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Visée par des attaques, l'Allemagne n'envisage pas d'état d'urgence

L'Allemagne a été frappée par plusieurs attaques, dont certaines revendiquées par le groupe Etat islamique. De quoi relancer, outre-Rhin, le débat sur la sécurité.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des membres d'élite de la police nationale interviennent à Ansbach (Bavière), après un attentat-suicide, le 25 juillet 2016. (SDMG / FRIEBE / DPA / AFP)

Avec une attaque à la hache dans un train, une fusillade à Munich et un kamikaze à Ansbach, l'Allemagne a subi trois attaques en une semaine, dont deux revendiquées par le groupe Etat islamique. De nouvelles mesures ont été annoncées, lundi 25 juillet, afin de renforcer les effectifs de police dans les rues et les contrôles dans les gares, aux aéroports et aux frontières. L'Allemagne va-t-elle se convertir au sécuritaire ? "Ce sont des sujets qui risquent d'animer les prochains mois dans l'optique de la présidentielle et des élections fédérales en 2017", analyse David Capitant, professeur de droit public à la Sorbonne, contacté par francetv info.

Un débat sur le recours à l'armée

C'est la question qui agite la classe politique depuis la fusillade de Munich. Faut-il ou non recourir à l'armée lors d'éventuelles attaques et fusillades ? En théorie, la loi fondamentale autorise un Land à solliciter l'armée "dans des cas particulièrement importants" (art. 35) afin d'épauler la police. La ministre de la Défense, Ursula von der Leyen (CSU), a d'ailleurs étudié ce recours pendant la fusillade de Munich, sans toutefois l'adopter : c'est le GSG 9 – une unité d'élite de la police fédérale – qui est intervenu. Bref, pas de treillis à l'horizon.

Mais certains responsables politiques veulent des soldats. "Nous ne sommes plus sous la République de Weimar", estime le ministre de l'Intérieur bavarois, Joachim Hermann, interrogé dans Die Welt (en allemand), en référence au régime établi après la Première Guerre mondiale et souvent critiqué pour sa faiblesse. Idem chez le ministre de l'Intérieur du Bade-Wurtemberg, Thomas Strobl, cité par le Stuttgarter Zeitung : "Dans les situations terroristes de grande échelle, nous devons solliciter la Bundeswehr [l'armée fédérale] dans le respect de la loi fondamentale et sous le commandement de la police." Au sein du parti CDU au pouvoir, toutefois, certains réclament d'abord un amendement, comme le patron des députés, Daniel Günther, cité par l'agence DPA.

La question est sensible en Allemagne. La secrétaire générale du SPD [le parti social-démocrate], Katarina Barley, a très vite réagi, après la fusillade, en dénonçant "ceux qui utilisent cette tragédie pour appeler à davantage de surveillance, de barrières et de militaires pour instrumentaliser les victimes".

Un "état de crise intérieure" dans la Constitution

L'Allemagne ne semble pas prête à suivre la France, qui entame son neuvième mois consécutif d'état d'urgence. "Il y a d'abord des raisons historiques, résume David Capitant. La République de Weimar avait développé des mécanismes qui ont concentré les pouvoirs entre les mains du président, explique-t-il. Et avait sans doute facilité l'arrivée au pouvoir du parti nazi. [Aujourd'hui,] la tradition publique de l'Allemagne, c'est de limiter les pouvoirs, pas de les concentrer."

Etat de tension, état de défense, état de catastrophe... La loi fondamentale allemande évoque plusieurs réponses à une agression. Mais "la législation allemande n'a pas de mécanisme similaire à l'état d'urgence", souligne David Capitant. Parmi eux, "l'état de crise intérieure ("Innerer Notstand") est celui qui s'approche le plus de l'état d'urgence français, sans permettre autant de choses, toutefois". Décrit par les articles 87 et 91 de la loi fondamentale, il vise à "écarter un danger menaçant l'existence ou l'ordre constitutionnel libéral et démocratique de la Fédération ou d'un Land".

Pour l'heure, ces dispositions n'ont pas fait l'objet d'une loi et les règles sont donc succintes et générales. "Il s'agit surtout d'une réorganisation des pouvoirs, précise le professeur de droit public. Chaque Land est responsable de ses forces de police et la police fédérale est essentiellement chargée du contrôle des frontières. "En cas de crise intérieure, la fédération peut mettre à disposition des Lander le corps de protection des frontières. Un Land peut mettre également des policiers à la disposition d'autres Lander." Ce qui est d'ailleurs arrivé ces derniers jours.

Aucun projet de loi ne vise à limiter les droits

Par ailleurs, la loi fondamentale autorise quelques restrictions des droits fondamentaux dans le secret de la correspondance, de la poste et des télécommunications (art. 10) ainsi que dans la liberté de circulation et d'établissement (art. 11). Mais, pour l'heure, aucun projet de loi n'a été déposé en ce sens, ni même évoqué.

Courantes en France, les perquisitions administratives et les assignations à résidence ne semblent pas d'actualité outre-Rhin. "Il y a là-bas une tradition de respect des libertés, un culte du pouvoir d'Etat moins développé qu'en France, poursuit David Capitant. L'opinion publique allemande n'est pas encore mûre [pour un état d'urgence à l'allemande]. Mais il faudra voir la composition du Parlement après les prochaines élections."

Les prochains mois seront capitaux. Le gouvernement fédéral songe éventuellement à des réservistes, tandis que des voix réclament un durcissement du contrôle des armes, pourtant l'un des plus stricts d'Europe. Dans la presse, des appels à l'unité sont lancés. "Les auteurs de tels actes veulent que la société devienne hystérique, résume ainsi le sociologue Harald Welzer, dans le BZ (en allemand). Ils veulent empêcher notre mode de vie. Si nous limitons nos libertés, cela va les attirer plutôt que les décourager." Confrontés au même défi, Paris et Berlin composent avec leurs cultures respectives.

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