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Forum de l'eau en Corée du Sud: l'eau douce victime du changement climatique

La 7e édition du Forum Mondial de l'eau s'ouvre à Daegu en Corée du Sud. 30.000 acteurs du secteur y sont attendus pour faire le bilan des actions en cours en matière d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, d'adaptation aux changements climatiques. Jean-François Donzier, Directeur Général de l’Office international de l'Eau a répondu aux question de Géopolis avant de s'envoler pour la Corée.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Jean-François Donzier, Directeur Général de l'Office international de l'eau. (OIE/Office International de l'Eau)

Quels seront les grands thèmes abordés au cours de cette 7e édition du Forum Mondial de l’eau de Daegu, en Corée du Sud?
Le Forum de Corée traitera des grands enjeux que posent, pour l’accès à l’eau et son partage, la croissance rapide de la population mondiale et sa concentration urbaine qui vont se traduire par des besoins énormes en alimentation et en énergie. C'est-à-dire par une utilisation croissante de l’eau pour les besoins domestiques, mais surtout pour l’irrigation, l’hydroélectricité ou le refroidissement des centrales thermiques et nucléaires…

Le changement climatique entraîne d’ores et déjà des conséquences importantes sur les ressources en eau douce. En particulier, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes que sont les tempêtes, les cyclones, les inondations et les sècheresses. Lesquels imposent rapidement la mise en œuvre de mesures d’adaptation pour contrôler et prévenir ces risques, préserver la ressource et restaurer les écosystèmes au niveau des bassins versants, qu’ils soient nationaux ou transfrontaliers, ainsi que des mesures d’économie d’eau et de contrôle de la demande… Ce sera un des sujets centraux du Forum. L’éducation des populations et la formation professionnelle seront aussi largement abordées et pour la première fois, les apports de la science et de la technologie.
 
2015, l'heure des premiers bilans a sonné en ce qui concerne les Objectifs du Millénaire des Nations Unies. Où en est-on à ce jour en en matière d'eau et d'assainissement dans les pays en développement?
L’eau souillée reste encore et toujours la première cause de mortalité directe et indirecte dans le Monde ! En ce qui concerne l’eau douce, le bilan des Objectifs du Millénaire n’est pas mirobolant et, à l’échéance de 2015 qui était fixée, nous sommes très loin du compte, même si des progrès ont tout de même été réalisés.

En ce qui concerne l’accès à une eau saine, hors les pays de l’OCDE, l’Asie et l’Amérique latine ont progressé, mais l’Afrique reste en retard… Un milliard d’êtres humains n’ont toujours pas d’accès facile à l’eau, sans parler de l’eau vraiment potable qui reste un luxe, dont la moitié de l’Humanité est encore privée.

En matière d’assainissement, la situation reste catastrophique et plus de 85% des rejets humains retournent encore dans les milieux naturels sans aucun traitement ! Quant à l’hygiène, l’objectif de réduire de moitié la population n’ayant pas un assainissement de base, c’est-à-dire seulement des latrines, ne sera pas atteint, sans même parler de l’assainissement collectif des mégalopoles et de leurs quartiers périphériques. C’est un problème majeur.
 
La gestion des bassins versants a en revanche bien progressée dans plus de 80 pays, y compris pour les fleuves et lacs transfrontaliers, en Europe bien sûr, avec l’avancée réelle de la Directive Cadre sur l’Eau, mais aussi en Afrique qui a fait de la gestion des grands fleuves transfrontaliers une réelle priorité politique… Il reste cependant plusieurs «points chauds» à travers le monde. 

Un des enjeux de 2015 sera d’obtenir de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2015, dans le cadre des engagements de RIO+20, le vote d’un Objectif de Développement Durable (ODD) sur les ressources en eau pour la nouvelle période d’après 2015…Ce n’est pas encore tout à fait gagné !
 
Les Palestiniens de Gaza ont un accès limité à l'eau potable: 250 mètres cubes par habitant et par an (la norme étant 1000), selon la Banque Mondiale. (AFP/Abbas Momani)

La ressource en eau, vous venez de le dire, est menacée par le réchauffement climatique. En quoi la conférence sur le climat (Cop 21) qui se tiendra fin décembre à Paris représente-t-elle un rendez vous crucial?
L’eau douce est la première des victimes du changement climatique ! Les effets sur les ressources disponibles et sur les risques sont déjà visibles – sécheresse en Californie, pénurie d’eau à Sao Paolo – et s’exacerberont d’ici à deux ou trois décennies. C’est-à-dire bien avant que les bénéfices de la réduction des gaz à effet de serre ne soient visibles pour assurer un contrôle du réchauffement, comme tout le monde l’espère comme résultat de la Conférence «Paris Climat» de décembre 2015.

Il est indispensable non seulement de réduire les émissions de gaz pour limiter le réchauffement, mais aussi très vite de lancer d’ambitieux programmes d’adaptation au changement climatique en particulier dans le secteur de l’eau. Cela supposera des réformes dans beaucoup de pays, mais surtout la mobilisation de budgets très importants qui devront être trouvés tant localement que dans le cadre de la coopération. L’eau doit être en tous les cas une priorité du «Fonds Vert des Nations Unies» en cours de constitution.

D’ores et déjà, l’Union Européenne a décidé d’intégrer dans les nouveaux Plans de Gestion de Bassin (PGB) en cours de préparation pour la période 2016 à 2021 des mesures d’urgence d’adaptation des ressources en eau aux effets du changement climatique. Cela passe notamment par la lutte contre les inondations et la prévention des pénuries, par l’introduction de Mesures Naturelles de Rétention d’Eau (MNRE) et de protection des écosystèmes aquatiques. Mais aussi par la lutte contre les fuites et les gaspillages et la réutilisation des eaux usées épurées. L’Europe est en pointe dans ce domaine.
 

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