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La truffe à l'heure de la mondialisation

En raison de la concurrence chinoise et de la raréfaction de la production en Europe, le marché de la truffe est en train de se mondialiser. Voyage au pays d’un tubercule qui fait saliver gastronomes… et financiers.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Truffes noires (AFP - Green Eye - John S. Sutton )
«Qui dit truffe prononce un grand mot qui réveille des souvenirs érotiques et gourmands», expliquait au XIXe siècle le gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin. «Erotiques» parce que le tubercule noir, connu depuis l’Antiquité, aurait des vertus aphrodisiaques… «Gourmands» en raison de «sa forte présente odorante et aromatique», comme l’expliquent les spécialistes. On distingue trois grandes espèces : le Tuber melanosporum ou truffe du Périgord, la plus fréquente; le Tuber magmatum ou truffe blanche ( !) du Piémont, l’espèce la plus prestigieuse; le Tuber indicum ou truffe chinoise.

Très rare et très cher, le champignon souterrain, qui vit en symbiose avec des arbres comme les chênes ou les hêtres, se ramassait au XVIIIe comme les ceps et les girolles aujourd’hui… Au fil des ans, les tubercules sauvages ont reculé au profit de leurs congénères cultivés: ainsi, selon les estimations, seuls 20% de la production du sud-est de la France (4/5e des champignons hexagonaux) viendraient de truffières entièrement sauvages.

L’internationalisation du marché
D’une manière générale, l’offre a baissé de manière considérable dans les trois principaux pays producteurs mondiaux que sont, outre la France (32 tonnes en 2010), l’Italie (9 tonnes) et l’Espagne (8 tonnes). Ainsi, dans l’Hexagone, elle serait passée de 1000 à 2000 de tonnes au XIXe siècle à… quelques dizaines de tonnes aujourd’hui. En cause : la sécheresse et l’urbanisation. Dans ce contexte, les terrains naturels favorables à la croissance du «diamant noir» disparaissent progressivement. Heureuse nouvelle pour le Tuber melanosporum : des chercheurs français et italiens sont parvenus à décrypter son génome, ce qui devrait permettre de mieux connaître ses secrets. Et de lutter contre la fraude.

A la recherche de truffes sur le territoire de la commune de Saint-Cyprien (Dordogne) avec Titeuf, chien truffier. (AFP - hemis.fr - Jean-Daniel Sudres)

Pour les régions productrices françaises (Sud-Est, donc, mais aussi le Lot, la Dordogne…), la truffe est «perçue comme un produit du terroir, participant à la construction d’une identité alimentaire locale ou régionale». Mais aujourd’hui, les Français doivent apprendre à connaître un marché qui s’internationalise de plus en plus.

Dans les années 80, le Tuber melanosporum, principale truffe commercialisée, vendue entre 300 et 1000 euros le kilo, a été implanté aux Etats-Unis, notamment en Californie et en Caroline du Nord. Un peu plus tard, il a fait son apparition en Israël. Mais aussi en Australie, où l’on espère atteindre 5 tonnes en 2012 et où l’on exporte plus des deux tiers de la production locale. Dans l’hémisphère Sud, ce pays est concurrencé depuis une dizaine d’années, avec des résultats mitigés, par la Nouvelle-Zélande, le Chili et l’Afrique du Sud. Il devrait l’être aussi par l’Argentine où des chênes truffiers ont été introduits il y a quelques années. Avantage : la production de ces pays peut s’écouler en Europe quand le «diamant noir» n’est pas de saison.
 
De son côté, le Tuber magmatum, beaucoup moins répandu mais beaucoup plus cher (3000 euros le kilo pour les plus grosses), est apparu de manière naturelle dans la Drôme, ce qui pourrait contribuer à lancer sa culture dans l’Hexagone. Il a par ailleurs été introduit en Nouvelle-Zélande.


 Concurrence chinoise
Pour autant, le plus redoutable concurrent de la truffe européenne reste le Tuber indicum, arrivé sur le Vieux continent dans les années 90. Celui-ci a la même forme et la même couleur que le Tuber melanosporum. Mais pas la même saveur ni le même prix : il est 100 fois moins cher que le végétal occidental. Une aubaine pour les aigrefins… Sans qualité gustative et odorante particulière, ces tubercules sont transformées en champignon noir à l’aide de quelques gouttes de parfums synthétiques. Elles peuvent ensuite être mélangées discrètement avec des végétaux noirs… Dans ce cas, «personne ne peut faire la différence», explique très franchement le représentant du premier producteur chinois, Kunming Rare Truffles.
 
Des pratiques qui provoquent la colère des trufficulteurs français, déjà handicapés par la baisse continue de leurs récoltes. En 2009, les Chinois auraient produit quelque 300 tonnes de Tuber indicum, dont 10 % auraient été importées vers la France, où l’on consommerait 50 tonnes de truffes par an... Malgré un nouveau décret en date du 30 janvier 2012 «relatif à la mise sur le marché des truffes», les producteurs n’ont peut-être pas fini de se mettre en colère alors que la demande ne faiblit pas.

Un acheteur de truffes à Saint-Alvère, près de Bergerac (Dordogne), le 3 décembre 2012. (AFP - NICOLAS TUCAT)

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