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Vivre sans cash : le casse-tête quotidien des Grecs

En Grèce, les banques devraient rouvrir lundi. Cela veut dire que les Grecs pourront de nouveau faire leurs opérations au guichet mais qu’ils ne pourront toujours pas retirer plus de 60 euros par carte bancaire et par jour dans les distributeurs automatiques, car les capitaux restent sous contrôle.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Une file d'attente devant une banque à Athènes © Maxppp)

En Grèce on a l’habitude de payer beaucoup de choses en argent liquide. La vie sans cash est donc en train de devenir un vrai sport. Première épreuve : retirer ses 60 euros quotidiens. Ou plutôt 50, les billets de 10 et 20 euros ont quasiment disparu des distributeurs… "Je n’ai jamais eu des billets de 20, que des billets de 50… C’est pas pratique, pour la monnaie", raconte une Grecque. "Ce matin, j’en ai fait trois qui étaient vides… J'ai dû marcher dans le centre-ville pour en trouver ". "On ne dépense pas 50 euros par jour mais c’est quand même mieux d’avoir un peu de réserve, au cas où ", dit une jeune fille, rencontrée dans la rue.

Système D

Pour limiter le casse-tête, une application a été lancée sur Athènes il y a quelques jours. Elle géolocalise les distributeurs autour de vous, et selon ce qu’ont déclaré d’autres utilisateurs, vous pouvez voir s’il reste encore de l’argent et quels types de coupures.

En revanche, ces restrictions ne touchent pas les cartes bleues étrangères. Les retraits touristes ne sont donc soumis à aucun plafond.

"Tout le monde va retirer ! Moi, mon mari, nos parents… On a aussi demandé à nos grands-parents"

Payer des grosses sommes sans cash, c'est l'un des problèmes en ce moment. Elena se marie samedi prochain. 300 invités et un traiteur qui ne voulait pas de virement bancaire, seulement du cash : "I l disait que les comptes en banque allaient être touchés, qu’il risquait de perdre de l’argent. Enfin bon, il n'avait surtout pas envie de le déclarer !   Du coup, on lui a fait un virement de 5.500 euros, et le reste, les 1.500, on va lui verser en liquide…Tout le monde va retirer ! Moi, mon mari, nos parents… On a aussi demandé à nos grands-parents. En cumulant tout ça, en trois ou quatre jours, on devrait y arriver ".

Eléna a aussi enregistré pas mal de désistements ; des familles qui jugent trop compliqué de voyager avec des enfants si elles n’ont pas assez d’argent liquide. 

Alors dans ces conditions, compliqué pour les Grecs de voyager. Leurs cartes bleues sont bloquées à l’étranger, ils ne peuvent pas retirer. Plusieurs Athéniens rencontrés cette semaine disent carrément faire une croix sur leurs vacances. C'est le cas de Kallia. Elle avait choisi l’Italie en août avec ses copains, mais ils ont finalement décidé de ne pas partir. "On peut emmener du liquide ; mais qui nous dit qu’à notre retour, en septembre, ça ira mieux ? Et puis je ne veux pas faire comme ces touristes qui se sont retrouvés à l’autre bout du monde sans cash et sans carte de crédit. Non, je préfère ne pas prendre de vacances cet été et me sentir 'un peu' plus rassurée sur le long terme. Enfin rassurée… pour moi, le grexit, ça reste une possibilité ".

Insécurité financière et défiance

L’insécurité financière et psychologique est permanente, très inconfortable, comme l’a découvert Irène, qui est revenue de Genève pour les vacances : "Je n'ai pas paniqué mais j'étais vraiment triste. Ça fait deux semaines que je n'avais pas envie de manger. Ça change ta vie, même si ne te veux pas, même si tu veux rester logique et calme ".

D'ailleurs, la réouverture annoncée des banques lundi prochain a suscité plus de méfiance que d’enthousiasme. Alors pour se rassurer, certains mettent leur argent à l'étranger, une pratique très courante, en toute légalité. Avant d’être au chômage, Andreas Diamantis était cadre dans la banque. En 2012, il a transféré tout son patrimoine en Angleterre : 350.000 euros qu’il va laisser là-bas bien au chaud, encore un petit moment…

"Personne n’est sûr de récupérer tout ce qu’il avait déposé ! Alors mon argent, je le laisse en Angleterre… et j’attends"

"Ce qui me fait peur, c’est qu’on en est toujours au même point. Alors que nos banques ont eu droit à plusieurs plans de sauvetage. Moi, je n’exclus pas du tout qu’il y ait des ponctions sur les comptes des particuliers. Personne n’est sûr de récupérer tout ce qu’il avait déposé ! Alors mon argent, moi, je le laisse en Angleterre… et j’attends ".

Faire revenir la confiance, c’est ce que dit Achileas Milonopoulos, du Syndicat des employés de banques. "Pour l’instant, le plus gros problème, c’est que les gens ne dépensent pas. Ils ont peur qu’on leur dise la semaine prochaine que ce n’est plus 50 mais 40 ou 20 euros maximum qu’ils pourront retirer au distributeur. Ils gardent leur argent… Et ça tue l’activité ".

Une question de génération aussi. Les plus âgés, qui en ont vu d’autres, sont beaucoup moins crispés que les jeunes sur la question.

Grèce : la vie sans cash | Un reportage de Isabelle Labeyrie

 

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