Le numéro un libyen a appelé jeudi au djihad (guerre sainte) contre la Confédération après l'affaire des minarets
Un responsable de l'ONU a déclaré qu'appeler au "jihad" est "inadmissible", Bruxelles a jugé l'appel de Kadhafi "inopportun" et Paris a évoqué des "propos inacceptables".
En novembre, 57,7 % des électeurs suisses avaient approuvé l'interdiction des minarets lors d'un référendum soutenu par l'extrême droite.
"C'est contre la Suisse mécréante et apostate qui détruit les maisons d'Allah que le djihad doit être proclamé par tous les moyens", a déclaré le colonel Kadhafi dans un discours à Benghazi (est). Un discours prononcé à l'occasion de la fête du Mouloud qui commémore la naissance du prophète Mahomet.
Pour le numéro un libyen, "le djihad contre la Suisse, contre le sionisme, contre l'agression étrangère (...) n'est pas du terrorisme". "Tout musulman partout dans le monde qui traite avec la Suisse est un infidèle (et est) contre l'islam, contre Mahomet, contre Dieu, contre le Coran", a ajouté Mouammar Kadhafi devant des milliers de personnes et en présence de chefs d'Etat et de représentants de pays musulmans.
"Boycottez la Suisse: boycottez ses marchandises, boycottez ses avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race mécréante, apostate, qui agresse des maisons d'Allah", a poursuivi le dictateur libyen.
Les relations entre les deux pays se sont détériorées en juillet 2008 à la suite de l'interpellation musclée dans un hôtel de Genève d'un des fils de Mouammar Kadhafi, Hannibal, et de l'épouse de ce dernier. Deux domestiques accusaient le couple de mauvais traitements. Ce dernier avait été rapidement relâché. Les domestiques avaient retiré leur plaintes après être parvenus à une transaction avec leurs employeurs.
Mais les autorités libyennes avaient très vivement réagi. Elles avaient interrompu leurs livraisons de pétrole à Berne et retiré 5 milliards de dollars d'avoirs conservés dans des établissements bancaires helvétiques.
Dans le même temps, deux hommes d'affaires suisses travaillant en Libye avaient été arrêtés. Tripoli affirme qu'il n'y aucun rapport avec l'interpellation d'Hannibal Kadhafi. L'un des hommes d'affaires a quitté le territoire libyen mardi 23 février à l'issue d'une longue procédure judiciaire. L'autre est toujours emprisonné. Tripoli affirme qu'il n'y a aucun lien entre les deux affaires.
Les autorités helvétiques expliquent que "la situation est difficile" et "délicate". "Les négociations continuent, vont de l'avant", affirment-elles, disant qu'elles travaillent à une 'solution politique" pour faire libérer leur 2e ressortissant.
Elles ont décidé de maintenir leur politique restrictive en matière d'octroi de visas Schengen à des citoyens libyens. Une mesure qui provoqué une nouvelle poussée de fièvre dans les relations bilatérales. La Libye a décidé le 14 février de faire de même avec les pays de l'UE.
Réactions en Suisse
L'appel au djihad du dictateur libyen semble laisser de marbre les musulmans établis dans la Confédération helvétique. Vendredi, jour de prière, l'appel au jihad n'a même pas été évoqué dans les mosquées suisses par les imams, selon Yasar Özdemir, membre de la Fédération des associations musulmanes de Suisse, dont le siège est à Zurich.
"La colère le rend hystérique. Il n'a absolument aucune crédibilité dans cet appel puisqu'il ne représente pas plus que lui-même, pas même son peuple", tranche l'ancien porte-parole de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri.
Ces propos "ne nous ont pas choqué, puisqu'il raconte souvent des choses insensées", affirme Yasar Özdemir. Le colonel libyen est un homme "puissant et riche, ce qui ne colle pas du tout avec les préceptes de l'islam", poursuit-il.
Mouammar Kadhafi "est un leader politique, pas un leader religieux. Il ne dispose
d'aucune autorité pour appeler au jihad", renchérit le porte-parole du Conseil central islamique suisse (CCIS) de Berne.
Pour autant, certains des leaders musulmans en Suisse craignent les répercussions des propos enflammés du leader libyen. Ce genre de propos "ne nous facilite pas la tâche parce qu'on est pris en otage entre deux types de discours: le discours populiste extrême qu'il y a ici" et les propos de Mouammar Kadhafi. Sa rhétorique belliqueuse "renforce justement les discours xénophobes qu'entretiennent certains extrémistes ici en Suisse", ajoute-t-il.
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