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Les obligations vertes au secours de l’écologie

La France sera en 2017 le second pays à émettre des obligations vertes ou green bonds. En clair, elle empruntera pour investir dans des projets de transition énergétique et de protection de l’environnement. Jusqu’à présent, les opérations étaient lancées par des collectivités, des entreprises ou des agences de développement. Des investissements parfois contestés pour leur réel intérêt écologique.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
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L'hydrolienne émergée par EDF près de l'île de Bréhat. (AFP/Ffred Tanneau)

Dans la foulée de la COP21 à Paris en 2015, la France pensait être le premier pays au monde à lancer un emprunt vert. Raté. La Pologne lui a volé la vedette en émettant, en décembre 2016, 750 millions d’euros d’obligations vertes. Mais la France est bien plus ambitieuse. Dix milliards d’euros de dépenses annuelles sont potentiellement éligibles. Mais Michel Sapin, le ministre des Finances, a précisé: «Cela ne veut pas dire que nous allons financer la totalité de ces 10 milliards avec cette émission.»
 
Obligations vertes kézako?
Le ministère de l’Environnement donne lui-même la définition d’une obligation verte. «Un emprunt émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique auprès d’investisseurs pour lui permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique.» Et de préciser qu’il s’agit plus particulièrement d’investissements en infrastructures: gestion des déchets, de l’eau, transports propres, etc. On pense, par exemple, au financement de certaines hydroliennes comme Sabella sur l’île d’Ouessant.
 
Au départ, le mouvement a été porté par les grands organismes internationaux de développement. La Banque européenne d’investissement, puis la Banque mondiale, ont montré la voie. Puis les banques privées et enfin les grandes entreprises ont suivi. Ces dernières représentent le tiers de ces obligations vertes.
 
Le marché de l’investissement vert a explosé ces dernières années. Entre 2013 et 2015, le montant des obligations vertes est passé de 11 à 42 milliards de dollars. La Chine a émis huit milliards de dollars d’obligations vertes lors du seul premier trimestre 2016.
 
Quelles garanties?
«Le marché des obligations vertes souffre néanmoins d’un manque de transparence quant à la qualification verte des projets financés», reconnaît le ministère. Ainsi, un comité composé de six à huit experts indépendants internationaux sera mis en place pour évaluer l'impact environnemental des projets financés. Une façon de couper court à toutes polémiques, car le secteur n’en manque pas.

Le WWF ne s’y trompe pas. S’il salue l’annonce du gouvernement français, il ne signe pas un chèque en blanc pour autant. «Le rôle du WWF France sera à présent de rester vigilant sur la réelle mise en œuvre du dispositif annoncé. Il va, pour ce faire, acquérir une de ces obligations dès leur émission afin de vérifier le niveau d’information et de garanties environnementales apportées aux investisseurs.»
 
L’estampille verte
Ainsi, Engie (ex-GDF Suez) s’est vu reprocher des investissements en Amazonie, financés par des obligations vertes à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Ainsi, le barrage de Jirau dans le nord du bassin amazonien est jugé non éligible. Une construction de 1500 m de long sur 63 de haut barre le rio Madeira. Une production de près de 4 gigawatts fournie par 50 turbines.
 
La construction est annoncée comme particulièrement verte, du moins pour ce genre d’édifice. Le lac de retenue  est prévu a minima, le cours du rio n’est pas détourné, et les turbines doivent laisser passer les œufs de poisson et les larves. En tout cas, selon Engie, le barrage évitera le rejet dans l’atmosphère de 7 millions de tonnes de CO2 par an.


Pourtant, des associations ont dénoncé les impacts sur le milieu naturel et les populations locales. La licence d’exploitation d’abord refusée a finalement été accordée quelques mois plus tard, faisant tiquer les représentants locaux de Greenpeace.
Pour Ricardo Baitelo, spécialiste des questions énergétiques de l’ONG au Brésil cité par Novethic, «n’importe quel barrage situé en Amazonie, une région déjà dévastée par la déforestation et dont la biodiversité est fragile, est difficilement éligible à un quelconque programme de crédits carbone ou de green bonds». 
 
Une prise de position maximaliste qui en dit long sur la notion même d’investissement vert. Nul doute que les investissements des Etats seront passés au crible.

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