Interpol se lance dans la traque aux délinquants environnementaux
Ces fugitifs sont 139 malfaiteurs de tous les continents, repérés dans 36 pays différents. Parmi eux, se trouvent neuf hommes particulièrement recherchés : trois Européens, trois Africains, deux Asiatiques et un Nord-américain. Pour ceux-là, Interpol a carrément mis sur son site internet en grand la mention "WANTED" avec les portraits photos en noir et blanc. Tous ces hommes – car ce sont des hommes et non des femmes dans l'immense majorité – vont voir leur signalement diffusé dans absolument toutes les gendarmeries, tous les commissariats, tous les services de douanes de la planète.
Que leur reproche-t-on à ces malfaiteurs ? "Des délits très très variés", répond Stefano Carvelli le chef du service de recherche des fugitifs à Interpol. "Ca va de la pêche illégale de crustacés dans l’Antarctique au trafic d’espèces sauvages en danger, en passant par la déforestation illégale en Amazonie, le trafic d’ivoire. Il y aussi du déversement de déchets toxiques. A chaque fois, ce sont des attentats à la santé publique et des atteintes à l’intégrité de la planète" , explique ce responsable qui fait aussi remarquer que ces hommes ne sont jamais des criminels isolés, mais toujours liés à des organisations très structurées : "Il y a forcément des réseaux à l’arrière car les profits sont gigantesques et il faut des filières pour traiter toutes ces rentrées d’argent. Souvent ces réseaux sont des réseaux de trafic de drogues, d’art ou d’armes qui ont juste décidé de diversifié leurs activités et leurs investissements en faisant du braconnage ou du trafic de déchets par exemple ."
Des girafes vivantes convoyées par avion au Qatar
On n’a en effet jamais vu un trafiquant d’ivoire agir seul et décider seul de tuer des éléphants pour en vendre les défenses. Un des hommes recherchés est par ailleurs accusé d'avoir capturé des girafes vivantes en Afrique de l'est, de les avoir mises dans un avion militaire pour les convoyer jusqu'au Qatar. Il faut en effet des relais pour réaliser ce type de projets assez dingues.
On imagine qu'avec leurs photos qui vont circuler partout, avec cet appel mondial au public, ces criminels de l'environnement vont désormais voir leur vie sérieusement compliquées. Interpol a déjà utilisé plusieurs fois ce système du WANTED, de l'appel à témoins. Et cela fonctionne. La première fois, c'était en 2007 : avec un pédophile surnommé Vico dont la photo est diffusée en masse. En moins de dix jours, et grâce à plus de 300 signalements ou renseignements récoltés partout dans le monde, Vico est interpellé en Thaïlande. Depuis, ce système a permis d'arrêter 600 criminels dans le monde, surtout des trafiquants d'armes.
Les défenseurs de l’environnement saluent une victoire
Concernant les malfaiteurs de l'environnement, l'appel à témoins pourrait également s'avérer efficace. Les organisations de protection de la nature s'en réjouissent d'avance.
"C’est une victoire de voir qu’Interpol – qui depuis longtemps s’intéressaient essentiellement au blanchiment d’argent issu de trafics ordinaires comme la drogue ou les armes – réalise que les trafiquants d’animaux sont tous aussi liés à cette économie sombre et clandestine" , dit Jacky Bonnemains président de l’association Robin des bois. Le militant écologiste ajoute : "Je me mets à la place de ces criminels environnementaux qui voient leurs photos sur tous les écrans. Ils doivent se dire que l’étau se resserre car c’est un appel à leurs familles, leurs connaissances, leurs ennemis à les dénoncer. Cette mauvaise publicité qui leur est faite va rendre très compliquée leurs business et leurs déplacements, en avion notamment. Cette mauvaise publicité va aider à les capturer. Et puis cela va dissuader ceux qui voudraient marcher dans leur pas. "
Cette nouvelle opération inédite d’Interpol semble donc faire l’unanimité. Mais il y a tout de même quelques esprits un peu plus critiques sur le sujet à l’image d’Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale d'Europe Ecologie les Verts : "Dans les années 70 et 80, l’organisation WWF a fait état d’un recul de ce type de trafic. C’était positif. Mais depuis, la situation s’est énormément dégradée. Et cela est lié à la pauvreté. Dans beaucoup de pays, les gens crèvent de faim et n’ont pas le loisir de pouvoir se préoccuper de l’état de la planète. Donc si on veut vraiment faire reculer les atteintes criminelles à l’environnement, il faut avant tout faire de l’aide au développement des populations les plus fragiles dans les pays où les peuples sont les plus démunis. "
Pour les Verts, si cette vaste opération lancée par Interpol a des limites, c’est aussi car dans de très nombreux pays, les normes environnementales internationales ne sont de toute façon pas assez strictes. Emmanuelle Cosse qui sur le fond salue tout de même l’initiative d’Interpol espère "que cette traque fera aussi réfléchir les grands groupes pétroliers ou d’extraction d’uranium par exemple sur leurs propres pratiques, loin d’être toujours exemplaires" .
Interpol dans son appel à témoin précise que l’organisation accepte tous les renseignements sur les criminels environnementaux : "Même de petits détails peuvent servir ", selon les porte-paroles. Toutes les contributions sont traitées, même les mails anonymes.
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