: Vidéo Extradition d'anciens Brigades rouges : leur avocate dénonce "une véritable trahison de l'Etat français"
Ils ont aujourd'hui entre 60 et 80 ans. Loin de la violence des "années de plomb" italiennes (de la fin des années 1960 au début des années 1980), ils avaient refait leur vie en France, fondé une famille, élevé des enfants, eu des petits-enfants pour certains. Vont-ils devoir finir leurs jours en prison ? La question des exilés politiques italiens, anciens membres des Brigades rouges ou d'autres groupes d'extrême gauche prônant la lutte armée, est de retour dans l'actualité.
En janvier 2019, après la capture de Cesare Battisti, le plus connu en France des exilés politiques italiens (il y a bénéficié de l'asile pendant une quinzaine d'années), Matteo Salvini, le leader d'extrême droite italien qui était alors ministre de l'Intérieur, avait juré d'arrêter "tous ceux qui se la coulent douce à l'étranger". En cette fin mars 2022, la justice française vient de commencer l'examen des demandes formulées par l'Italie. Le président Emmanuel Macron a donné son feu vert à ces extraditions à laquelle la France s'était jusque-là refusée.
Sur sa décision, dix anciens militants ont été interpellés en avril 2021, puis convoqués au palais de justice de Paris. Un coup de massue pour Sergio Tornaghi, 63 ans, le seul à avoir accepté de s'exprimer dans "Affaires sensibles". Condamné à perpétuité en Italie pour complicité de meurtre, celui qui se dit "plus français qu'italien aujourd'hui" assume son passé dans les Brigades rouges, mais a toujours nié avec force toute participation à quelque action militaire que ce soit.
De l'autre côté des Alpes, l'asile offert par la France suscite une indignation qui ne se limite pas aux rangs de la Ligue de Matteo Salvini, où l'on "ne comprend pas pourquoi un Etat qui devrait être un Etat allié a protégé pendant autant de temps des criminels". L'Italie exprime donc sa satisfaction, après quarante années de relations franco-italiennes compliquées par ce que l'on a appelé la "doctrine Mitterrand".
Quarante ans de "doctrine Mitterrand"
Dans les années 1990, le président socialiste s'était engagé à ne pas extrader les exilés politiques italiens, en échange de leur renoncement à la lutte armée. L'engagement a été tenu par les deux parties – à deux exceptions près du côté de l'Etat : Paolo Persichetti a été extradé vers l’Italie en 2002, et Cesare Battisti s'est enfui en 2004 avant son extradition. En 2008, Nicolas Sarkozy lui-même a renoncé à extrader l'ancienne brigadiste Marina Petrella en raison de son état de santé.
C'est à cet engagement, au respect de la parole donnée, que se réfère, avec des mots très forts, une défenseure historique des anciens brigadistes :
"C'est une trahison de l'Etat français, qui s'est engagé vis-à-vis de ces personnes, qui s'est engagé il y a quarante ans, et c'est un engagement qui a perduré. (...) Donc là, il y a, effectivement, une véritable trahison, pour des gens qui, eux, ont respecté le pacte."
Me Irène Terrel, avocate de cinq anciens brigadistescitée dans "Affaires sensibles"
C'est maintenant aux tribunaux de trancher. Tous les dix risquent d'être renvoyés dans leur pays d'origine, où ils ont été condamnés par contumace à de lourdes peines. Ils ne seront sans doute pas fixés sur leur sort avant de nombreux mois.
Extrait de "Brigades rouges : la fin de l'exil ?", un document à voir le 28 mars 2022 dans "Affaires sensibles", un magazine présenté par Fabrice Drouelle et coproduit par France Télévisions, France Inter et l’INA d'après l'émission originale de France Inter.
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