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Irak : "Il y a un risque de conséquences graves pour la France"

Plusieurs dizaines de djihadistes français combattraient actuellement en Irak aux côté de l'Etat islamique en Irak et au Levant. Pour Mathieu Guidère, professeur à l'université de Toulouse et spécialiste des mouvements islamistes, la stratégie de recrutement du mouvement islamiste est bien rodé sur internet.
Article rédigé par Elodie Guéguen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Un combattant de l'Etat islamique dans une rue de Mossoul le 16 juillet dernier © Reuters)

EIIL a-t-il les moyens d'embrigader des jeunes salafistes en France ?

L'Etat islamique en Irak et au Levant ne possède pas de réseau de recrutement sur le sol national. La quasi-totalité de sa propagande passe soit par le canal syrien, soit via internet où il a pu mettre en place un système d'information, de propagande et de recrutement assez élaboré. Cela passe à la fois par les réseaux sociaux les plus utilisés par les jeunes et des contacts personnalisés.

Les autorités parlaient de 800 Français en Syrie. Combien ont pu passer en Irak ?

Pour l'instant, les choses sont très floues. Mais on peut dire que la quasi-totalité des Français sont encore en Syrie puisque l'Irak n'est pas encore tout à fait sous le contrôle de l'Etat islamiste. Cela étant dit, on a constaté des allers retours entre les deux pays au cours des dernières semaines. Et il est probable qu'un certain nombre de Français soient passés en Irak pour prêter main forte à l'Etat islamique.

Comment sont sélectionnés les Français qui passent de la Syrie à l'Irak ?

A l'intérieur de l'Etat islamique, on assiste à une sélection assez rapide, une sorte de méritocratie djihadiste. Dès que qu'un combattant est remarqué pour ses compétences sur le terrain ou qu'il montre des faits d'armes, il est immédiatement promu et envoyé dans des unités spécialisées pour des attaques de bases militaires syriennes ou en Irak. Mais pour l'instant, on n'a aucune figure de Français qui émergent. Ce sont plus tôt des figures qui viennent du monde arabe, des pays d'Europe de l'Est ou d'Asie.

Si la France réclame une intervention, pour venir en aide aux chrétiens d'Irak par exemple, est-ce qu'il y a un risque de voir un ennemi se développer dans nos frontières ?

C'est un véritable dilemme aujourd'hui. Le fait que la France s'engage aussi massivement qu'elle appelle au Conseil de sécurité et qu'elle désigne l'Etat islamique comme un ennemi, on risque de créer un ennemi qui ne considérait pas la France comme un ennemi.

Sans oublier que l'Etat français, qui se prévalait d'une certaine neutralité concernant les communautés religieuses, apparaît désormais clairement dans la propagande djihadiste comme un défenseur des chrétiens. Du coup, les djihadistes français critiquent une certaine hypocrisie de l'Etat français qui se définit comme laïque mais défend plus les chrétiens d'Irak que les populations civiles syriennes.

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C'est donc une situation complexe qui risque effectivement d'avoir des conséquences graves pour les intérêts français à l'étranger et des conséquences sur la sécurité intérieure en France. En donnant l'impression que la laïcité n'est pas défendue à l'extérieur comme à l'intérieur de nos frontières.

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