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Vers une "escalade militaire" entre l'Inde et le Pakistan ? On vous explique pourquoi les tensions sont ravivées entre les deux pays

L'Inde a annoncé avoir bombardé le camp d'un groupe islamiste dans le Cachemire pakistanais. La communauté internationale redoute une aggravation des tensions entre les deux voisins et rivaux, tous deux dotés de l'arme nucléaire. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une manifestation à Chennai après l'annonce de frappes aériennes indiennes au Pakistan, le 26 février 2019.  (ARUN SANKAR / AFP)

Pour la première fois depuis près de cinquante ans, des avions de l'armée de l'air indienne ont traversé la frontière avec le Pakistan pour y effectuer des frappes, mardi 26 février. Islamabad a dénoncé une "violation" de la frontière de facto dans la région disputée du Cachemire, et une "agression intempestive". Les tensions sont montées en flèche ces derniers jours, après un attentat au Cachemire indien qui a tué 41 paramilitaires indiens le 14 février.

La communauté internationale redoute une escalade entre les deux voisins et rivaux, tous deux dotés de l'arme nucléaire et qui se sont déjà livré plusieurs guerres dans le passé.

Que s'est-il passé ? 

La situation est extrêmement tendue dans le Cachemire indien depuis un attentat-suicide à la voiture piégée dans lequel 41 paramilitaires indiens ont été tués le 14 février, dans le district de Pulwama. Cette attaque, la plus meurtrière depuis le début de l'insurrection séparatiste contre New Delhi en 1989, a été revendiquée par le groupe islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM), établi au Pakistan.

Le week-end des 23 et 24 février, quelque 400 dirigeants séparatistes ou responsables d'organisations musulmanes ont été arrêtés par la police indienne en représailles. L'Inde a ensuite annoncé avoir mené, mardi 26 février, une "frappe préventive" qui a tué un "très grand nombre" de membres de JeM dans un camp de Balakot, au Pakistan. "Dans cette opération, un très grand nombre de terroristes, de formateurs, de hauts commandants et de jihadistes entraînés aux attentats-suicides de Jaish-e-Mohammed ont été éliminés", a déclaré Vijay Gokhale, un haut responsable de la diplomatie indienne, lors d'une conférence de presse. New Delhi n'a pas donné officiellement de détails sur les modalités de cette frappe. 

Comment réagit le Pakistan ? 

Le Pakistan, de son côté, dénonce des "affirmations intéressées, imprudentes et fictives" de la part du gouvernement indien. Le pays conteste la version de New Delhi et affirme avoir simplement repoussé une brève incursion de l'armée de l'air indienne sur son territoire. Selon Islamabad, des avions ont bien largué une "charge utile" près de Balakot, mais sans faire de dégâts ou de victimes. La zone que l'Inde affirme avoir frappée est "ouverte au monde pour qu'il voie les faits sur place", ajoute le communiqué, précisant que des médias pakistanais et internationaux pourront s'y rendre.

D'autre part, le Pakistan dénonce l'incursion de son espace aérien par l'armée de l'air indienne. "L'Inde a commis une agression intempestive à laquelle le Pakistan répondra à l'heure et à l'endroit de son choix", préviennent les autorités pakistanaises. Le Premier ministre a donné ordre "aux forces armées et au peuple pakistanais d'être préparés à toutes les éventualités". Il s'était dit prêt à coopérer avec l'Inde après l'attentat de Pulwana, mais il avait aussi promis de "riposter" si son pays était attaqué.

Quel est le contexte de ce regain de tensions ? 

L'Inde accuse de longue date le Pakistan de soutenir en sous-main les infiltrations d'insurgés au Cachemire indien, ce que le pays a toujours démenti. Pour expliquer ces nouvelles tensions, Islamabad évoque le "contexte électoral" indien. Le Premier ministre indien Narendra Modi, qui cultive une image d'homme fort et briguera un second mandat au printemps, est sous pression de son opinion publique et des commentateurs pour procéder à une réplique musclée après l'attentat du 14 février. Celui-ci a suscité une vague de colère en Inde, et des appels à des représailles.

Des "frappes chirurgicales" indiennes menées en 2016 le long de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire après l'attaque meurtrière d'une base militaire indienne, une riposte bien moins élevée que celle du 26 février, avaient été volontairement rendues publiques, et sont un élément-clé de la communication politique des nationalistes hindous. Elles ont même fait l'objet d'un film, sorti au cinéma ces dernières semaines.

Faut-il craindre une escalade ? 

La Chine, principal allié du Pakistan, mais aussi l'Union européenne, ont appelé le Pakistan et l'Inde à la retenue. "Si de telles actions se poursuivent, elles peuvent se transformer en un conflit majeur qui ne servira qu'à plonger la région dans une grave crise", estime l'analyste militaire pakistanais Hasan Askari.

En décrivant l'opération du 26 février comme une "action préventive non militaire" visant seulement un groupe islamiste, et non l'Etat pakistanais, New Delhi cherche toutefois à limiter ses répercussions en laissant une porte ouverte à la désescalade, selon Samir Saran, président de l'Observer Research Foundation à New Delhi. Le message ainsi adressé par l'Inde au Pakistan est de "leur dire que nous ne voulons pas l'escalade. C'est pourquoi nous disons que c'est une mesure préventive. Vous n'avez pas besoin d'en faire une guerre, si vous ne le voulez pas", a-t-il estimé.

L'Inde et le Pakistan, tous deux dotés de l'arme nucléaire, se disputent depuis sept décennies la région himalayenne du Cachemire, aujourd'hui l'une des zones les plus militarisées du monde. Au-delà du Cachemire, c'est toute la région qui pourrait être déstabilisée si la situation basculait en guerre ouverte. 

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