Le Premier ministre français a achevé dimanche au Gabon une tournée africaine qui l'a mené en Côte d'Ivoire et au Ghana
A Libreville, sa dernière étape, François Fillon a assisté à la signature de contrats commerciaux d'une valeur de 71 millions d'euros et a rencontré le président gabonais, Ali Bongo Ondimba.
Le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, qui était aussi du voyage, a lancé que les deux pays avaient désormais une "relation décomplexée".
"Nous sommes dans un climat nouveau, qui est celui d'une totale relation décomplexée et transparente qui n'est pas exclusive, puisque d'autres pays vont aussi travailler au Gabon", a affirmé M.Lellouche, lors de l'inauguration d'un forum économique Gabon-France.
"Nous sommes là pour vous accompagner au niveau des infrastructures, nous ferons en sorte que les technologies arrivent, que les gens soient formés", a-t-il promis aux Gabonais en se félicitant de la signature d'une convention entre l'école des Hautes études commerciales (HEC) et la Chambre de commerce gabonaise.
Le patron de Confédération Patronale Gabonaise Jean Claude Oyima s'est lui aussi félicité de la confiance des investisseurs français: "Ce dispositif montre que le Gabon est une destination très attractive. Aujourd'hui les entreprises sont plus sécurisées qu'hier. Nous avons tout ce qu'il faut pour devenir un pays émergent".
Au Ghana, dans un pays anglophone
M.Fillon a déclaré samedi au Ghana, considéré comme un modèle démocratique en Afrique, que la France voulait "participer" à son développement économique.
Cette visite à Accra, dans l'ex-colonie britannique, la première d'un haut-dirigeant français, marque la "volonté de la France de participer au développement économique du Ghana", a déclaré François Fillon lors d'une rencontre au palais présidentiel avec le chef de l'Etat John Atta Mills.
Elu démocratiquement en 2008 et candidat à sa réélection en 2012, M.Atta Mills a déclaré que son pays avait "choisi la démocratie qui est le seul moyen d'atteindre la paix et le développement économique".
Selon M. Fillon, "la France a décidé de réorienter radicalement sa politique en Afrique" en ne privilégiant plus la seule Afrique francophone. Le Ghana figure ainsi parmi les pays prioritaires de l'Agence française de développement pour densifier les échanges franco-africains. Le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, qui accompagne le Premier ministre avec plusieurs chefs d'entreprises français, devait en parallèle participer à un Forum économique à Accra pour affirmer la présence française au Ghana.
Au cours de cette visite, trois conventions de financement de l'Agence française de développement , dont un programme de développement urbain, ont été signées pour un montant d'environ 50 millions d'euros.
Le Premier ministre français a également rendu hommage à l'implication sur la scène internationale du Ghana, un "grand contributeur aux forces de maintien de la paix" en Afrique.
Pour en finir avec la Françafrique
MM.Fillon et Ouattara ont convenu vendredi à Abidjan que la "Françafrique" était "un logiciel dépassé". Le Premier ministre français a plaidé pour que la France conserve sa place de "partenaire privilégié", notamment sur le plan économique, en Côte d'Ivoire.
Devant les grincements de dents provoqués par le rôle de la France dans l'économie de la Côte d'Ivoire, M. Fillon a déclaré: "J'appelle tous ceux qui continuent à vouloir évoquer les relations entre la France et l'Afrique en parlant de Françafrique à changer de vocabulaire et à changer de logiciel", a-t-il ajouté avant de conclure: "Je pense qu'il y a suffisamment de liens d'amitié entre la France et la Côte d'Ivoire pour qu'ils permettent de développer les partenariats économiques, au-delà de tous ces discours idéologiques, convenus, qui n'ont plus aucune réalité dans le monde d'aujourd'hui", a martelé M. Fillon.
Même son de cloche du côté du président ivoirien, Alassane Ouattara, pour qui "ce sont des notions dépassées". "Vous devez véritablement changer de logiciel, l'Afrique évolue vers la modernité", a-t-il assuré. "Ces notions du passé ne nous intéressent point, nous sommes fiers de notre souveraineté", a lancé M. Ouattara, arrivé au pouvoir en avril après une grave crise post-électorale grâce à l'appui militaire décisif de la France et de l'ONU.
La France, premier partenaire commercial
Avec 140 filiales en Côte d'Ivoire, employant 40.000 personnes, et quelque 500 PME, la France est déjà le premier partenaire commercial du pays.
Pour la Côte d'Ivoire, "tout le défi sera de réussir à mettre à profit le choc qu'elle vient de subir pour (se) réunifier et (se) refonder", a estimé M.Fillon, trois mois après la fin de la crise post-électorale qui a fait environ 3.000 morts et enrayé l'économie.
"Nous sommes déterminés à rester votre partenaire le plus proche", a assuré le Premier ministre en ouvrant un forum économique franco-ivoirien, accompagné de représentants d'Alstom, Bolloré, Bouygues, Total ou BNP Paribas.
Le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a lancé à la France un "double appel de soutien et de prise de risque" en faveur de l'économie ivoirienne, pour "ouvrir un nouveau chapitre".
Ces liens économiques ne doivent toutefois pas être ceux "des ex-colonisateurs qui viendraient asservir" les Ivoiriens mais marquer le lancement d'une "relation décomplexée", a prévenu le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire, Jean-Louis Billon.
Depuis que la France a, par son intervention militaire avec l'ONU, joué un rôle décisif dans l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara en avril, l'ascendant pris par les entreprises françaises cause parfois des grincements de dents.
Paris a déboursé 350 millions d'euros en urgence pour "aider les autorités à financer les salaires de la fonction publique et les dépenses sociales".
François Fillon a souligné que la France lancerait avec Abidjan à partir de la mi-2012 un contrat de désendettement-développement de près de deux milliards d'euros, et annulerait en même temps un milliard d'euros de la dette publique ivoirienne à son égard: de quoi enterrer les tensions franco-ivoiriennes qui ont caractérisé la décennie de pouvoir de Laurent Gbagbo (2000-2011). La France veut en outre aider le gouvernement ivoirien à améliorer la sécurité dans le pays, condition indispensable à l'essor économique.
M.Fillon a visité en fin de journée vendredi le camp de Port-Bouët, où est basée la force Licorne, et a confirmé toutefois que le contingent français passerait de 900 hommes actuellement à environ 300 après les législatives prévues en fin d'année en Côte d'Ivoire.
Une plaque en mémoire des quatre tués du Novotel
Le Premier ministre français a inauguré vendredi à Abidjan une plaque en mémoire des quatre personnes, dont deux Français, enlevées début avril au Novotel et tuées par des partisans de l'ex-président Laurent Gbagbo.
Après leur rapt le 4 avril dans Abidjan livrée aux combats, le directeur du Novotel, Stéphane Frantz di Rippel, Yves Lambelin, patron du groupe privé Sifca, et deux de ses collaborateurs avaient été conduits au palais présidentiel où ils avaient été torturés puis tués, selon les nouvelles autorités ivoiriennes.
"Les raisons de l'acte inqualifiable qui a coûté la vie à ces quatre hommes demeurent encore inexpliquées", a déclaré le chef du gouvernement français lors de l'inauguration de la plaque, placée dans le hall de l'hôtel. "La justice doit aller à son terme, et je suis convaincu que les coupables et les commanditaires de ces crimes seront identifiés, poursuivis et punis", a ajouté M. Fillon .
Dans un communiqué publié vendredi, le parquet d'Abidjan a annoncé que "les enquêtes ont permis de découvrir le 11 juillet 2011, dans la lagune sur indication de témoins, des ossements humains". "Des analyses sont en cours pour voir s'il s'agit de ceux de l'une des personnes enlevées", a-t-il précisé.
Le corps d'Yves Lambelin est le seul à avoir été formellement identifié jusque-là, la mort des trois autres victimes ayant été établie sur la base de témoignages et d'indices.
Dix personnes - et non plus neuf comme récemment annoncé - ont été inculpées et placées sous mandat de dépôt par la justice ivoirienne dans cette affaire.
M. Fillon a annoncé que le président français Nicolas Sarkozy avait décidé d'élever M. di Rippel, enlevé après avoir protégé notamment des journalistes présents dans l'hôtel, et Yves Lambelin, patron français du plus grand groupe privé de Côte d'Ivoire, dans l'Ordre national de la Légion d'honneur.
Ils avaient été kidnappés avec Raoul Adeossi, assistant béninois de M. Lambelin, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général de Sania, filiale de Sifca (culture et commercialisation d'oléagineux, sucre de canne et caoutchouc).
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