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Au Japon, des musulmans surveillés sous couvert de lutte contre le terrorisme

Les musulmans seraient aujourd’hui entre 70.000 et 250.000 au Japon, dont seulement 10% de natifs. Soit un pourcentage infime de la population qui comprend 127 millions d’habitants. Pour autant, cette communauté est souvent stigmatisée dans l’archipel. Fin mai, la justice nippone a validé leur surveillance préventive dans le but affiché de lutter contre le terrorisme...
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La mosquée de Tokyo est ouverte au public lors des cinq prières quotidiennes (25 janvier 2015). (David Mareuil / Agence Anadolu)

Ce sont 114 fichiers policiers diffusés sur la toile qui ont mis le feu aux poudres il y a 6 ans. Ils montraient qu’une opération de surveillance à grande échelle des lieux de cultes (il y a une quarantaine de mosquées au Japon), des restaurants halal et autres associations islamiques était en cours à Tokyo.

Un profilage religieux, via des CV complets avec des «renseignements personnels, une description physique, les relations personnelles, la mosquée fréquentée, ainsi qu'une section intitulée "soupçons"», indiquait le 29 juin 2016 Ian Munroe, journaliste sur le site Al Jazeera English qui a sorti l'information.

Ces révélations ont amené 17 musulmans (la plupart originaires du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord) à attaquer l’Etat pour violation de leurs droits et libertés fondamentales.  «Après la fuite, les données ont été téléchargées en quelques semaines à partir d'un site web de partage de fichiers plus de 10.000 fois dans plus de 20 pays», précise Al Jazeera.

L’affaire rejetée
Au final, tout en concédant aux plaignants un dédommagement de 880.000 dollars, la justice nipponne a rejeté l'affaire le 31 mai 2016 après deux appels. Et la Cour suprême a estimé que les mesures de surveillance étaient «nécessaires et inévitables» pour répondre à la menace terroriste.

Selon Causeur, «une petite dizaine de Japonais convertis à l’islam ont rejoint les rangs de l’Etat islamique, dont l’une des premières exactions mondialement médiatisées fut l’assassinat d’otages nippons». Début 2015, l’exécution en une semaine de deux otages japonais en Syrie par Daech avait choqué l’archipel.

«Ils ont fait de nous des suspects terroristes, on n'a jamais fait quelque chose de mal», a déclaré à Al Jazeera English un Japonais converti visé par la procédure. Selon lui, la décision de la Cour suprême montre le manque d’indépendance de la justice japonaise vis-à-vis de l’Etat.

«Les gens ont peur»
Quoi qu’il en soit, la décision de la nécessité de surveiller la communauté a moins fait débat au Japon que la fuite d'informations en elle-même. Pour le lanceur d’alerte Edward Snowden, qui est intervenu le 4 juin par vidéo lors d'une conférence à Tokyo sur la surveillance, «les musulmans sont plus susceptibles d'être ciblés (…) tout simplement parce que les gens ont peur».

Un sentiment partagé par de nombreux musulmans au Japon qui se sentent victimes de stéréotypes et des répercussions sur leur image des attentats revendiqués par Daech, comme le montre ce témoignage sur nippon.com.

Le dernier événement terroriste important au Japon est le fait de la secte Aum avec l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo, en 1995 (13 morts, 5500 blessés). Après ce constat, la conclusion revient à l’ancien employé de la NSA : «Ce n’était pas un groupe islamique extrémiste, mais une secte apocalyptique qui voulait faire de son fondateur le nouvel empereur du Japon»…

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