Yanis Varoufakis: «Le peuple a été abandonné et trahi»
Yanis Varoufakis ne dit rien sur ses ambitions politiques. Ministre des Finances de Tsipras, il a longtemps personnalisé l’affrontement entre la Grèce et l’Eurogroupe lors des interminables négociations qui ont suivi l’accession au pouvoir de Syriza en janvier dernier. Il a symbolisé le refus par les Grecs de l’austérité et des privatisations que voulait imposer l’Europe et le FMI. Refus très largement approuvé par les Grecs lors du référendum du 5 juillet 2015.
Mais au-delà de cette critique, Varoufakis reste flou sur ce qu’il est prêt à faire au niveau politique grec, lui qui a voté contre le texte de l’accord de « capitulation » avec les créanciers.
Il préfère prendre de la hauteur et porter le combat au niveau européen ; «S’il n’y a pas un mouvement européen pour démocratiser la zone euro, aucun peuple européen ne verra de jours meilleurs : ni les Français, ni les Italiens, ni les Irlandais, personne. C’est un combat fondamental qui nous reste à mener». Quant à savoir comment il va aborder la nouvelle échéance électorale et notamment la scission de Syriza (l'aile gauche vient de créer son propre parti, «Unité populaire») qui devrait intervenir en Grèce en septembre...mystère. Peut être en dira il plus au 20 heures de France 2 samedi 22 août.
(voici ci-dessous le portrait de Yanis varoufakis que nous avions publié en juin dernier, alors qu’il était encore ministre et qu’il continuait à personnaliser l’affrontement entre Athènes et l’Eurogroupe. Son look et ses déclarations l’avaient alors mené à la une de la plupart des médias européens).
Un doigt, justement, symbolise le niveau d'incompréhension qui a envenimé les relations entre Yanis Varoufakis et les Allemands. Une vidéo le montrant faisant un doigt d'honneur a fait le tour du monde, accréditant cette méfiance entre Grecs et Allemands. Or, semble-t-il, elle était le fruit d'un trucage. Il faut dire qu'entre temps, il était devenu la bête noire des conservateurs européens.
Consulter la http://t.co/CSOuQrGGAp
— Alexaussedat (@alexaussedat) June 21, 2015
Rarement ministre de l'Eurogroupe a été autant critiqué, voire insulté. Avec son crâne rasé, ses chemises sans cravate sortant du pantalon, Yannis Varoufakis détonne dans le cercle étroit des ministres des Finances. Contrairement à ses homologues, il a le verbe facile et continue à twitter tout en étant ministre et à alimenter son blog.
Un blog sur lequel il rend compte de ses interventions devant ses collègues de l’Eurogroupe, alors que le secret semble de mise dans ces conclaves (voir ainsi son discours lors du dernier Eurogroupe).
Il n'hésite pas non plus à se mettre en scène, quitte à le regretter par la suite. Il a ainsi posé dans Paris Match.
Economiste devenu ministre
Mais Yannis Varoufakis n’est pas que ministre. Il est aussi économiste, et même un économiste réputé. Aux yeux de Christian Arnsperger, chercheur FNRS à la Chaire Hoover et professeur à l’Université de Lausanne, qui est loin d’être seul à être de cet avis, «Yanis Varoufakis, âgé de 54 ans, est l’un des économistes "anti-néoclassiques" les plus brillants de sa génération».
Yanis Varoufakis est né le 24 mars 1961 à Athènes. De nationalité grecque et australienne, il a suivi des études de mathématiques et de statistiques appliquées à l’économie en Angleterre. Il a enseigné à Cambridge, notamment. En 1990, au troisième mandat de Margaret Thatcher («C'en était trop», raconte-t-il), il part à Sydney en Australie, où il enseigne une douzaine d'années à l'université.
Il est ensuite revenu enseigner l’économie à Athènes. Conseiller du Premier ministre socialiste Georges Papandreou entre 2004 et 2006 avant d’en devenir l’un des plus virulents critiques. Il quitte à nouveau la Grèce pour enseigner à Austin (Texas) et travailler pour une entreprise de jeu vidéo, pour laquelle il apporte ses connaissances sur la théorie des jeux.
«Marxiste libertaire»
Elu député Syriza en janvier 2015, il devient ministre des Finances du gouvernement Tsipras.
Sur le plan idéologique, le ministre, qui continue à utiliser sa moto et n’hésite pas à jouer des médias, est loin d’être un dangereux gauchiste, même s’il aime à se dire «marxiste occasionnel ou libertaire».
Pourtant, dans son action et ses propos, Varoufakis se montre un économiste classiquement keynésien. Pour preuve, il est l'auteur avec Stuart Holland et James K.Galbraith de Modeste proposition pour sauver la zone euro, qui a été préfacé en France par Michel Rocard. Dans ce livre, ils proposent «de financer par un outil financier commun des travaux d'infrastructures permettant un rattrapage des pays les moins développés».
A propos de la crise grecque, il estime que la dette de son pays est insoutenable et que la politique d’austérité imposée à son pays est contre-productive. Ce que quasi tous les économistes affirment. «Ce qu'ils sont prêts à te donner, ce sont des cordes pour te pendre (extension, rééchelonnement plus souple des paiements). Tu dois les refuser et demander à la place une échelle sur laquelle ils pourront eux aussi grimper», avait-il écrit à son prédécesseur de droite. Aujourd’hui, gouverneur de la banque de Grèce rappelait Le Monde.
«La Grèce n’a rien à perdre»
«En 2010, la Grèce s'est retrouvée en faillite, expliquait-il au Monde la veille du scrutin législatif. Et l'Europe a prétendu que ce n'était pas le cas et qu'il s'agissait d'un problème de liquidités. l'Europe a mis en place le plus grand prêt de l'Histoire à un pays en faillite, en nous demandant de faire des coupes budgétaires. Cela ne pouvait pas bien se finir.»
Une position sur laquelle il n'a jamais varié, malgré toutes les concessions qu'il a présentées devant les «institutions», à savoir les créditeurs du pays. Yanis Varoufakis défend l'idée d'une solidarité interne à l'UE qui serait le pendant logique du pacte budgétaire. Ses idées sont évidemment à l'exact opposé de celles de Wolfgang Schäuble et de sa vision morale de l'économie. Yanis Varoufakis défend une vision pragmatique et réaliste, notait Romaric Godin dans La Tribune. Journal dans lequel il disait avant d'être élu: «La Grèce n’a rien à perdre.»
Il avait réussi à se rendre insupportable aux yeux de ses collègues européens. Au point que pour arranger les choses, Alexis Tsipras l'avait un temps mis sur la touche lors des séances de négociations. Il avait alors donné son opinion, citant Roosevelt, en pleine politique du New Deal, via un tweet dont voici la traduction «Franklin Delano Roosevelt, 1936: "Ils sont unanimes de leur haine pour moi, et je salue leur haine." Une citation proche de mon cœur (& de la réalité) ces jours-ci.»
FDR, 1936: "They are unanimous in their hate for me; and I welcome their hatred." A quotation close to my heart (& reality) these days
FDR, 1936: "They are unanimous in their hate for me; and I welcome their hatred." A quotation close to my heart (& reality) these days
— Yanis Varoufakis (@yanisvaroufakis) April 26, 2015
Une position partagée par le prix Nobel Paul Krugman pour qui les Européens«ont fait à Tsipras une offre qu'il ne pouvait pas accepter, et l'ont sans doute fait sciemment.» D'après l'économiste, qui s'exprime sur son blog du New York Times, «l'ultimatum (des créanciers) était une stratégie pour remplacer le gouvernement grec», qui appelle à rejeter les conditions de ces derniers.
Varufakis ha ido a pie desde el misterio de economía hasta la sede del primer ministro entre vítores de la gente pic.twitter.com/8jZo59WzTU
— Irene Hdez. Velasco (@IreneHVelasco) June 28, 2015
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