La France s'apprête-t-elle vraiment à "envahir les terres musulmanes du Mali" ?
La présence des quatre otages français au Mali doit-elle infléchir la politique étrangère de la France ? Dans un message publié mercredi sur un site mauritanien, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) menace de tuer les otages français enlevés au Niger en 2010. Les islamistes, qui contrôlent actuellement tout le nord du Mali, accuse la France d'avoir "l'outrecuidance d'appeler à envahir le pays des musulmans maliens ".
Aqmi fait ainsi référence à l'appui que Paris compte apporter à l'Afrique de l'Ouest. La France étudie en effet actuellement les conditions d'un déploiement, pour aider l'armée malienne à reconquérir le nord du pays. Fin août, François Hollande a annoncé que la France appuierait "logistiquement cette intervention " si elle était organisée "dans le cadre de la légalité internationale ".
Les trois régions administratives du nord du Mali - Tombouctou, Gao et Kidal - sont occupées depuis plus de cinq mois par différents groupes alliés d'Aqmi, qui multiplient les exactions en prétendant imposer la charia (loi islamique).
Vers une intervention dans le Nord-Mali ?
Ce nouveau communiqué d'Aqmi "intervient dans un timing bien précis ", explique sur France Info Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique. "Juste au moment où les états
d'Afrique de l'Ouest étudient une intervention avec 3.000 hommes au nord du Mali,
et qu'une conférence est prévue à New York sur le Sahel, en
marge de l'assemblée générale des Nations unis ". Cette conférence de haut niveau est prévue mercredi prochain.
"Depuis de longs mois maintenant, des unités d'intervention de toute l'Union européenne s'implantent progressivement dans le nord du Mali, notamment des forces spéciales de Grande-Bretagne, d'Italie, de France, qui se préparent à la fois à aider le gouvernement malien à récupérer le nord de son pays, et également à libérer les otages ", explique Eric Dénécé, directeur du centre de recherche sur le renseignement, expliquant que face à cette "double pression ", la seule issue d'Aqmi est de multiplier les menaces.
"Des choix très très difficiles à faire" pour la France
Mais la situation est compliquée pour la France, bien obligée de prendre en compte la présence des quatre otages, avant toute intervention. "Le défi de n'importe quel gouvernement, même si sa compassion est totale pour les quatre otages, est de savoir si la politique étrangère doit être bloquée par ce genre de situation, ce sont des choix très très difficiles à faire ", poursuit Eric Dénécé. "C'est impossible de laisser s'installer ce 'petit Afghanistan" au coeur du Sahel, mais en même temps la menace sur les otages est bien réelle ", confirme Antoine Glaser.
Quoi qu'il en soit, l'intervention ne semble pas imminente. Mercredi, le président burkinabé, médiateur pour le conflit malien de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a indiqué que les conditions n'étaient pas réunies : "Bamako souhaite avoir des troupes de la Cédéao mais ne souhaite pas les avoir dans le sud du pays, par exemple à Bamako, ce qui est impossible ", a-t-il dit.
Le Premier ministre malien rencontre Laurent Fabius jeudi
De son côté, le gouvernement malien s'impatiente. "Je demande beaucoup plus de fermeté de la communauté internationale, et surtout qu'on prenne une décision ", a indiqué le Premier ministre malien Cheikh Modibo Diarra, en visite à Paris. Il devait s'entretenir jeudi midi avec le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. "Le temps est du côté des terroristes. Plus nous prenons du temps, plus ils ont l'opportunité de faire des dégâts, de s'enraciner, de peaufiner leur stratégie ", s'inquiète-t-il.
"Nous avons suffisamment de troupes, ce qui nous manque c'est le renseignement, l'aspect logistique et la formation ", insiste-t-il, énumérant "des armes individuelles, des détecteurs de métaux, tout ce qui permet une lutte anti-terroriste efficace dans les villes ". Mais "la question des otages pourrait gêner la France, ce serait légitime ", reconnaît le Premier ministre malien.
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