Sicile : quand la mafia gangrène les chantiers immobiliers
Cela fait des décennies que la police italienne lutte contre la mafia. Mais tout ne tourne pas exclusivement autour du trafic de drogues. La construction est également impactée. La Sicile regorge de projets immobiliers inachevés. Reportage.
La vue est magnifique, mais le quartier de Pizzo Sella, à Palerme (Italie), ne figure pas sur les guides touristiques. Et pour cause : toutes les constructions sont des maisons fantômes, inhabitables. Ici, une célèbre famille mafieuse a fait construire des villas vendues à des citoyens crédules avec des permis de complaisance. Les militants associatifs, qui visitent régulièrement ce quartier, rappellent que la zone est un site naturel protégé et était donc théoriquement inconstructible. Les maisons n'ont jamais été achevées, puis laissées à l'abandon. En 2001, la justice a exproprié les acheteurs sans dédommagement possible. Cette histoire est bien à l'image de la Sicile, où les chantiers donnent lieu à d'incroyables détournements. Toujours à Palerme, une passerelle était censée se terminer en mer, à 14 m du rivage. Mais la construction s'est arrêtée en 2006. 5 millions d'euros d'argent public ont été engloutis pour rien. Sous la passerelle, des boutiques de prestige et des restaurants avaient été prévus. Aucun n'a jamais ouvert. La collectivité régionale n'avait même pas demandé de permis de construire.
1 500 projets immobiliers inachevés en Italie
Longtemps, les élus ont accepté toutes les magouilles en échange de juteuses commissions. L'actuel maire de Palerme, Leoluca Orlando, essaie de mettre fin à ces pratiques. Depuis, il vit sous protection policière. Si Palerme lutte contre la corruption, des contribuables ont fait le relevé complet des constructions lancées, puis abandonnées. Il y en aurait 1 500 dans toute l'Italie. Le coût total de ces projets inachevés est estimé à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Et les détruire va coûter encore davantage d'argent, que l'Italie n'a pas. Les villas de Pizzo Sella vont rester longtemps encore comme une sorte d'œuvre d'art sauvage.
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