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Un programme commun entre UMP et droite allemande ? Les eurodéputés sceptiques

A chaque sommet de crise, la convergence entre Paris et Berlin est une des solutions avancées pour faire progresser l'Europe. L'UMP envisage ainsi des propositions communes avec la CDU. Mais qu'en pensent les eurodéputés des deux pays ? 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La chancelière allemande et le président de la République française sur le perron de l'Elysée, à Paris, le 5 décembre 2011.  (CHARLES PLATIAU / REUTERS)

"Convergence entre les modèles français et allemand""programme commun", tout est bon pour mettre en avant le couple franco-allemand. Interrogé sur France info le 28 octobre, Bruno Le Maire, en charge du projet UMP, a même annoncé qu'une partie des propositions économiques de la majorité seraient élaborées "en liaison" avec la CDU, le parti conservateur d'Angela Merkel. Une "première".

A l'occasion du congrès du Parti populaire européen (PPE, la droite européenne) à Marseille les 7 et 8 décembre 2001, FTVi a demandé à des eurodéputés des deux rives du Rhin ce qu'ils pensaient d'un tel projet. 

Une bonne idée... sur le principe

"Convergence, vous voulez dire comme quand les choses se rejoignent ?", plaisante d'abord Jean-Paul Gauzès, eurodéputé français du parti populaire européen. Puis le membre de la commission des affaires économiques reprend son sérieux : "c'est indispensable." 

Après avoir reconnu que personne n'en parlait outre-Rhin, ses homologues allemands Andreas Schwab et Elmar Brok, saluent en chœur, "une bonne idée", "quelque chose de très positif". Le premier voit même dans cette volonté d'aligner les pays européens une "marche vers le succès". Et d'estimer : "La démarche de Nicolas Sarkozy d'aller chercher les atouts de l'Allemagne est une très bonne idée. Malheureusement, l'Allemagne n'a pas encore vraiment le réflexe de regarder ce qu'il y a de bien chez les autres", déplore l'eurodéputé. Et il n'y a pas que sur ce point que le projet bute. 

"Un exercice intellectuel" 

C'est surtout dans les détails que ça coince. Pour Bruno Le Maire, il s'agit avant tout de questions liées "à la compétitivité, à l'industrie ou aux PME". "On peut tomber d'accord sur la fiscalité de l'entreprise, concède Jean-Paul Gauzès, mais ça oblige aussi à dépasser certains égoïsmes nationaux." "Par exemple, les Allemands sont très frileux pour dévoiler la comptabilité de leurs entreprises", explique ce pilier de la coopération franco-allemande. "Même au niveau du Parlement européen, on a du mal à obtenir certains chiffres"… alors les partager avec l'UMP !

La droite française veut voter un "Small Business act" européen qui réserverait certains marchés publics aux PME de l'UE ? Oui, "mais ça ne règlera pas tout", prévient Andreas Schwab, pour qui la France doit surtout "améliorer la flexibilité du marché du travail et sa façon de taxer ces entreprises."  

De son côté, Elmar Brok estime que pour la politique industrielle, Paris pourrait davantage poursuivre la décentralisation, "faire plus confiance à ses régions". Avant de reconnaître que ce projet commun "est plutôt un exercice intellectuel, on verra ensuite comment passer à l'action concrète"

"Un changement de mentalité"

Parce qu'il y a aussi les choix français dont Berlin pourrait s'inspirer. "Le salaire minimum et la politique familiale", suggère Bruno Le Maire. Sur le premier point, Andreas Schwab reconnaît que le débat s'installe en Allemagne et que l'idée fait son chemin. 

Quant à la politique familiale, là "il faut carrément changer les mentalités", prévient Jean-Paul Gauzès. Même si les choses évoluent, il rappelle que nos voisins "ne sont pas habitués aux familles nombreuses et n'aiment pas non plus l'idée que les mères de famille travaillent".

"Vous avez trente ans d'avance sur la question", concède Elmar Brok. Mais là encore, la question du financement pose problème, quand la France ne se base que sur le travail via les cotisations salariales alors que l'Allemagne opte pour des prélèvements plus répartis. Comment trancher ?

Un couple franco-allemand fragilisé

Plus qu'une convergence, les eurodéputés envisagent d'aller chercher ce qui se fait de mieux de chaque côté. "Il ne faut pas mélanger les fromages français et les fromages allemands, ce ne serait pas très bon. Il vaudrait mieux prendre les fromages français et le pain allemand par exemple", imagine Andreas Schwab. 

"Mon sentiment, c'est qu'on est plus demandeurs que les Allemands", analyse Jean-Paul Gauzès, qui ne voit pas bien ce que Berlin pourrait lorgner dans "un pays qui s'essouffle". D'autant plus qu'il s'agit de ne pas envenimer les choses. "Il ne faut pas qu'on s'en serve pour dire : 's'il y a une hausse des taxes en France, c'est à cause de l'Allemagne' ", redoute Andreas Schwab. 

Parce que l'autre point sur lequel les trois eurodéputés s'accordent à l'unisson, c'est que l'amitié franco-allemande, "ce n'est plus ce que c'était". Selon eux, les opinions publiques sont plus réticentes et les relations "moins chaleureuses"

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