberté d'informer" et il est jugé intolérable que le pouvoir mette en cause les pratiques professionnelles de reporters aujourd'hui retenus en otages.

Dans un communiqué publié dimanche, le premier secrétaire du PS Martine Aubry a aussi protesté jugeant "inacceptables" de tels propos. "Peut-être est-ce là ce qui gêne le gouvernement : que les Français soient informés d'une guerre qui s'enlise, sans stratégie de sortie", a-t-elle dit.

Du côté du MoDem, son président François Bayrou a déploré "une déclaration déplacée".

Quant au porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, il a estimé sur RTL que "ce n'était pas le moment de dire cela, ajoutant : "en même temps je pense qu'on est dans une démocratie où il doit y avoir la transparence".

Un enregistrement vidéo des deux reporters a été diffusé par leurs ravisseurs mi-février. Ils y expliquent qu'ils sont en bonne santé, qu'ils sont détenus par un groupe de taliban et appellent à des négociations.

Les deux journalistes travaillant pour le magazine de France 3 Pièces à conviction ont été enlevés, avec 3 accompagnateurs afghans, le 30 décembre.

Les propos de Georgelin relancent la polémique
Evoquant les "plus de 10 millions d'euros" déjà dépensés pour la recherche des deux reporters de France 3, le général a appelé "au sens de la responsabilité des uns et des autres". Avant lui, le 17 janvier, Claude Guéant avait lancé une première polémique en révélant que l'enlèvement des deux journalistes suscitait la colère du président Nicolas Sarkozy.

"Je donne le chiffre parce que j'appelle au sens de la responsabilité des uns et des autres", a poursuivi sur Europe 1 dimanche le général Georgelin, assurant, "bien sûr", qu'il ne s'agissait "pas de remettre en cause le droit à l'expression et la liberté de la presse".

"D'une manière générale, a-t-il affirmé, dans ce genre d'opérations, moins on en parle, mieux c'est". Pour parvenir à la libération des deux journalistes, "tous les moyens sont engagés", a-t-il cependant assuré. "Vous savez comme moi qu'ils sont vivants", a également déclaré le général Georgelin, rappelant qu'une vidéo avait été diffusée à la mi-février par les ravisseurs.

Réactions des professionnels

"La direction de France Télévisions s'étonne qu'une polémique puisse naître sur le coût réel ou supposé des opérations qui visent à ramener en France les journalistes de France 3 retenus en Afghanistan", indique-elle. La direction du groupe de télévision publique et ses rédactions "s'interrogent sur l'opportunité d'une telle déclaration", poursuit le texte. "Il n'était pas, jusque-là, dans les habitudes de la France d'évaluer le coût du rapatriement de citoyens français retenus contre leur gré à l'étranger. Si un tel débat devait avoir lieu, peut-être fallait-il attendre le retour de ces deux journalistes pour l'ouvrir", ajoute le communiqué.

La SDJ de France 3 s'est déclarée "outrée" lundi par les propos du général Jean-Louis Georgelin. "La Société des Journalistes s'interroge sur le 'sens des responsabilités' du plus haut responsable de l'armée lorsqu'il jette en pâture des chiffres aussi peu étayés, alors que des négociations sont en cours et que 'la plus grande discrétion' est réclamée par les autorités françaises", écrit l'association dans un communiqué. La SdJ "dénonce aujourd'hui l'acharnement coupable des plus hautes autorités françaises à l'égard de nos deux collègues et amis". Hervé et Stéphane, "deux journalistes aguerris", entendaient recouper leurs informations "en tentant de croiser les différents points de vue sur la présence de l'armée française dans la région de Kapisa. Mais peut-être est-ce cela qui dérange autant l'Elysée et l'état-major des armées ?", s'est interrogé la SdJ.

L'association Reporters sans frontières (RSF) s'est déclarée dimanche consternée par les "propos pour le moins déplacés" du chef d'état-major des armées, sur le coût des opérations menées pour rechercher les deux journalistes français. "Nous sommes consternés par ce genre de propos, pour le moins déplacés", assure RSF. "C'est la troisième fois depuis l'enlèvement de ces deux journalistes que les autorités françaises relancent la polémique, alors même qu'elles ont demandé de faire preuve de discrétion et de retenue. Rappeler encore une fois que les recherches coûtent cher est irrespectueux vis-à-vis des familles et inutile", estime l'association de défense de la presse.

De son côté, le syndicat national des journalistes (SNJ) a demandé jeudi un rendez-vous au ministre de la Défense Hervé Morin au sujet des deux journalistes de France 3, regrettant que les informations à leur sujet soient "trop rares".

"Les attaques ignobles dont ces journalistes-otages ont fait l'objet par certains politiques jusqu'au plus haut niveau de l'Etat n'ont pas permis à la profession d'avoir l'assurance que tout avait bien été mis en oeuvre depuis le premier jour pour les faire libérer", a écrit le SNJ dans un communiqué, en allusion notamment à ces propos de Claude Guéant.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.