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Manolis Glezos, le résistant grec devenu doyen du Parlement européen

Au pays des mythes, Manolis Glezos est plus qu'une légende, un symbole. Résistant dès 1941 contre le nazisme en Grèce, Manolis Glezos vient d'être élu député européen de Syriza, le parti de la gauche de la gauche qui a remporté les Européennes en Grèce. A 91 ans, le doyen du parlement européen se dit élu pour dire oui à l’Europe mais non à l’austérité.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Manolis Glezos syriza, 91 ans, élu au Parlement européen sur la liste Syriza. (LOUISA GOULIAMAKI / AFP)
Elu triomphalement député (le mieux élu du pays) au Parlement européen sur les listes Syriza, Manolis Glezos va commencer un nouveau combat dans l’arène de Strasbourg. Mais les combats ne font pas peur au vieux Grec, né en 1922 sur l'île de Naxos, chevelure blanche au vent et moustache en bataille. 
 
Son premier combat a fait de lui une icone en Grèce. Dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à 18 ans, il est allé avec son ami Apostolos Santas décrocher le drapeau nazi qui flottait sur l'Acropole. Arrêté trois fois sous l'occupation, Manolis Glezos a échappé au peloton d'exécution. Il a continué à combattre pendant la terrible guerre civile grecque qui a suivi la guerre mondiale, quand les Anglais décidèrent de désarmer les résistants, communistes en général.

Militant communiste, il a survécu à plusieurs condamnations à mort. Il a connu la prison dans les années 50 puis sous la dictature des Colonels (1967-1974).

De Gaulle évoque «le premier résistant d'Europe»
«En 1949, Manolis Glezos est condamné à mort pour trahison (la guerre civile a duré de 1944 à 1949 et aurait fait quelque 150.000 morts NDLR). Un dirigeant grec l'annonce à une presse incrédule, en leur affirmant que sa tombe est déjà prête. "Ma mère est allée voir mon tombeau", explique-t-il. Il se souvient de la radio grecque diffusant, le dimanche après sa condamnation, un extrait de la radio française, qui annonce : "Le général de Gaulle s'adresse au gouvernement grec pour qu'il n'exécute pas le premier résistant d'Europe." "Dans mon village, sur l'île de Naxos, tout le monde a signé en ma faveur, même le pope. Et ils n'étaient pas tous communistes", souligne-t-il», écrivait Le Monde dans un portrait qui lui était consacré.
 
Au total, il a passé 16 ans en prison. De quoi laisser des souvenirs et des raisons de militer. «Je me souviens de tous mes amis que j’ai perdus pendant le guerre et je me dis qu’est ce qu’ils voudraient que je fasse maintenant. Je crois qu’ils voudraient que ce dont ils ont rêvé soit réalisé», disait il dans une interview
 
Et de ce passé de combattant, il tire une force et une raison de continuer à militer, un peu à la façon d'un Stéphane Hessel grec. «J'ai perdu 118 camarades. Ils ont été exécutés pendant la guerre civile. A cette époque, avant chaque bataille, on se fixait des objectifs, on annonçait nos rêves et nos buts, parce qu'on savait que tout le monde ne reviendrait pas vivant. On voulait que les survivants parviennent à réaliser quelques-uns de ces rêves. Et c'est moi qui ai survécu le plus longtemps», explique-t-il.

Manolis Glezos blessé lors d'une manifestation devant le parlement grec en 2010. (ARIS MESSINIS / AFP)

Il a déjà été député européen. C’était dans les années 80. Il avait alors démissionné pour incompatibilité d’humeur avec son parti d’alors, le Pasok, aujourd’hui au pouvoir avec les conservateurs de la Nouvelle-Démocratie. Il était alors retourné sur son île natale, Naxos, dans les Cyclades.

Manolis «l'indigné»
En 2010, il a rejoint les indignés de la place du parlement d'Athènes, participant à plusieurs manifestations (prenant même des coups) contre les plans d'austérité votés en échange des prêts octroyés à la Grèce pour sauver la dette du pays. Aux législatives de juin 2012, il fut élu député du Syriza.
 
A 91 ans, l'éternel combattant au verbe haut, va devoir se rendre à Bruxelles ou Strasbourg. Une tâche difficile pour cet homme qui à cause de ses blessures ne peut plus prendre l'avion. Pas grave, il a déjà noté les horaires de bateaux entre la Grèce et l'Italie, puis ceux des trains vers le nord.
 
Sur les bancs du parlement, il pensera à son frère cadet Nikos mené au peloton d'exécution par les nazis à travers les rues d'Athènes et qui faisait parvenir à sa famille un dernier message griffonné sur son béret lancé en chemin : «Je tombe pour le PEUPLE grec. Peuple était écrit en majuscules, car c'est cette idée qui conduit notre pays: le pouvoir au peuple. Il s'agissait de libérer le peuple et de le mener à l'indépendance», expliquait Glezos.
 
Il ne devrait pas pouvoir l'expliquer directement aux élus européens lors de la séance inaugurale du nouveau Parlement européen. En effet, pour éviter il y a quelques années que Jean-Marie Le Pen s'exprime devant ce parlement, on avait changé les règles. Ce n'est plus le doyen qui ouvre la séance, mais le président sortant. Ce sera donc Martin Schulz, Et non pas Manolis Glezos  


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