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Italie: un référendum à hauts risques pour Matteo Renzi

Le 4 décembre 2016, le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, organise un référendum sur le projet de réforme institutionnelle le plus importante depuis 1945. Problème: le texte a déjà été adopté par le Parlement. Pourquoi alors avoir choisi de faire voter les électeurs? La réponse de François Beaudonnet, correspondant de France 2 à Rome.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, pendant une conférence de presse à Rome avec des journalistes étrangers, le 22 février 2016: à quitte ou double! (REUTERS - Alessandro Bianchi - File Photo)

En quoi consiste cette réforme?
Il s’agit d’une réforme essentielle du fonctionnement du système démocratique italien. Son objectif est de mettre fin au bicaméralisme parfait, coupable d’avoir rendu le pays ingouvernable : Rome a en effet eu pas moins de 63 gouvernements en 60 ans!

Pour ce faire, elle vise à réduire les pouvoirs du Sénat, qui ne pourra plus renverser le gouvernement. Elle modifie du même coup cette institution en réduisant le nombre de sénateurs (100 élus contre 315 actuellement). Ils ne seront plus élus au suffrage universel direct mais par les conseils régionaux.

Par ailleurs, cette réforme institutionnelle redessine également le partage de compétences entre l’Etat et les régions, désormais comptables de leurs propres dépenses.

C’est donc la réforme institutionnelle la plus profonde depuis la Seconde guerre mondiale. Si le «oui» l’emporte, le pays en sortira profondément modifié. Si c’est le «non», plus personne n’osera remettre l’ouvrage sur le métier pendant plusieurs décennies.

Pourquoi Matteo Renzi entend-il passer par un référendum pour faire adopter ce texte?
C’est d’autant plus étonnant que le texte de la réforme a été adopté par le Parlement au printemps dernier.

Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, à Rome le 29 avril 2016.  (REUTERS - Tony Gentile - File Photo)
Cette décision est sûrement le fruit d’un «jeu psychologique», proche de celui qui animait Jacques Chirac en 1997 lorsqu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale.

Arrivé au pouvoir en 2013 après un «putsch» interne au Parti Démocratique (PD, centre gauche), Matteo Renzi a tout d’abord bénéficié d'un large soutien populaire durant les premiers mois. Il symbolisait la jeunesse et l’envie de changement. Aux élections européennes de mai 2014, son parti a d’ailleurs remporté le scrutin avec 42% des voix.

Cette popularité personnelle a progressivement baissé, avec la réforme du marché du travail, le «Job Acts», et surtout avec une croissance qui est restée très faible. Depuis trois ans, les Italiens vivent de plus en plus mal le décalage entre le discours de leur Premier ministre, en permanence axé sur la thématique du «ça va mieux», et la réalité de la crise économique qu’ils perçoivent dans leur quotidien.

Par le biais de ce référendum, Matteo Renzi espérait donc se donner une légitimité populaire. Mais c’est un choix extrêmement risqué: le président du Conseil italien n’a, semble-t-il, pas senti «le vent tourner». Il a surestimé ses forces et celles de son parti, dont une frange minoritaire ne le soutient même pas.

Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, à Modène (centre-nord de l'Italie) le 17 septembre 2015. (REUTERS - Stefano Rellandin - File Photo)

Les sondages sont très contradictoires sur le scrutin. Matteo Renzi risque-t-il vraiment de le perdre? Pourquoi a-t-il, dans un premier temps, personnalisé le vote en le présentant comme un scrutin sur son sort, avant de revenir sur ses propos?
La probabilité que Matteo Renzi perde son pari est élevée. J’avais été très surpris de constater qu’il mettait sa démission dans la balance. On sait en effet qu’en cas de référendum, les électeurs ne répondent jamais à la question qui leur est posée, mais qu’ils disent «oui» ou «non» à un gouvernement et surtout à son chef. Quand Matteo Renzi a senti que le piège du plébiscite personnel – piège qu’il a lui-même tendu – était en train de se refermer sur lui, il a fait machine arrière. Il a d’ailleurs repoussé la date du scrutin, qui devait dans un premier temps se tenir en octobre.

Mais le mal était fait : une «coalition du non», regroupant – entre autres – les partis populistes du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue du Nord, s’était constituée. Aujourd’hui, Matteo Renzi est entré en campagne électorale pour sauver «sa» réforme mais surtout son poste de Premier ministre. Si le «non» gagne, l’Italie entrera dans une période d’instabilité politique, mais aussi économique, qui inquiète l’Europe entière. 

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