Les forces de l'ordre sont en alerte renforcée aux abords des églises en vue des célébrations du Noël copte orthodoxe
La surveillance des ports et aéroports a aussi été renforcée après l'attentat contre une église copte qui a fait 21 morts et 79 blessés à Alexandrie dans la nuit du Nouvel an.
Le Noël copte orthodoxe a lieu vendredi, également jour de prière pour les musulmans. Les célébrations commenceront jeudi, avec les traditionnelles messes de veille de Noël.
L'attentat a été commis, selon les autorités qui évoquent la piste d'Al-Qaïda, par un kamikaze agissant pour des terroristes étrangers. Le massacre n'a cependant pas été formellement revendiqué.
Le patriarche copte orthodoxe Chenouda III a assuré qu'il allait célébrer la messe de Noël. Il a aussi lancé un appel au calme, déplorant certains aspects des manifestations de protestation contre l'attentat.
Les chrétiens manifestent
Outre les risques d'attentats, les autorités redoutent de nouveaux heurts avec des manifestants chrétiens, ou des incidents entre chrétiens et musulmans.
Dimanche, 45 policiers et 27 autres personnes ont été blessés dans des heurts entre Coptes et policiers au Caire, en marge d'un rassemblement de plusieurs centaines de personnes dans l'enceinte de la Cathédrale Saint Marc. Les manifestants s'en sont pris aux officiels qui venaient présenter leurs condoléances. Selon un journaliste de l'AFP, des manifestants ont ainsi jeté des pierres sur Osmane Mohamed Osmane, secrétaire d'Etat au développement économique, après qu'il eût rencontré le patriarche Chenouda III, alors que des affrontements opposaient d'autres manifestants aux policiers postés à l'extérieur. Plus d'un millier de manifestants sont ensuite sortis de l'enceinte et se sont répandus dans les rues avoisinantes, perturbant le trafic, donnant des coups sur les capots et jetant des pierres sur les véhicules.
Lundi soir, des manifestants ont jeté des pierres sur des policiers qui tentaient de bloquer une marche de milliers de Coptes dans un quartier nord du Caire. La police a riposté en leur lançant des pierres. La police avait auparavant dispersé une manifestation de quelque 200 intellectuels et artistes égyptiens dans le centre-ville qui dénonçaient l'attentat.
Benoit XVI a demandé aux dirigeants du monde de défendre les chrétiens contre l'intolérance religieuse.
5.000 personnes aux funérailles samedi soir
Au moins cinq mille personnes ont assisté samedi soir aux funérailles des victimes de l'église copte d'Alexandrie visée par l'attentat.
Les funérailles ont eu lieu au monastère Marmina à King Mariout, une banlieue à une trentaine de kilomètres de la ville méditerranéenne. La foule scandait des slogans dont notamment: "O croix, nous nous sacrifions pour toi par notre âme et notre sang".
La foule a refusé d'accepter les condoléances du président égyptien Hosni Moubarak. "Non, non, non", ont crié les fidèles coptes interrompant, à plusieurs reprises, le secrétaire du pape cope Chénouda III, l'évêque Youanes lorsqu'il a voulu transmettre les condoléances du chef d'Etat.
Les dirigeants égyptiens, inquiets à l'approche de l'élection présidentielle de septembre et ne sachant pas si le président Hosni Moubarak se représentera à 82 ans révolus, ont immédiatement lancé des appels à l'unité. Ils redoutent une explosion de violences entre communautés en cette année électorale.
Multiples condamnations
Le grand mufti d'Arabie saoudite, Cheikh al-Cheikh, a dénoncé lundi un attentat "mené par des ennemis de l'islam". La chancelière allemande Angela Merkel a fait part de son "horreur et effroi" et le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a évoqué un "acte barbare (...) en contradiction flagrante avec les enseignements de l'Islam".
Le président Hosni Moubarak a condamné, dans une allocution télévisée, un "acte criminel odieux qui a visé la nation, Coptes et musulmans", et dénoncé, sans plus de précisions, "l'implication de mains étrangères" dans ce massacre.
Le président français Nicolas Sarkozy a dénoncé samedi un "crime aveugle et lâche" et exprimé "sa grande émotion" dans une lettre adressée à son homologue égyptien Hosni Moubarak. Pour Nicolas Sarkozy - qui a ajouté à sa signature la mention manuscrite "votre ami" -, "nul ne doit être inquiété ni a fortiori craindre pour sa vie en exerçant le droit fondamental de pratiquer librement sa foi".
De son côté, le président des Etats-Unis Barack Obama a condamné "fermement" les attentats sanglants "révoltants" commis en Egypte et au Nigéria, a annoncé la Maison Blanche samedi. Barack Obama a également affirmé que son pays se tenait "prêt à offrir l'aide nécessaire au gouvernement égyptien".
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a dénoncé "un acte criminel inhumain visant à déstabiliser notre pays frère égyptien et à semer la discorde entre musulmans et chrétiens".
A Gaza, le Hamas a exhorté les autorités égyptiennes à "mener une enquête diligente pour retrouver au plus vite les coupables et les traîner en justice". "Nous condamnons cet attentat et sommes certains qu'il est le fait d'éléments n'agissant pas dans l'intérêt de l'Egypte et cherchant à pousser à la confrontation entre musulmans et chrétiens".
La Turquie a dénoncé dimanche cet attentat "terroriste" et "lâche". "Nous condamnons avec la plus grande fermeté le lâche attentat terroriste qui a coûté la vie à un grand nombre de personnes innocentes", souligne le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. La Turquie est "choquée" par cette attaque qui "vise la paix sociale en Egypte, (pays) frère et ami", poursuit le texte qui se dit "solidaire", car "la Turquie a beaucoup souffert elle aussi du terrorisme".
Attentat vers minuit et demi, alors que les fidèles sortaient de l'église
L'attaque s'est produite pendant la nuit du Nouvel An, lorsqu'une bombe a explosé devant l'église des Saints (Al-Qiddissine) à Alexandrie, la grande ville du nord, vers minuit et demi, alors que les fidèles commençaient à sortir du bâtiment.
L'hypothèse d'une voiture piégée initialement mentionnée par les autorités a été écartée en milieu de journée par le ministère de l'Intérieur, qui a déclaré que le massacre avait "probablement" été perpétré par un kamikaze. "Il est probable que l'engin qui a explosé était porté par un kamikaze qui a péri au milieu des autres victimes", estime un communiqué du ministère. La bombe, de fabrication locale, contenait des bouts de métal "pour atteindre le plus grand nombre" de personnes, est-il précisé.
Des menaces d'Al-Qaïda contre les Coptes d'Egypte
L'attaque n'a toujours pas été revendiquée, mais elle intervient deux mois après des menaces proférées par la branche irakienne d'Al-Qaïda contre les Coptes d'Egypte.
Un groupe se réclamant d'Al-Qaïda en Irak avait revendiqué le 31 octobre l'attaque sanglante contre la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, au cours de laquelle 46 civils (dont deux prêtres), sept membres des forces de sécurité et les cinq assaillants avaient péri.
Le groupe avait menacé de s'en prendre aux Coptes d'Egypte si leur Eglise ne libérait pas deux chrétiennes présentées comme "emprisonnées dans des monastères" pour s'être converties à l'islam. Ces deux femmes, Camilia Chehata et Wafa Constantine, sont des épouses de prêtres coptes dont la conversion supposée à l'islam a provoqué des remous en Egypte.
Les coptes représentent 6 à 10% des 80 millions d'Egyptiens. Ils sont la plus importante communauté chrétienne du Moyen-Orient, et aussi une des plus anciennes. En majorité orthodoxes, les chrétiens égyptiens comptent aussi des catholiques. Leur origine remonte à l'aube du christianisme, à l'époque où l'Egypte fait partie de l'empire romain puis de l'empire byzantin.
Le terme "copte" vient du mot "égyptien" en grec ancien.
Les coptes présents dans toute l'Egypte, sont plus nombreux en Moyenne-Egypte. On les trouve dans toutes les catégories sociales, des éboueurs misérables du Caire (zabbaline) aux grandes familles bourgeoises.
Peu représentés au Parlement, ils s'estiment tenus à l'écart de nombreux postes de la justice, des universités ou encore de la police. Ils déplorent une législation très contraignante pour la construction des églises, beaucoup plus que pour l'édification des mosquées. L'arrêt d'un chantier de construction d'une église a provoqué de violents affrontements en novembre dernier entre manifestants coptes et policiers au Caire, qui a fait deux morts parmi les manifestants.
Des incidents parfois meurtriers avec les musulmans au cours des dernières années renforcent les craintes des coptes face à la montée d'un islam rigoriste.
En 2006, un homme avait attaqué des fidèles dans trois églises d'Alexandrie, tuant une personne et en blessant d'autres. Et le 6 janvier 2010, six Coptes avaient été tués par des hommes armés à la sortie d'une messe en Haute-Egypte, à la veille du Noël copte. Le verdict dans cette affaire, où trois trois Egyptiens sont accusés de meurtre, est attendu le 16 janvier.
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