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Inde : de nouvelles disparitions ravivent la peur au Cachemire
Aux confins de l’Himalaya, le Cachemire indien. A la frontière avec le Pakistan, la population paye un lourd tribut à près de 70 ans de tensions et 3 conflits entre les 2 pays. Selon les ONG, 8000 personnes y ont disparu depuis 1989. Un chiffre contesté par l’Inde. Les habitants de Dardpora, premières victimes des violences, s’inquiètent de nouvelles disparitions, imputées aux forces de l'ordre.
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Il faut parcourir 120 kilomètres au départ de Srinagar, capitale d’été de l'Etat du Jammu-et-Cachemire (ou Cachemire indien), pour rejoindre Dardpora, un hameau situé près de la Ligne de contrôle séparant l'Inde du Pakistan.
Cette bourgade, souvent coupée du monde l’hiver, compte quelque 200 veuves (sur 350 femmes), tout au moins 200 femmes dont les maris se sont volatilisés. Pour le gouvernement indien, leurs époux ont rejoint le Pakistan voisin pour se rendre dans des camps d'entraînement de groupes séparatistes. Pour ces femmes et leurs proches, ils ont été capturés et tués par les forces de sécurité indiennes.
New Delhi estime que 4000 personnes ont disparu depuis 1989 quand a éclaté l'insurrection séparatiste dans cette région à majorité musulmane. Les victimes et les ONG avancent le double. Quoi qu’il en soit, 7000 sépultures anonymes sont recensées dans la région, ce qui a été en partie confirmé dans le rapport d'une commission indépendante en 2011, selon l’AFP.
En novembre 2015, trois personnes se sont «évaporées», faisant craindre un retour de pratiques quasiment disparues depuis une dizaine d’années. Les deux premières ont été vues ensemble pour la dernière fois accompagnées d’un soldat indien. La troisième, un ancien rebelle, a comme point commun avec les deux autres d’avoir été joint par téléphone la veille de son «départ fortuit» par le même soldat, selon les dires de sa femme, repris par l’AFP.
Le soldat soupçonné de leur enlèvement a bien été arrêté trois semaines plus tard, mais les circonstances restent peu claires. Un chauffeur de taxi, qui dit avoir emmené le soldat et les trois hommes près d'un camp de l'armée, à 30 kilomètres du village, a également été arrêté. L’armée dit enquêter, mais les familles restent sans nouvelles et estiment que ni les militaires ni la police ne recherchent réellement la vérité.
Les forces de l'ordre montrées du doigt
«Dans les années 90, les disparitions étaient une partie intégrante de la politique indienne. L'objectif était clair : terroriser les jeunes pour qu'ils ne soient pas tentés de rejoindre la guérilla», indiquait en 2008 un avocat des victimes repris par Libération.
En 2007, New Delhi avait dû s’expliquer après qu’il eut été prouvé que plusieurs présumés «séparatistes», tués au cours de prétendues fusillades, étaient en fait des civils, abattus par des militaires. Les autorités indiennes avaient campé sur leurs positions : il s'agissait des dépouilles de combattants infiltrés du Pakistan, ce qui expliquait que les tombes ne soient pas identifiées.
Les forces armées indiennes déployées dans le Cachemire ont longtemps été accusées d'avoir tué des habitants de la région lors de faux affrontements armés pour permettre aux soldats d'obtenir promotions et récompenses. Le gouvernement de New Delhi a longtemps refusé de lever leur immunité pour ne pas démoraliser les troupes. Les soldats au Cachemire sont protégés par une loi spéciale votée en 1990 qui leur accorde une impunité et le droit de tuer des suspects et de saisir leurs biens.
Les dernières disparitions ravivent le souvenir des manifestations et la répression armée de 2010 suite à la mort de trois jeunes, présumés séparatistes : 120 civils avaient été tués dans les affrontements. A l’époque, l'enquête policière avait prouvé que les hommes avaient été attirés dans un traquenard et tués dans un échange de coups de feu mis en scène.
Le gouvernement indien botte en touche
Khurram Parvez, coordinateur de l'ONG Jammu Kashmir Coalition of Civil Society, réclame des tests ADN pratiqués sur les dépouilles des tombes anonymes pour croiser les résultats avec celui des proches des personnes disparues. Selon lui, «les autopsies pratiquées par le gouvernement montrent que sur 53 corps exhumés, 48 étaient ceux d'habitants disparus qui avaient été inhumés comme combattants étrangers non identifiés.»
Alors même que le 27 septembre 2011, le gouvernement indien avait annoncé cette opération, il a depuis botté en touche. Il a prétexté qu’il n’en avait pas les moyens.
Aujourd’hui, les femmes de Dardpora ont du mal à survivre. En 2008, Libération précisait qu’en «vertu de la loi musulmane, ces ‘’demi-veuves’’ n'ont pas le droit de se remarier pendant sept ans tant que la mort de leur mari n'est pas confirmée. Elles doivent alors obtenir du tribunal un droit de garde pour inscrire leurs enfants à l'école, et ni elles ni eux ne peuvent hériter des propriétés du père.» Par ailleurs, un délai de 25 ans leur est imposé avant lequel elles ne peuvent pas toucher de pension de veuves, indiquait la photographe Juliette Robert, qui a réalisé en 2014 un reportage sur leurs conditions de vie.
Le 5 février 2016, côté pakistanais, la population a manifesté sa solidarité avec les Cachemiris d’Inde, dans le cadre de la Journée du Cachemire. Ils ont réclamé un référendum d'autodétermination pour la partie administrée par l'Inde. On le voit, un long chemin reste à parcourir avant la pacification de cette région himalayenne.
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