La plupart des responsables politiques haïtiens souhaitent que la justice puisse agir contre l'ancien dictateur
L'ex-dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, arrivé dimanche en Haïti après 25 ans d'exil, est sous le coup d'une "interdiction de quitter le pays".
"Un ordre d'interdiction de départ a été émis contre Duvalier. Il ne pourra pas quitter le pays car il y a une action judiciaire en cours contre lui", a déclaré un juge haïtien qui a requis l'anonymat.
M. Duvalier a été inculpé mardi de corruption, de détournements de fonds publics et d'association de malfaiteurs, commis sous sa présidence (1971-86), selon l'accusation. Quatre plaintes pour crimes contre l'humanité ont en outre été déposées mercredi.
Duvalier dément vouloir briguer la présidence
L'ex-dictateur haïtien a démenti mercredi soir vouloir être élu président d'Haïti comme l'a affirmé son porte-parole.
L'incertitude régnait mercredi soir sur d'éventuels objectifs politiques de l'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier après son retour surprise dimanche dans le pays, épilogue de 25 ans d'exil, où des plaintes pour crimes contre l'humanité ont été deposées à son encontre.
"Je démens, de la manière la plus formelle qui soit, toutes déclarations politiques (...) qui me seraient imputées par un prétendu porte-parole, et faisant tout particulièrement allusion à des scénarios en relation avec le processus électoral en cours en Haïti", a déclaré M. Duvalier dans un communiqué portant sa signature et transmis à l'AFP par sa compagne Véronique Roy.
Ces propos contredisent les déclarations de Henri-Robert Sterlin, ancien ambassadeur d'Haïti à Paris et qui faisait office de porte-parole.
Henri-Robert Sterlin avait expliqué mercredi que le retour surprise dimanche de Jean-Claude Duvalier en Haïti après 25 ans d'exil, visait à provoquer l'organisation d'un nouveau scrutin présidentiel, les résultats du premier tour étant contestés.
L'idée étant bien entendu d'y participer et d'être élu. "Il faut tout bouleverser pour qu'on annule les élections", a déclaré M. Sterlin. "Et qu'après il y ait de nouvelles élections générales où Duvalier se présente. Et là, bingo" (il est élu).
Après un premier tour le 28 novembre dont les résultats sont contestés, les Haïtiens attendent le deuxième tour de la présidentielle dont la date a été repoussée
Duvalier inculpé mais libre
M. Duvalier, au pouvoir de 1971 à 1986, a été inculpé mardi de corruption par la justice de son pays pour des fraudes commises sous sa présidence.
Jean-Claude Duvalier était ressorti libre mardi du Palais de justice de Port-au-Prince mais il reste "à la disposition de la justice" selon son avocat. Arrêté dans la journée par la police à l'hôtel de Port-au-Prince où il était resté cloîtré depuis son arrivée, l'ancien dictateur est poursuivi pour corruption, vol et détournement de fonds pendant ses années au pouvoir à Haïti.
Il appartiendra désormais au juge d'instruction de décider de poursuivre ou non l'affaire au plan judiciaire.
L'ex-dictateur est notamment accusé de détournements de fonds pendant l'exercice de son pouvoir. Les autorités d'Haïti estiment que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'oeuvres sociales jusqu'à sa chute en 1986. La Suisse a déclaré qu'elle rendrait au peuple haïtien les quelque 5,7 millions de dollars déposés par la famille Duvalier dans des banques du pays.
Un retour inattendu
A la surprise générale, "Baby Doc", comme le surnomment les Haïtiens, est arrivé à Port-au-Prince dimanche soir après 25 ans d'exil en France avant de se cloîtrer dans un hôtel. Chassé du pouvoir par une révolte populaire en 1986, il avait succédé en 1971 à son père François Duvalier.
Confidents, alliés et membres de la famille de M. Duvalier ont lundi défilé à l'hôtel Karibe, situé à Pétion-ville, en banlieue de la capitale haïtienne, pour saluer l'ex-dictateur.
A sa descente d'avion dimanche soir, "Baby Doc" s'était contenté de déclarer aux journalistes: "Je suis venu pour aider" le peuple haïtien.
"Duvalier est un citoyen haïtien qui rentre au pays comme il en a le droit", a déclaré le Premier ministre Jean-Max Bellerive. "J'espère simplement que cela ne va pas compliquer une situation politique déjà tendue", a-t-il ajouté.
Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti, a expliqué que M. Duvalier était en possession d'un billet retour pour la France le jeudi 20 janvier. "J'espère qu'il va l'utiliser", a ajouté M. Le Bret.
L'ancien dictateur veut "participer à la renaissance d'Haïti"
"J'attendais ce moment depuis longtemps. Quand j'ai posé le pied au sol, j'ai ressenti une grande joie", a déclaré Jean-Claude Duvalier à son arrivée. "(Je reviens) parce que je sais que le peuple souffre", a-t-il poursuivi. "Je voulais lui témoigner ma solidarité, lui dire que je suis là, que je suis bien disposé et déterminé à participer à la renaissance d'Haïti".
La compagne de Duvalier, Véronique Roy, a déclaré que le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 et ses quelque 250.000 morts les avait poussés à revenir en Haïti. "Ca a été le déclic, nous avons vu les images à la télévision", a-t-elle dit alors que le pays vient de commémorer le premier anniversaire de la catastrophe.
En 2007, il était intervenu sur les ondes haïtiennes pour demander "pardon au peuple haïtien pour les erreurs commises pendant son règne". En doutant de la sincérité de ce message, le président René Préval avait alors relevé que s'il y avait "le pardon", il y avait aussi "la justice".
Les Tontons Macoutes, redoutables milices de Duvalier
Plus jeune chef d'Etat au monde à 19 ans, Jean-Claude Duvalier avait succédé à son père s'était proclamé "président à vie". Même s'il voulait offrir une image moins autoritaire que son père François Duvalier, il dirigeait un régime corrompu qui multipliait les atteintes aux droits de l'homme avec ses milices redoutables, les Tontons Macoutes. Il vivait dans l'opulence alors que son peuple était dans la misère.
La France avait accepté d'accueillir Jean-Claude Duvalier à titre temporaire en 1986, quand il avait été chassé par une révolte populaire. Il vivait depuis dans de belles demeures de la Côte d'Azur. Il répétait souvent qu'il souhaitait revenir "un jour" en Haïti.
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