Le survivant d'un boat people porte plainte contre l'armée française
Le rescapé du naufrage d'un boat people porte plainte contre l'armée française et l'armée espagnole pour "non assistance à
personne en danger". La traversée de la Méditerranée depuis la Libye devait
durer deux jours. Le bateau a dérivé deux semaines, alors que les deux armées savaient qu'il était au milieu de la mer.
Le 25 mars 2011, la France intervient militairement en Libye. Abu Kurke, un jeune
immigré de 25 ans, originaire d'Erythrée décide de fuir à bord d'un zodiac. Il embarque aux côtés de 71 autres migrants africains.
"Le
premier jour, ça allait. Mais le temps a changé et on était trop nombreux sur le
bateau ", se rappelle Abu Kurke. "*Dès le deuxième jour, on a appelé
- (par téléphone satellitaire NDLR) le père Mussie Zerai ", un prêtre
érythréen qui transmet leur localisation à des gardes-côtes italiens.
63 morts
"Rapidement, les
gens sont morts de faim ou de soif, d'autres ont été emportés par des
vagues ", raconte Abu Kurke. "Au début, on a essayé de garder les
corps, mais à cause des odeurs, nous avons dû les jeter à la mer ". Pour
survivre, il mange du dentifrice et boit son urine.
Abu Kurke a passé plusieurs jours allongé dans le bateau, sans pouvoir bouger.
Il affirme avoir vu à plusieurs reprises des "hélicoptères, des navires
militaires et des bateaux de pêche ". Mais personne ne les aide. Sauf le 27
mars, où le jeune homme raconte qu'un hélicoptère militaire leur a "donné
de l'eau et des biscuits. On a montré qu'il y avait des bébés à bord. Ils ont
fait le signe qu'ils allaient revenir mais ils ne l'ont pas fait ".
"Selon nos calculs,
en une heure, une heure et demie, le Charles De Gaulle pouvait venir secourir
les migrants" (association de migrants)
Selon Stéphane
Maugendre, président du groupe d'information et de soutien des immigrés, l'armée
française nie toute responsabilité dans ce drame. Il a déjà tenté de lancer une
procédure l'année dernière, mais s'est vu recevoir cette réponse : "Nous n'étions pas sur place et si nous
étions sur place, nous étions sous le commandement de l'Otan donc nous rendons l'avis
qu'il n'y a pas lieu à poursuite ".
Pourtant, affirme
Stéphane Maugendre, le porte-avion Charles De Gaulle naviguait bien au large de
la Libye à ce moment là. "C'est un bateau extrêmement puissant, qui va
très vite et selon nos calculs, en une heure, une heure et demie, le Charles De
Gaulle pouvait venir secourir les migrants ".
Après 10 jours de dérive, le zodiac échoue sur les côtes
libyennes, "à
bord, en plus de moi, il restait dix personnes vivantes, mais une est
morte une heure plus tard et une autre en détention ". Car le groupe est en
effet placé en détention. C'est l'Eglise catholique qui les fait libérer. Les
autorités libyennes les contraignent ensuite à prendre un bateau pour l'Italie. Arrivé
en Europe, Abu Kurke réussit à obtenir des papiers et vit désormais aux
Pays-Bas.
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