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Trois questions sur la "clause Molière" qui fait tant parler sur les chantiers

Cette mesure, déjà adoptée par plusieurs régions, impose l'usage du français sur les chantiers publics. Mais sa légalité fait débat. Le ministère de l'Économie et des Finances s'est saisi de l'affaire.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Des travailleurs sur un chantier à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 10 janvier 2017. (LOIC VENANCE / AFP)

Quand on transporte du ciment ou que l'on construit un mur, est-il important de parler le français ? Dans certaines régions de France, la réponse est oui : plusieurs exécutifs (de droite) ont adopté une mesure qui oblige les ouvriers à échanger en français sur les chantiers issus d’appels d’offres publics. Mais cette "clause Molière", comme elle est surnommée, suscite beaucoup de questions. Certains évoquent une mesure discriminatoire, voire illégale. Franceinfo vous résume la polémique en trois points.

Qu’est-ce que la clause Molière ?

C'est la ville d'Angoulême (Charente) qui est à l’origine de cette règle, rappelle Le Monde. Vincent You, l'adjoint au maire Les Républicains de la ville, a introduit ce dispositif en mars 2016 dans ses règles de passation de marchés publics. En cas d'ouvriers non francophones, cette mesure rend obligatoire la présence d'un interprète aux frais de l'entrepreneur. C'est une manière "de lutter contre les entreprises qui cassent les prix en allant chercher des travailleurs détachés sans que ces salariés cotisent à la Sécurité sociale", expliquait l'élu. 

En clair, en imposant la maîtrise du français sur les chantiers publics, cette clause est censée protéger les entreprises françaises du dumping social. Sur 1,92 million de travailleurs détachés dans l'Union européenne, 40% travaillent en effet dans le secteur de la construction.

Certains défenseurs de cette clause mettent aussi en avant la question de la sécurité. "Dans le bâtiment, on a des normes, on a des règles de construction, on travaille avec des plans d'exécution, et, derrière tout ça, il y a la sécurité de ceux qui travaillent, estime ainsi Patrick Liébus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), interrogé par franceinfo. Pour les personnes qui ne parlent pas français sur le chantier, c'est problématique."

Quelles régions ont déjà adopté cette clause ?

A ce jour, cinq régions ont adopté cette mesure. Les Pays de la Loire et les Hauts-de-France ont été les premières à faire voter la clause Molière, en avril 2016. La Normandie a suivi en novembre, l'Auvergne-Rhône-Alpes en décembre, et enfin l'Ile-de-France, jeudi 9 mars. "Bien loin des caricatures dans lesquelles certains voudraient nous enfermer, c'est une condition sine qua non pour la sécurité des travailleurs sur les chantiers", s'est justifiée sa présidente (LR), Valérie Pécresse.

A ce jour, cette clause est également en vigueur dans le département de la Charente et dans les villes de Bourges (Cher) et de Vienne (Isère).

Pourquoi est-elle contestée ?

Au conseil régional d'Ile-de-France, l'opposition dénonce une clause discriminatoire. Pour les élus Front de gauche, qui ont voté contre ce dispositif, il s'agit d'une "tentative d'imposer la préférence nationale".

Les autorités s'inquiètent aussi de cette mesure. Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a par exemple adressé un "recours gracieux" au président (LR) de l'exécutif local, Laurent Wauquiez, pour qu'il modifie ou supprime cette clause "susceptible de créer une discrimination fondée sur la nationalité des entreprises candidates" : "C’est une question d’application de la loi, cette délibération est non conforme aux textes européens", souligne le préfet. 

Le dossier est désormais entre les mains du ministre de l'Économie et des Finances. Inquiet de possibles dérives protectionnistes, Michel Sapin a saisi sa direction des affaires juridiques, vendredi 10 mars, pour qu'elle se penche sur la légalité de cette clause, rapporte l'agence Reuters. "Ce sont des mesures racistes, discriminatoires et inapplicables", affirme-t-on dans les couloirs de Bercy. Des conclusions sont attendues dans les prochains jours.

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