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Israël : polémique autour d'une ligne de bus réservée aux travailleurs palestiniens

REPORTAGE | Le ministère israélien des Transports vient de mettre en service une ligne de bus uniquement réservée aux Palestiniens de Cisjordanie qui vont travailler en Israël. La gauche israélienne crie à l'apartheid, le ministre des transports répond qu'il s'agit d'apporter un meilleur service aux Palestiniens. Qu'en pensent les principaux intéressés ? La correspondante de France Info est allée à leur rencontre.
Article rédigé par Emilie Baujard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Emilie Baujard Radio France)

La ligne de bus qui fait débat est entrée en service lundi matin. Destinée aux Palestiniens venant travailler en Israël, elle relie le passage d'Eyal, près de Qalqiliya, dans le nord de la Cisjordanie, à l'agglomération de Tel-Aviv. 

"Les nouvelles lignes de bus sont destinées aux travailleurs palestiniens  entrant en Israël par le passage d'Eyal, afin de remplacer les opérateurs  pirates qui transportent les travailleurs à des prix exorbitants ", a indiqué un communiqué du ministère israélien des Transports. D'autres indiquent que la mise en service de cette ligne fait suite à des protestations de colons mécontents de devoir partager les transports avec les Palestiniens, invoquant des risques d'attentat.

Près de 8.000 Palestiniens transitent chaque jour par ce passage. Jusqu'à présent, ils se rendaient jusqu'à un arrêt de bus proche d'une colonie juive, où ils embarquaient avec les passagers israéliens.

"Une ségrégation écœurante"

Une ligne spécialement destinée aux Palestiniens ? "C'est une politique de ségrégation raciste qu'appliquent tous les  gouvernements israéliens consécutifs ", a déclaré mardi à l'AFP le vice-ministre palestinien du Travail Assef Saïd.

La gauche israélienne crie également à l'apartheid. L'organisation israélienne de défense des droits de l'Homme B'Tselem dénonce une "ségrégation des bus écoeurante ", estimant que cela parachève une séparation de fait entre colons et Palestiniens de Cisjordanie. Ces derniers doivent posséder un permis spécial pour entrer en Israël, et la plupart doivent regagner la Cisjordanie le soir.

"Des bus moins chers et plus sûrs"

Alors qu'en pensent les principaux intéressés ? Certains travailleurs palestiniens concernés préfèrent voir les aspects positifs, plutôt que des mesures de ségrégation, a constaté sur place la correspondante de France Info. "Ces bus sont moins chers et en plus ils sont assurés, donc c'est plus sûr ", indique par exemple Mohamed qui part travailler à Tel-Aviv. Ces bus, financés par le gouvernement israélien, coûtent en effet trois fois moins cher que les mini-vans blancs conduits par des Palestiniens, qui s'énervent eux de voir ainsi leur clientèle s'envoler.

Ces nouveaux bus vont aussi directement dans le centre de Tel-Aviv, ce que préfèrent certains Palestiniens, qui n'auront plus à prendre les mêmes bus que les Israéliens. "Souvent les policiers israéliens arrêtent ces bus et ils nous font tous descendre, alors on doit finir la route à pied, parfois sur plusieurs kilomètres. Ils nous disent que nous n'avons pas le droit de circuler dans les villes israéliennes, que notre permis nous donne seulement le droit de travailler, mais nous allons travailler ! ", raconte un autre travailleur.

"Ce n'est pas pour nous faciliter la vie, mais seulement pour casser le business des chauffeurs palestiniens" (Un travailleur)

D'autres travailleurs sont plus critiques : "C'est raciste, c'est tout. Avant, dans les années 80, on entrait en Israël avec nos propres voitures, mais aujourd'hui on ne peut même pas entrer avec notre nourriture ".

Enfin, certains travailleurs ironisent : "Si Israël veut nous faciliter la vie, ils feraient mieux de nous faciliter le passage au check-point, car parfois cela nous prend plus de deux heures pour passer les contrôles, et donc on doit partir de chez nous à 3h du matin pour être à l'heure ", explique Salem. "Ces nouveaux bus, ce n'est pas pour nous faciliter la vie, mais seulement pour casser le business des chauffeurs palestiniens ", ajoute-t-il.

Deux bus incendiés dans la nuit

Dans la nuit de lundi à mardi, deux de ces bus ont "apparemment été incendiés" en signe de protestation, a indiqué la police. Une enquête sur le sinistre, dans le village arabe israélien de Kfar Qassem (nord) a été ouverte et aucun suspect n'a été arrêté.

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