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Une nouvelle vague d'opposants s'élève contre le pouvoir en Russie

Regroupement disparate de libéraux, de militants des partis d'extrême gauche, d'associations pour les droits de l'homme ou anti-corruption, les manifestants se rassemblent pour protester contre les fraudes électorales.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un policier arrête un jeune homme qui manifestait sur la place Triumphalnaïa, à Moscou, le 7 décembre. (ILIYA PITALEV/AFP)

Depuis l'annonce lundi de la victoire du parti de Vladimir Poutine, Russie unie, aux élections législatives, les protestataires ont envahi les rues en Russsie. Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés dans plusieurs grandes villes du pays samedi 10 décembre. Regroupement disparate de libéraux, de militants des partis d'extrême gauche, d'associations pour les droits de l'homme ou anti-corruption, les manifestants s'accordent sur la volonté de demander l'annulation des élections législatives.

Près d'une semaine après le vote, la mobilisation ne faiblit pas. Retour en quatre actes sur la semaine qui a fait trembler le Kremlin. 

Acte 1 : des accusations de fraude 

Officiellement, Russie unie a obtenu un peu moins de 50 % des suffrages, soit une chute de près de 15 points par rapport aux législatives de 2007. Certes, il s'agit d'un revers pour le Premier ministre qui compte revenir au Kremlin en 2012, mais son parti reste le mieux représenté à la Douma, avec 238 sièges sur 450.

Dans un rapport préliminaire (lien en anglais) publié au lendemain du vote, lundi 5 décembre, les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont fait état de multiples fraudes. "La qualité du processus électoral s'est considérablement détériorée pendant le décompte des voix, lequel s'est caractérisé par de fréquentes violations de procédure et d'apparentes manipulations, dont plusieurs bourrages d'urnes rapportés", écrivent les observateurs. 

A la télévision publique Rossia 24, les présentateurs donnent des résultats issus de la très officielle Commission électorale centrale. La fraude saute aux yeux, rapporte le quotidien Le Monde mardi. "Pour Rostov, une province du sud de la Russie, le panneau informatif donne le décompte des voix pour les sept partis en lice avec un total de... 146,37 % ; 115 % pour Sverdlovsk, 129 % à Voronej, etc.." Interrogé par le quotidien, un journaliste russe explique que "des voix ont sans doute été rajoutées à Russie unie mais on a oublié de les enlever aux autres partis."

Acte 2 : l'opposition s'affirme sur internet

L'ONG l'Observateur citoyen affirme sur son site internet que le score réel de Russie unie n'excède pas 30 %. L'organisation de lutte pour les droits de l'homme Golos (qui veut dire "la voix" en russe) a réalisé une cartographie de la fraude mise en ligne sur le site d'information indépendant Gazeta (lien en russe).

Depuis le début de la semaine, des vidéos circulent sur internet et affirment apporter la preuve par l'image de ces fraudes présumées. Elles illustrent différents procédés de tricherie, détaillés sur le site des Observateurs de France24. La vidéo (en russe) qui suit montrerait un directeur de bureau de vote en train de falsifier des bulletins. 

Les réseaux sociaux se font naturellement l'écho de la contestation. Sur Facebook, l'appel à manifester samedi du parti libéral d'opposition Solidarnost a déjà rassemblé virtuellement 33 000 personnes. Son équivalent russe, Vkontakte, refuserait même d'obtempérer quand les autorités lui demandent de fermer les groupes d'opposition, rapporte le site GlobalVoices qui traduit et contextualise l'activité des blogueurs à travers le monde.

Dans un e-mail adressé au blogueur Edvvvard, initiateur d'un groupe contre la corruption, le patron du site lui assure qu' "il y a peu de temps le service de sécurité fédéral (FSB [ex-KGB]) nous a demandé de fermer les groupes d'opposants comme le vôtre." Et poursuit : "Par principe, on ne fait pas ça. Nous ne savons pas encore comment ça va se terminer pour nous, mais nous resterons sur notre position", rapporte GlobalVoices.

Acte 3 : les opposants se mobilisent dans la rue

Depuis lundi, les autorités ont arrêté quelque 1 600 personnes à Moscou et Saint-Pétersbourg au cours de rassemblements, dont seul celui de mardi dans la capitale était autorisé.

Parmi les opposants interpellés figure le leader de l'opposition libérale Boris Nemtsov. Cofondateur du parti Solidarnost et ancien ministre de l'Energie sous Boris Eltsine, il a été interpellé sur la place Triumfalnaïa et emmené devant les caméras.

Le même jour, l'un des leaders du mouvement Solidarnost, Ilia Iachine, le caricaturiste Iegor Jgoun et le blogueur anticorruption Alexeï Navalny ont été condamnés à quinze jours de prison pour "refus d'obtempérer aux injonctions de représentants de la force publique" lors de la manifestation de la veille. Après son interpellation, Alexei Navalny se photographie avec des manifestants, depuis le fourgon de police, rapporte Globalvoices. Il tweete le cliché, devenu trophée.

Des militants russes se prennent en photo à l'issue d'un rassemblement de l'opposition le 5 décembre à Moscou. (CAPTURE D'ECRAN)

Acte 4 : le pouvoir contre-attaque

Du coté du Kremlin, le président Dimitri Medvedev a d'abord vanté l'exemplarité du scrutin avant d'appeler jeudi à un examen soigneux des soupçons d'irrégularités. En visite diplomatique à Prague, il a déclaré que "l'essentiel c'est que tout le monde se calme et que le nouveau parlement puisse travailler."

Selon Vladimir Poutine, les activistes, Observateur citoyen et Golos en ligne de mire, sont largement "financés par l'étranger", notamment par le département d'Etat américain, a-t-il accusé jeudi. Il a dénoncé le versement de "centaines de millions de dollars" de fonds étrangers "dans les activités politiques [du] pays".

Il a par ailleurs souligné que les manifestants ont le droit de faire entendre leur voix mais "dans le cadre de la loi". D'ailleurs, les "Nachi", les militants pro-Kremlin, étaient plusieurs miliers dans les rues de Moscou mardi pour contrer les opposants. Samedi, ils doivent vraisemblablement manifester.

Quant aux plus jeunes, ils seront à l'école. Selon des enseignants russes, les élèves des lycées de Moscou ont été convoqués samedi pour un examen de russe imprévu, à l'heure où doit avoir lieu la manifestation.

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