Inde : malgré l'élection d'un président issu des dalits, les anciens intouchables, les discriminations demeurent
L'Inde a élu jeudi pour la 2e fois de son histoire un président issu de la communauté des dalits, ceux qu'on appelait avant les intouchables. Le symbole est fort mais les conditions de vie des dalits restent très marquées par les discriminations.
L'Inde a élu jeudi 20 juillet un nouveau président de la République, Ram Nath Kovin. Ce fidèle du parti du Bharatiya Janata Party (BJP), une formation nationaliste hindou, a été choisi par les Parlementaires. Il est le 2e président de la République indienne issu de la communauté des dalits, les anciens intouchables. Si le symbole est fort, les dalits restent largement discriminés en Inde, plus de 60 ans après l'abolition de la discrimination entre les castes.
Jai Bhagwan fait partie de cette communauté des dalits. Il habite dans une petite maison sans fenêtre du bidonville de Kusumpur Pahari, au sud-ouest de New Delhi. Cet homme de 50 ans a l'allure humble et le regard timide. Jai Bhagwan fait plus particulièrement partie du sous-groupe des Valmiki. Il n'a pas terminé son école primaire et, au moment de trouver un emploi, a été poussé à faire un travail attribué aux Valmiki depuis des siècles : nettoyer les rues. "J'aurais voulu faire n'importe quel travail, sauf celui-là, témoigne le dalit. Il y avait d'autres emplois mais pour un Valmiki non-éduqué comme moi, la seule solution c'est de faire du nettoyage. J'aurais pu m'en sortir si j'avais été à l'école plus longtemps mais mes parents n'ont pas pu se le permettre."
La stigmatisation demeure malgré la fin des castes
En Inde, les dalits Valmiki sont traditionnellement éboueurs ou nettoyeurs d'égout. Ils vivent dans des quartiers séparés et les membres des autres castes refusent souvent de partager la même nourriture qu'eux. L'intouchabilité a été abolie il y a 67 ans mais les dalits sont toujours ostracisés et n'ont pas le droit d'entrer dans les temples. Dans les villes cependant, les identités se brouillent et ces anciens intouchables sont mieux traités. Mais la stigmatisation demeure : "La caste n'est pas toujours identifiable par le nom de famille, ni par la couleur de la peau donc les recruteurs ont des moyens astucieux pour la repérer", explique Ashwini Deshpande, chercheuse à la Delhi School of Economics.
Les recruteurs demandent généralement aux dalits leurs origines familiales, ce qui leur permet de répérer la caste à laquelle ils appartiennent
Ashwini Deshpandeà franceinfo
La constitution de 1950 a créé un système de discrimination positive en faveur de ces dalits : environ 15% des postes dans les universités publiques et administrations leur sont réservés, alors qu'ils représentent 16% de la population. C'est une aide précieuse même si peu d'entre eux étudient autant, par manque de moyens, comme Jai. Le parti nationaliste hindou du BJP, au pouvoir, a longtemps milité contre ces quotas mais en choisissant un dalit comme Président, il cherche maintenant à se réconcilier avec cette population marginalisée, afin d'élargir sa base électorale.
C'est d'ailleurs ce que dénonce Beena Pallical, directrice de la National campaign on Dalit human rights, avec l'élection du nouveau président. "Cette nomination est pour moi une manoeuvre politique, assène-t-elle. S'ils voulaient vraiment choisir un candidat dalit, il y a assez de personnes qui ont travaillé pour l'amélioration de leurs conditions de vie alors que lui nous ne savons même pas qui il est." Selon elle, depuis deux ans, il y a eu beaucoup de violences contre les dalits et les minorités en Inde. "Le gouvernement ne dit rien et c'est cela pour moi le plus grave."
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