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De Mossadegh à Rohani : retour en quatre actes sur 60 ans de relations Iran-USA

Acte diplomatique, ouverture discrète ou simple reconnaissance historique, Washington vient de confirmer que la CIA avait orchestré le coup d'Etat qui a renversé le Premier ministre iranien Mohamed Mosssadegh le 18 août 1953, après qu'il eut nationalisé le pétrole du pays. A cette occasion, retour en quatre épisodes sur les relations entre les Etats-Unis et l'Iran.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des manifestants iraniens portent des affiches «A bas les Etats-Unis» en 2012. (ATTA KENARE / AFP)

Après avoir été le principal allié des Etats-Unis dans la région, l'Iran est devenu pour Washington l'Etat à abattre. Pourtant avec ses quelque 80 millions d'habitants et ses ressources pétrolières, l'Iran reste pour les Etats-Unis  une grande puissance régionale incontournable. 

Acte 1 :  Les Etats-Unis renversent Mossadegh 
En 1951,  le parlement iranien vote la nationalisation de l’industrie pétrolière, dont l’intérêt économique et stratégique est de plus en plus important, et notamment l’Anglo-Iranian Oil Company, propriété des Britanniques. Dans la foulée, le nationaliste Mohamed Mossadegh est élu démocratiquement et devient Premier ministre. Un conflit l’oppose au shah mais une intervention populaire lui redonne le pouvoir alors que le souverain quitte le pays.

En 1953, la CIA lance l’«Opération Ajax», en soutien au coup d’Etat militaire qui renverse le gouvernement de Mossadegh. La monarchie est rétablie. Mossadegh, symbole d’une certaine indépendance nationale, est placé en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 1967.

La CIA vient de publier les documents « déclassifiés » qui confirment le rôle des Etats-Unis dans «cette opération controversée».  

 Le Docteur Mohammed Mossadegh s'exprime lors de son procès le 11 novembre 1953 devant le Tribunal Militaire de Téhéran (INTERCONTINENTALE / AFP)


Acte 2 : les Etats-Unis alliés du Shah d’Iran 

En 1955, dans un contexte de guerre froide, l’Iran s’allie aux Etats-Unis. Téhéran rejoint ainsi le Pakistan et le Royaume-Uni au sein du «pacte de Bagdad». Le Traité d'Organisation du Moyen-Orient, plus communément appelé Pacte de Bagdad, a été signé le 24 février 1955 par l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran et le Royaume-Uni. Les États-Unis rejoignent le comité militaire de l'alliance en 1958. Le pacte sera rebaptisé Organisation du Traité central (Central Treaty Organisation) ou CenTO, après le retrait irakien le 24 mars 1959.

S'inscrivant dans le cadre de la Guerre froide, le pacte a pour objectif principal de contenir la poussée soviétique au Moyen-Orient. Durant cette période, la plupart des pays, à l'exception des non-alignés, se retrouvent dans un camp ou dans l'autre.
 
Le régime du Shah a été caractérisé par un mélange de dictature musclée et de modernisation socio-économique.. Les Etats-Unis, quelque furent les critiques contre l’aspect autoritaire du régime du shah, ont toujours défendu Téhéran, équipant notamment son armée.
Des Phantoms américains de l'armée de l'air iranienne. Les Etats-Unis ont équipé l'armée iranienne à l'époque du Shah (BEHROUZ MEHRI / AFP)


Acte 3 : 4 novembre 1979, des manifestants iraniens prennent d’assaut  l’ambassade américaine
Le soutien américain au shah Reza Pahlavi n’a pas suffi. Le président Carter a bien tenté de faire évoluer le régime mais c’était trop tard. Face à la multiplication des manifestations, le souverain quitte le pouvoir  le 16 janvier 1979.  Le 1er février, l’ayatollah Khomeini arrive à Téhéran.
 
Le soutien américain n’aura pas suffi à sauver le régime impérial. Désormais pour Téhéran, les Etats-Unis représentent le mal absolu. La situation se tend lorsque Reza Pahlavi, en exil, est hospitalisé aux USA. Le 4 novembre, des manifestants envahissent l’ambassade et prennent en otages quelque 50 personnes. Pour la majorité d’entre eux, la captivité va durer 444 jours.
 
En avril 1980, Washington rompt les relations diplomatiques. Carter tente même une opération militaire, qui échoue dans le désert iranien. Après des négociations, les otages sont finalement libérés...lors de l’intronisation du nouveau président, Ronald  Reagan.
 
Depuis cette affaire, les relations entre les deux pays sont mauvaises, voire catastrophiques. Entre la doctrine Carter affirmant qu’une « tentative par une force extérieure pour prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis» ou les accusations de Washington faisant de l’Iran un « État parrainant le terrorisme » le 23 janvier 1984, après l’explosion d’une caserne de  Marines en octobre 1983 au Liban, la tension est quasi-permanente.
 
La rupture entre les deux pays n’empêche cependant pas la trouble affaire de l’«irangate» avec la vente d’armes par les Américains aux Iraniens, en pleine guerre Iran-Irak. 
 
En 1988, un navire de guerre américain, le Vincennes, abat un Boeing civil iranien, faisant 290 morts
 
En 2002, Wahington inscrit l’Iran sur la liste des Etats faisant partie de l’ «axe du mal». Des sanctions limitent les échanges entre les deux pays.
Les otages américains dans l'ambassade des Etats-Unis en novembre 1979. (STAFF / UPI / AFP)

 
Acte 4 : le nucléaire iranien
La Chambre des représentants américaine a voté début août 2013 de nouvelles sanctions contre l’Iran, à quelques jours de l’entrée en fonction du nouveau président, Hassan Rouhani. Une façon de montrer au nouveau président que les Etats-Unis n'entendent rien lâcher à Téhéran.
 
A côté de nombreux autres dossiers (politique anti-israélienne, soutien au Hezbollah, accusations sur le terrorisme…), c’est le dossier du nucléaire qui nourrit la colère américaine. Cette question du nucléaire a pris une nouvelle ampleur sous la présidence d’Ahmadinejad mais le dossier n’est pas nouveau, l’Iran ayant toujours eu des ambitions dans ce secteur.

Sur le nucléaire, les premières sanctions sont tombées en 2006 avec une résolution de l’ONU. Résultat, les Etats-Unis ont mis sous embargo les investissements dans les domaines énergétiques. Depuis les résolutions du Conseil de sécurité se sont multipliées.

Le dossier du nucléaire iranien est souvent mis en avant par Israël qui a menacé à plusieurs reprises d'intervenir militairement. Le président Obama s'est montré plus prudent sur la question, privilégiant les discussions.
 
«Depuis l'élection de Rouhani le 14 juin, les signaux envoyés par l'Iran ont été très positifs. Parmi ces signaux, l'ancien ambassadeur de la République islamique d'Iran aux Nations-Unis, Javad Zarif, vient d'être nommé au poste de ministre des Affaires Etrangères par le président Rouhani. Zarif a eu son Doctorat aux États-Unis, il y a vécu plusieurs années et il connait parfaitement les inquiétudes et perceptions des Américains sur l'Iran », souligne le Huffington Post. Le début d’une normalisation ?
Images de la télévision iranienne montrant des centrifugeuses sur site nucléaire iranien de Nantanz en 2012. (PRESS TV / AFP)

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