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Italie : qui sont les têtes d'affiche du gouvernement du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue ?

L'alliance entre le parti antisystème et la formation d'extrême droite a proposé une nouvelle liste de ministres, portée par Giuseppe Conte. Franceinfo vous présente les ténors de ce gouvernement italien.

Article rédigé par franceinfo - Lison Verriez
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Temps de lecture : 7 min
Le nouveau Premier ministre italien, Giuseppe Conte, lors de l'annonce de la liste des membres du gouvernement, au Palais présidentiel Quirinal, le 31 mai 2018, à Rome (Italie).  (TIZIANA FABI / AFP)

Après des semaines de tractations et de rebondissements, le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue ont fini par trouver un compromis avec le président de la République, Sergio Mattarella. Giuseppe Conte, démissionnaire en début de semaine, a finalement proposé un nouveau gouvernement au chef de l'Etat, qui a donné son aval. C'est une équipe resserrée de 18 ministres (dont cinq femmes) qui doit prêter serment vendredi 1er juin, avant d'obtenir la confiance du Parlement en début de semaine prochaine.

Les chefs des deux formations obtiennent chacun le poste de vice-président du Conseil. Le M5S (antisystème) a choisi huit ministres et la Ligue (extrême droite) sept. La diplomatie échoit à un indépendant. Synthèse des philosophies politiques des deux partis, le gouvernement compte représenter aussi bien la rhétorique du M5S sur l'environnement, les nouvelles technologies ou la moralisation de la vie publique que le tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam de la Ligue. Voici les principales têtes d'affiche de ce gouvernement.

Giuseppe Conte, président du Conseil 

Giuseppe Conte lors d'une conférence de presse au palais présidentiel du Quirinal, à Rome (Italie), le 27 mai 2018. (VINCENZO PINTO / AFP)

Cet avocat de 54 ans, sans aucune expérience politique, a obtenu les faveurs du M5S et de la Ligue. Inconnu des Italiens, il avait proposé il y a huit jours un premier gouvernement rejeté par le président Sergio Mattarella. "C'est un expert absolu en simplification, débureaucratisation, rationalisation de la machine administrative que tant de nos entreprises demandent", estime Matteo Salvini, le chef de la Ligue. 

>> Trois choses à savoir sur Giuseppe Conte, le novice désigné pour diriger le futur gouvernement italien

Si quelques lignes de son CV – un peu trop gonflé ? – sont au cœur d'une polémique en Italie, il a été membre du conseil d'administration de l'Agence spatiale italienne, consultant juridique de la chambre de commerce de Rome et membre du comité de surveillance de plusieurs compagnies d'assurances en faillite. Lui qui a voté à gauche la majeure partie de sa vie aura à diriger des ministres d'extrême droite. 

Il devra maintenant porter le "contrat du gouvernement" qui tourne le dos à l'austérité et aux "diktats" de Bruxelles. Le programme de l'alliance, approuvé par une large majorité des adhérents de la Ligue et du M5S, promet aussi une réduction des prélèvements fiscaux de plusieurs milliards d'euros, une plus grande fermeté contre la corruption, la délinquance et l'immigration, ainsi qu'une hausse des dépenses publiques en faveur des défavorisés. 

Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur et vice-président du Conseil

Matteo Salvini, chef de la Ligue et nouveau ministre de l'Intérieur, et vice-Premier ministre en conférence de presse au Palais Quirinal, le 31 mai 2018, à Rome (Italie). (ANDREAS SOLARO / AFP)

Avec son slogan "Les Italiens d'abord", Matteo Salvini a dynamité la droite italienne et réussi à porter l'extrême droite au pouvoir. A seulement 17 ans, il intègre la Ligue du Nord. Il devient ensuite journaliste pour un quotidien et une radio proches de son parti, avant d'entrer en 2004 au Parlement européen. En 2013, il prend la tête du parti, alors au bord du gouffre, et en fait une force politique qui dépasse dans les urnes son allié de droite Silvio Berlusconi, avant de le lâcher pour ce partenariat avec le Mouvement 5 étoiles. Marine Le Pen a salué l'accession au pouvoir de la Ligue, alliée du Front national. 

Au ministère de l'Intérieur, Matteo Salvini espère appliquer le programme sécuritaire, anti-migrants et anti-islam qu'il promet depuis des mois. Il souhaite bloquer les arrivées de migrants, accélérer les expulsions de clandestins et de tous les déboutés du droit d'asile, raser les camps roms, fermer les salles de prière musulmanes, renforcer les services de police ou encore élargir la notion de légitime défense.

Luigi Di Maio, ministre du Développement économique et du Travail et vice-président du Conseil

Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles, lors d'une émission télévisée italienne, le 28 mai 2018. (CRISTIANO MINICHIELLO / AGF / SIPA)

Ce Napolitain de 31 ans a pris la place de l'humoriste Beppe Grillo, fondateur historique du Mouvement 5 étoiles. Ayant réussi à faire du M5S la première force du pays avec 32% des voix aux législatives, Luigi Di Maio a longtemps cherché à diriger en personne le gouvernement, mais y a renoncé pour permettre une coalition avec la Ligue (17%). 

Souvent taxé d'inexpérience (voire d'incompétence) par ses opposants qui lui reprochent son jeune âge et un CV plutôt mince, Luigi Di Maio a été le plus jeune vice-président de l'Assemblée nationale italienne en 2013. Ses expériences professionnelles sont assez clairsemées : il a interrompu ses études de droit pour entrer en politique, a été brièvement administrateur d'un site internet, assistant réalisateur et stadier. 

"Di Maio a été créé pour être modéré, rassurant pour les mamans", écrit le journaliste Jacopo Iacoboni dans son livre sur le leader du Mouvement 5 étoiles. Il devra cependant s'imposer face à son nouveau partenaire du gouvernement, qu'il n'avait pas manqué de critiquer dans une interview au Monde en février : "Salvini utilise depuis toujours cette colère, faisant croire aux Italiens qu'une fois au pouvoir, il va résoudre tous les problèmes."  

Paolo Savona, ministre des Affaires européennes 

Paolo Savona, ministre des Affaires européennes, lors d'un meeting à Rome (Italie), le 11 avril 2011. (REMO CASILLI / REUTERS)

Son nom, initialement proposé à l'économie et aux finances, avait été recalé par le président Mattarella. Celui-ci n'a pas sourcillé, jeudi, lorsque Giuseppe Conte a de nouveau proposé Paolo Savona aux affaires européennes. 

Déjà ministre du Commerce et de l'Industrie entre 1993 et 1994, l'économiste de 82 ans n'est pas un novice en politique. Courtisé par les partis antieuropéens, il est "une personnalité éminente, reconnue, appréciée", estime Matteo Salvini, le chef de la Ligue. Polémique aussi, notamment pour ses propos europhobes. "Taper du poing sur la table ne sert maintenant à rien. Il faut préparer un plan B pour sortir de l'euro si on y est contraints, de gré ou de force. L'autre alternative est de finir comme la Grèce", peut-on lire dans son dernier livre à paraître, cité par la presse italienne.

Ses cibles préférées ? Les responsables italiens qui ont décidé de l'entrée de l'Italie dans l'euro, la Banque centrale européenne, son président Mario Draghi et, surtout, l'Allemagne. Régulièrement taxé de germanophobie, Paolo Savona qualifie notamment l'euro de "prison allemande". Il estime aussi que l'Allemagne a "pensé et créé l'euro pour contrôler et exploiter les autres pays européens de manière coloniale"

Berlin n'a pas changé de point de vue sur son rôle en Europe après la fin du nazisme, tout en ayant abandonné l'idée de l'imposer militairement.

Paolo Savona

dans son livre à paraître

Mais Paolo Savona ne sera pas seul. Il sera flanqué du très européen Enzo Moavero Milanesi, qui a travaillé pendant vingt ans à Bruxelles et a été ministre des Affaires européennes entre 2011 et 2014. Ce dernier récupère le portefeuille des Affaires étrangères.

Giovanni Tria, ministre de l'Economie et des Finances

Giovanni Tria en meeting à Rome (Italie), le 28 février 2012. (MAXPPP)

C'était l'un des postes les plus problématiques. Après le refus du président face à la nomination de Paolo Savona, c'est finalement Giovanni Tria, un professeur d'économie politique, qui hérite du poste. S'il est proche des idées de la Ligue en matière de fiscalité, le nouveau ministre est favorable au maintien de l'Italie dans la zone euro. "Il ne convient pas d'en sortir", a-t-il déjà estimé. En revanche, il ne cache pas son ambition de travailler sur quelques changements. 

Ce juriste de formation est président de l'Ecole nationale d'administration italienne. Il a aussi exercé des activités de conseil pour la Banque mondiale. Il s'est prononcé en faveur de l'augmentation de la TVA, cheval de bataille de la Ligue.

"Ce qui compte, c'est de lancer le processus de simplification" du système fiscal italien, avait-il commenté sur un site d'analyses auquel il collabore, à l'occasion du programme commun du M5S et de la Ligue. Il avait salué la promesse d'une "flax tax", un impôt uniforme sur le revenu, ramenée à 15% ou 20% en fonction des revenus. A l'inverse, il s'oppose au revenu de citoyenneté, suggéré par le Mouvement 5 étoiles. 

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