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La Grèce sous le choc de la violence du parti d'extrême-droite Aube dorée

Le gouvernement grec a promis d'agir le 19 septembre contre le parti Aube dorée après le choc provoqué par le meurtre, la veille, d'un antifasciste par un militant présumé de cette formation.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Défilé de l'Aube dorée en juin 2012 à Thessalonique avec le drapeau du parti (sorte de croix noire sur fond rouge) et le drapeau "occident" en blanc sur fond noir. (AFP PHOTO / SAKIS MITROLIDIS)

L'Aube dorée n'a jamais hésité à faire usage de la violence. Une violence qui était semble-t-il tolérée par le pouvoir quand elle visait les immigrés. Aujourd'hui, après ce meurtre, le gouvernement Samaras est obligé de hausser le ton.

Revoici un article édité en février 2013, qui décrivait la réalité du parti Aube dorée, crédité de près de 13% de voix dans les sondages.

Les militants d'Aube dorée n'ont jamais caché leur idéologie. Il suffit de voir les défilés de ce parti. Elles montrent souvent des foules, flirtant avec un aspect paramilitaire, marchant, flambeaux et drapeaux grecs à la main.  Partout, les oriflammes du parti claquent au vent. Elles sont rouges avec une sorte de croix noire. Des couleurs de sinistre mémoire.

Ces foules sont composées de militants et de sympathisants du mouvement d'extrême-droite l'Aube dorée, parti politique grec entré au Parlement à la faveur de la crise économique qui impose à la Grèce une austérité sans précédent.

Le parti n'hésite pas à arborer une imagerie rappelant le mouvement nazi (chemises noires, drapeau rouge avec un méandre noir, rappelant le graphisme de la svastika). Des choix qui s'inscrivent dans l'histoire de l'extrême droite grecque et l'histoire du chef de ce parti, Nikolaos Michaloliakos.


Toujours au niveau des références historiques, militants de l'Aube dorée et pro-nazis ont participé aux obsèques, fin janvier 2013, de l'un des derniers responsables du pouvoir militaire des années 67-74. Des slogans datant de la dictature des colonels, comme "Grèce, Grecs, Chrétiens", et d'autres plus récents contre la classe politique, comme "Voyous, traîtres, politiques", accompagnaient la cérémonie.

Dans la crise actuelle, Aube dorée qui a déjà 18 élus (sur 300) à l'Assemblée nationale grecque, pourrait voir son poids augmenter, à en croire les derniers sondages. Aube dorée pourrait devenir le 3e parti du pays qui est touché par la crise, le recul du pouvoir d'achat, les scandales à répétition et un chômage record (26%).

Anti-austérité et anti-immigrés
Le discours anti-austérité, qui a fait le succès du parti aux élections, se double de diatribes anti-immigrés et anti-américaines. L'Aube dorée a fait de l'immigration (la Grèce est le lieu de passage d'un mouvement migratoire qui traverse le pays vers le reste de l'Europe) un de ses chevaux de bataille dans un pays où le chômage ne cesse de grimper.

Ce parti est accusé d'être l'auteur de nombreuses attaques contre des étrangers isolés, des commerces tenus par des non-Grecs, de violences contre des opposants... Dernier exemple en date de ces méthodes : une opération d'intimidation contre un dispensaire athénien de la section grecque de Médecins du Monde, en pointe dans les soins aux migrants.

Aube dorée multiplie les attaques
«Début septembre, des groupes d'hommes en noir ont organisé des opérations de contrôle sur des marchés à Rafina, près d'Athènes. Ils ont demandé leurs papiers aux immigrants avant de saccager leurs stands. "Ils vendaient leurs marchandises au noir. Nous avons donc appelé la police plusieurs fois, mais elle n'est pas venue. Nous étions là pour défendre les autres vendeurs grecs", déclare Marlène Katinopoulou, une attachée parlementaire du parti», racontait  Le Monde.  

Le parti d'extrême droite s'en prend aussi à ses adversaires politiques. Ainsi, «Dimitris Stratoulis, 54 ans, syndicaliste et cadre du Syriza, a dénoncé à la police avoir été battu devant le stade olympique, où il est allé suivre avec son fils un match de football de l'AEK. Au sortir du match, il a été frappé à coups de pied au corps et d'un coup de poing à la tête. Blessé, il a reçu les premiers soins par des médecins de l'infirmerie du stade. Ses agresseurs ont déclaré être membres d'Aube dorée», rapportait, de son côté, l'Humanité fin décembre 2012.


Le parti s'exprime aussi au Parlement, à sa manière. Au cours des mois passés, les membres de ce parti à la discipline militaire ont accusé le ministre de l'Ordre public, qui supervise la police, d'être «un homme des Juifs» et un député musulman d'être un agent des Turcs. «Assieds toi, tu es encore saoule», a lancé en séance le député et porte-parole de ce parti, Ilias Kassidiaris, ancien militaire, à une députée conservatrice lors d'un vote récent.


M. Kassidiaris doit d'ailleurs être jugé pour s'en être pris physiquement à deux autres parlementaires femmes durant une émission télévisée en juin. Il s'est aussi permis de lire en public un passage du célèbre faux antisémite «Les protocoles des sages de Sion», sans être inquiété, ni condamné.

Mais plus finement, le parti d'extrême-droite organise aussi des distributions de nourriture à destination des pauvres, mais exclusivement aux Grecs. Il met aussi sur pied des réseaux d'aide aux habitants, comme l'accompagnement de personnes âgées à la banque ou une banque de sang grec...

Un porte-parole de la branche bavaroise de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution à déclaré au journal allemand Der Spiegel : «Aube Dorée dispose d’un réseau international de contacts et visite régulièrement les néo-nazis bavarois. Ces contacts sont alimentés par des visites mutuelles entre les groupes extrémistes européens et par la participation d’Aube Dorée à l’ensemble des événements d’extrême-droite en Europe », rapporte le journal belge Express. «L’organisation Freies Netz Süd, dont des cadres ont visité le Parlement grec, s’y sont fait photographier avec des membres de Chryssi Avgi (Aube dorée)», précise le site Okeanews.

Réaction en Europe
 «Les crimes racistes qui se multiplient en Grèce ne doivent plus rester impunis. Il est nécessaire que policiers, juges et procureurs connaissent bien, et appliquent, la législation en vigueur contre le racisme, notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par laquelle la Grèce est liée », a déclaré Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l’issue d’une visite de cinq jours en Grèce. Les mots sont forts. 

Il tirait un premier bilan d'une visite de cinq jours centrée sur «les  violences racistes», dont plus de 200 ont été recensées entre octobre 2011 et décembre 2012. Il a également examiné «le rôle de la police», accusée au mieux  d'inertie au pire de collusion. Une accusation sur la police qui reprend une enquête du journal anglais The Guardian mettant en cause une infiltration de l'extrême-droite dans la police. La vidéo (en anglais) est terriblement efficace.


Cette inquiétude européenne, encore discrète, est aussi relayée par Georges Soros qui affirmait sur son site : «Xenophobie et extrêmisme sont les symptomes de sociétés en crise profonde. La crise financière qui se prolonge sur le continent européen provoque une crise des valeurs qui menace l'Union européenne elle-même».

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