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L’Inde produit et imprime sa monnaie, la roupie

En Inde, les banques ont été prises d’assaut après l’annonce le 8 novembre 2016 de la démonétisation de 24 milliards de billets de 500 et 1000 roupies (6,5 et 13 euros: 80% en valeur du cash en circulation). A ce jour, les nouvelles coupures de 500 et 2000 roupies ne sont pas toutes disponibles à cause d’un problème technique. Depuis peu, l’Inde imprime sa monnaie sur du papier produit localement.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
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Un fonctionnaire de police indien avec des liasses de faux billets de 1000 roupies. ( AFP PHOTO / NARINDER NANU)

Le Premier ministre Narendra Modi a officiellement pris cette mesure pour lutter contre la corruption et l'évasion fiscale. Entre 2003 et 2012, quelque 439 milliards de dollars ont quitté illégalement le pays, selon une estimation de l'organisation Global Financial Integrity, basée à Washington.


Conséquences: les distributeurs automatiques de billets et les agences bancaires ont été pris d'assaut.

Dans le sous-continent indien (1,2 milliard d'habitants), où 90% des transactions s'effectuent encore en liquide, les plus pauvres n’ont pour la plupart ni compte en banque ni carte bleue, ils conservent leurs maigres économies sous forme de cash. Même s’ils ont jusqu'au 30 décembre pour échanger leurs billets contre de nouvelles coupures, de nombreux Indiens se sentent spoliés, manquent de liquidités et sont, pour certains, prêts à croire que toutes les valeurs vont être touchées, comme le laisse penser le tweet ci-dessous.


Et ce d’autant que des problèmes techniques compliquent la donne pour mener à bien les échanges.

L’approvisionnement des nouvelles coupures de 500 et 2.000 roupies (Rs), qui sortent des presses de la Banque centrale à Mysuru, au Karnataka (sud-est), ne sera rendu possible que dans plusieurs semaines.

L’Inde fabrique ses billets
Deuxième plus grand producteur et consommateur de billets de banque au monde après la Chine, l’Inde imprime toutes ses coupures, comme le raconte le site Quartz. Jusqu’à peu, elle faisait importer de Grande-Bretagne et d’Allemagne 95% du papier filigrané requis pour ses billets. Mais en 2015, le Premier ministre Narendra Modi a exhorté la Banque centrale indienne à produire plus de papier et d'encre afin de maintenir tout le processus de production dans le pays. But avoué: faire des économies.

En effet, selon Quartz, «l'Inde utilise quelque 22.000 tonnes de papier spécifique chaque année, ce qui représente au moins 40% du coût total de fabrication. Fin juin 2016, la Banque centrale indienne a fourni 21,2 milliards de billets pour des coûts d'impression évalués à 502 millions de dollars.»

Pour fabriquer les nouvelles coupures de 500 et 2000 Rs, une partie du papier utilisé a donc été produite en Inde. Si le pourcentage n’a pas été révélé, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une étape importante dans l’autosuffisance.
Le papier, l’encre, les dispositifs de sécurité et les procédés d'impression nécessitent des installations spécialisées, sécurisées et coûteuses. Ceci explique pourquoi un certain nombre de pays préfèrent externaliser l'impression de leurs monnaies.

Les grilles de la Banque centrale indienne à New Delhi. (AFP PHOTO / SAJJAD HUSSAIN)

Le pays a commencé à imprimer une partie de sa monnaie il y a 90 ans
«Jusqu'au XVIIIe siècle, les monnaies d'argent et d'or étaient couramment utilisées en Inde. Mais comme les sociétés commerciales européennes privées ont établi leurs propres banques dans la région, elles ont commencé à émettre les premières versions de billets indiens...», raconte le Forum économique mondial qui retrace 150 ans d'histoire de la monnaie.

La suite? En 1862, quand la couronne britannique administrait l’Inde, les roupies émises étaient fabriquées par la société britannique De La Rue, devenue depuis la plus grande imprimerie commerciale de billets de banque au monde. C’est elle qui fournissait jusqu’à présent une grande partie du papier filigrané à l’administration indienne.

Dans les années 1920, les Britanniques ont décidé d'imprimer la monnaie en Inde, précise encore Quartz. En 1926, la première imprimerie est sortie de terre à Nasik, au Maharashtra (ouest). Deux ans plus tard, des billets de 5Rs en provenaient. Puis, les années suivantes, ceux de 100, 1000 et même 10.000 roupies. Le pays attendra 50 ans pour qu’une deuxième presse performante et sécurisée voie le jour en 1975, à Dewas, dans l’Etat de Madhya Pradesh (centre).

La presse à billets de John Bramah, 1806. Gravure sur plaque de cuivre de Wilson Lowry, d'après une illustration de J.Farey de la «Cyclopedia ou Universal Dictionary» d'Abraham Rees, Londres, 1812. ( Florilegius / Leemage)

Une demande croissante
En 1997, ces deux presses imprimaient toutes les coupures indiennes. Mais avec l’augmentation de la population, et donc de la demande, leur capacité est devenue insuffisante. Delhi a dû faire imprimer 3,6 milliards de billets auprès d'entreprises américaines, canadiennes et européennes (y compris De La Rue) pour 95 millions de dollars.

En 1999 et 2000, le gouvernement a donc créé deux autres presses à Mysuru et à Salboni, au Bengale occidental (nord-est).

En 1968, une papeterie a vu le jour à Hoshangabad (Madhya Pradesh). Mais sa capacité ne répondait qu’à une petite partie de ce qu’il aurait fallu pour produire la totalité de la monnaie indienne. Le reste du papier était importé de Grande-Bretagne, d'Allemagne et du Japon.

Suite à la demande de Modi en 2015, les capacités de production et d'impression ont été renforcées grâce à de nouvelles lignes de production dans les usines d'Hoshangabad et Mysuru. Elles devraient répondre à la quasi-totalité des besoins en billets de banque en Inde.

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