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Le paradoxe des femmes djihadistes

Ces femmes sont dans un même temps source de vie et de mort, souvent victimes avant de devenir bourreaux, icônes d’un djihad sans merci après avoir été jusque là sans la moindre valeur humaine parce que femmes...
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Djennet Abdourakhmanova, veuve de 17 ans qui a commis un attentat suicide dans le métro de Moscou, le 29 mars 2010. ( AFP PHOTO / NEWSTEAM / HO)

La radicalisation est souvent née après l’étape traumatique de la mort d’un ou plusieurs hommes de leur famille. Elles ont perdu leur socle, leur raison de vivre et sont désormais libres de leurs mouvements (plus de tutelle masculine). Ces femmes sont désespérées et veulent se venger.

C’est là, alors que rien ne les destinait à sortir du lot, qu’elles deviennent des guerrières.
 
Pour s’imposer dans ce monde d’hommes, et a fortiori dans ce monde d’hommes en guerre, les femmes doivent faire preuve de plus de  foi, de détermination et de violence. Tout comme les bandes de filles peuvent se révéler plus dangereuses que celles de leurs homologues masculins.
 
Agir plutôt que subir
Bizarrement, alors que les femmes ne sont censées être que des supports logistiques, effacées et cantonnées à la maison, simples facilitatrices de l’action des hommes, quelques unes, tout en maintenant parfois une apparence de soumission, se révèlent être les instigatrices d'actions et des meneuses d'hommes. Elles enlèvent les habits de la victime pour revêtir ceux de l’héroïne et sortent tout à coup du lot en devenant une sorte de mythe dont on raconte les exploits.
 
Les veuves noires 
Quand, en octobre 2002 à Moscou, une cinquantaine de terroristes procède à la spectaculaire prise d'otages de près de 850 spectateurs d’un théâtre, c’est l’émoi. A l’issu de l’assaut, on découvre que 19 femmes figurent parmi les terroristes abattus.

Ces femmes ont déjà tout perdu, tous les hommes de leur entourage sont morts. D'où cette appellation de «veuves noires» utilisée pour caractériser ces femmes de Tchétchénie ou du Daghestan. Pour justifier le terrorisme (être chakidki leur permettra de retrouver leurs proches au paradis), par leur volonté de rétablir la justice sociale, de lutter contre les envahisseurs et de venger les proches tués par les Russes. Leur principale motivation réside donc dans le traumatisme personnel qu'elles ont subi. Elles ne peuvent rien perdre de plus, ce qui les rend imperméables à la peur, déterminées et intransigeantes.

Une terroriste tchétchène avec sa ceinture d'explosifs, après le gazage du théâtre Dubrovka de Moscou par les forces spéciales russes, le 27 octobre 2002. (Eyepress News)


En 2010, ce sont deux femmes du Daghestan qui font successivement sauter leur ceinture d'explosifs dans le métro de Moscou. L'une des deux, Djennet Abdourakhmanova, 17 ans, est la veuve d'Oumalat Magomedov, surnommé l'Emir du Daghestan. A elles deux, elles ont tué 39 personnes. Mais ce qui frappe surtout les esprits, c'est l'aspect extrêmement juvénile du visage de la kamikaze, où on décèle encore les rondeurs de l'enfance.

Djennet Abdourakhmanova et son mari Oumalat Magomedov, tué en 2009. ( AFP PHOTO / NEWSTEAM / HO)


La veuve blanche
Une convertie croit devoir se montrer plus fervente dans sa religion d’adoption que ses coreligionnaires. Quand elle a perdu son mari, à l’origine des attentats du métro de Londres en 2005, Samantha Lewthwaite a décidé d’assurer sa relève dans le terrorisme.

Convertis chacun de leur côté, ils se sont radicalisés ensemble. Surnommée avec respect «la veuve blanche»,  et bien que mère de deux très jeunes enfants, elle a rejoint les shebabs au Kenya. Remariée deux fois depuis et désormais mère de quatre enfants, elle est soupçonnée d’être l’instigatrice de l’attaque meurtrière du centre commercial de Nairobi. A l’image des chansons de geste d’antan, la légende est en marche. 
 

Samantha Lewthwaite alias «la veuve blanche», responsable présumée du commando de Nairobi. (Kenyan Daily Post)


Djihad Jane
Une renommée qui a de quoi faire tourner la tête d’une personne fragile en quête d’un but dans la vie ou de notoriété. C’est ainsi que l’américaine Colleen LaRose, convertie à l’islam en 2008, s’est autoproclamée, dans un bel esprit marketing, Djihad Jane.

Elle clame sur la toile «vouloir aider le peuple musulman qui souffre» et est très fière de sa blondeur et de ses yeux bleus qui la rendraient indétectable lors de la traque des terroristes islamistes. Un homme l’ayant repérée avait prévu de lui faire tuer un caricaturiste suédois ayant dessiné le prophète avec le corps d’un chien. Elle a été arrêtée avant de passer à l’action et condamnée à 10 ans de prison. «Cette affaire, a commenté le procureur Michael Levy, fait voler en éclats tout reste de croyances selon lesquelles nous pourrions arrêter un terroriste en fonction de son apparence». 

Colleen LaRose alias Djihad Jane. (Reuters)


Elles deviennent pour certaines des sortes d’icônes dont on parle avec un respect mêlé de crainte. Et si l’on rajoute qu’être abattu par une femme empêcherait un djihadiste de monter au paradis, on comprend tout de suite qu’elles inspirent la peur.

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