"Ce qu'ils me reprochaient, c'est d'avoir un projet de film sur les Dalits" : un jeune documentariste français raconte son mois en prison en Inde
On les appelait autrefois les "Intouchables". Le quotidien des Dalits, ces Indiens classés tout en bas de l'échelle sociale, reste emprunt de discriminations et de violences impunies. Selon l'organisation Campagne nationale sur les droits de l'homme des Dalits, un groupe d'activistes et d'universitaires créé en 1998, treize Dalits sont assassinés chaque semaine et trois femmes dalits sont violées chaque jour en Inde.
C'est en enquêtant sur la vie de ces femmes que Valentin Hénault, documentariste français de 29 ans, a été arrêté en Inde. S'il a pu rentrer en France fin mai, il dénonce aujourd'hui un "piège". Quand il atterrit en Inde, en août 2023, Valentin Hénault imagine rester deux mois sur place : il est en repérage, avant un documentaire sur les femmes dalits. "Plus précisément sur une série de crimes, de viols et d'assassinats commis contre les femmes dalits qui restent souvent impunis", précise-t-il à franceinfo. On estime que plus des deux tiers du 1,4 milliard d'habitants de l'Inde se situent aux échelons inférieurs de cette hiérarchie sociale, vieille de plusieurs millénaires, qui divise les hindous selon leur fonction et leur statut social.
"Faux passeport" puis "violation des conditions du visa"
Quelques jours avant de repartir, en octobre 2023, il décide d'assister à une manifestation de Dalits dans la ville de Gorakhpur. Il est alors repéré par les autorités, interrogé puis arrêté. Avant d'être envoyé en prison pour des raisons que le jeune homme ne comprend pas : "Ils ont commencé en mettant 'faux passeport' au tout début de la procédure. Et puis, ça a été changé en 'violation des conditions du visa'. Mais ce qu'ils me reprochaient, c'est d'avoir un projet de film. Ils ont commencé à me dire qu'ils n'avaient pas besoin d'étrangers pour s'intéresser à la situation des Dalits, que tout allait très bien..."
Valentin Hénault est finalement condamné à un mois de détention. "Les conditions matérielles y sont absolument atroces. Sans parler de l'injustice. Beaucoup de musulmans de 18-19 ans, des journalistes aussi...", détaille-t-il, avant de préciser avoir croisé des cas de 'love djihad'. Ce sont des musulmans envoyés en prison parce qu'ils ont eu des relations avec des femmes hindoues.
Sa famille intervient, et quelque 20 000 euros sont dépensés en frais d'avocat. Une fois libéré de ce mois en geôle, Valentin Hénault est alors bloqué sur place, au cœur d'une bataille administrative de sept mois. De retour en France ces derniers jours, s'il confie qu'il ne retournera plus en Inde pour son documentaire, il a commencé l'écriture d'un livre.
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