Voiture, train, avion... Petit tour d'Europe des gouvernements "normaux"
Depuis leur arrivée aux affaires, François Hollande et le gouvernement Ayrault s'emploient à se déplacer de la manière la moins onéreuse possible. Qu'en est-il dans les autres pays de l'UE ?
Préférer la voiture à l'avion, faire comme tout le monde, montrer qu'il est "normal". Voilà le credo de François Hollande, qui a pourtant commis, mercredi 6 juin, un écart de conduite sur la voie de la normalité. Son véhicule aurait roulé pendant de nombreux kilomètres à plus de 160 km/h sur une autoroute, alors qu'il se rendait à Caen (Calvados) pour commémorer le débarquement du 6 juin 1944. Le nouveau chef d'Etat avait déjà provoqué les railleries de la droite en se rendant à Bruxelles en train, le 23 mai, accompagné du Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy. En première classe, mais dans un compartiment qui ne lui était pas réservé.
Le gouvernement Ayrault se soumet lui aussi à une cure de sobriété : ses membres ont dû signer, lors du premier Conseil des ministres, une charte déontologique qui les encourage notamment à préférer "le train pour les déplacements d’une durée inférieure à trois heures". L'exécutif français est-il le seul à vouloir la jouer modeste en matière de déplacement ? Petit tour d'horizon non exhaustif chez nos principaux voisins européens.
En Italie, on choisit l'avion, mais dans la transparence
Peu avant l'arrivée aux affaires de Mario Monti, le gouvernement Berlusconi – loin de se montrer exemplaire jusque là – a publié un décret (lien en italien) pour limiter l'usage de l'avion. Celui-ci indique que "les vols d'Etat doivent être limités au président de la République, aux présidents de la Chambre des députés et du Sénat, au président du Conseil et au président de la Cour constitutionnelle". Des exceptions peuvent exister, mais elles doivent être spécialement autorisées et publiées sur le site internet du gouvernement.
Une fois investi, Monti avait par ailleurs annoncé que le nombre de vols aux frais du contribuable diminuerait de 92 %, et que les ministres seraient invités à préférer le train ou les avions de ligne, notamment pour les trajets vers Bruxelles. "C'est une attitude qui est évidemment liée à la crise, explique Alberto Romagnoli, correspondant de la RAI à Paris. Il faut se souvenir que Mario Monti avait renoncé à son salaire de chef de gouvernement lors de son entrée en fonction."
Mais dans les faits, même si les vols sont soigneusement consignés sur le site du gouvernement et que les journalistes qui suivent les visites d'Etat doivent désormais payer leur billet, les ministres de Monti restent friands d'avion : en mai, 43 vols ont été consignés (fichier PDF), y compris pour Bruxelles.
Au Royaume-Uni aussi, on se serre la ceinture
De l'autre côté de la Manche, l'exécutif tente également de ne pas verser dans l'ostentatoire. "Comme un peu partout en Europe depuis dix ans, les moyens ont été réduits", explique à FTVi Charles Bremner, correspondant à Paris de The Times. "Le Premier ministre a à sa disposition des avions de l'armée de l'air, mais lorsqu'il le peut, il voyage en avion de ligne, en réservant plusieurs rangées en classe affaires".
Le gouvernement est également concerné par les mesures de modération budgétaire : "lors des voyages officiels, toutes les personnes qui accompagnent les ministres doivent payer leur billet d'avion de leur poche", continue Bremner. "Et lorsque cela est possible, les membres du gouvernement se déplacent en train ou en voiture". Même traitement ou presque pour la famille royale : le yacht royal Britannia a été transformé en musée en 1997 pour raisons budgétaires, et le budget alloué à l'entretien du train royal a été divisé par trois il y a 35 ans.
David Cameron est également capable de "coups d'éclats de normalité" particulièrement médiatiques. Le Premier ministre britannique s'est ainsi envolé pour l'Espagne à bord d'un avion de la compagnie low cost Ryanair, en avril 2011, pour célébrer le quarantième anniversaire de sa compagne.
En Allemagne, le souci constant de la modération
Outre-Rhin, on ne plaisante pas avec l'argent du contribuable. En matière de déplacements de membres du gouvernement, le souci d'économie est permanent, et le moindre écart peut créer la polémique. Ulla Schmidt, ancienne ministre de la Santé du gouvernement Merkel, en sait quelque chose. Fin juillet 2009, elle s'est retrouvée au cœur d'un scandale après que sa voiture de fonction a été volée sur son lieu de vacances, en Espagne.
Même si son cabinet avait alors assuré que la ministre remplissait également des obligations professionnelles dans les environs, la consommation de 700 litres d'essence aux frais de l'Etat avait fait bondir la fédération des contribuables. Acculée, Ulla Schmidt avait été contrainte de payer de sa poche ses frais de déplacements et n'avait pas été reconduite dans ses fonctions en octobre 2009.
De manière générale, la chancellerie allemande la joue modeste lorsqu'il s'agit de voyages d'Etat. Dans l'émission "Complément d'enquête", diffusée sur France 2 le 1er mars dernier, on apprenait ainsi qu'en 2011, le budget consacré aux déplacements d'Angela Merkel était au total de 1,115 million d'euros, quand celui de la présidence française atteignait... 6 millions d'euros.
"On verra si Hollande continue à prendre le train après les législatives !"
Pourtant, la normalité affichée par le président Hollande amuse en tout cas les journalistes de la presse étrangère. "Ça fonctionne bien comme gadget pour impressionner le public avant les législatives, mais il faudra voir après, sourit le journaliste de The Times, Charles Bremner. Quand Chirac a été élu en 1995, je me souviens qu'il avait demandé aux ministres de respecter le Code de la route et de s'arrêter aux feu rouges. Cela n'avait duré qu'une semaine !"
Même son de cloche en Italie. "Pour moi c'est un coup de com', lâche le journaliste Alberto Romagnoli. Hollande est un professionnel, il a saisi l'esprit de l'époque. Mais je pense que ça ne durera que jusqu'aux élections législatives. Après, il arrêtera."
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