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TPIY:Florence Hartmann, les raisons d'une arrestation

Florence Hartmann, ancienne porte-parole de la procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été arrêtée et incarcérée le 25 mars 2016 à La Haye. Le jour même et sur les lieux mêmes où Radovan Karadzic était déclaré coupable de génocide. Cette arrestation a soulevé l’indignation. Elle a été libéré après quatre jours de détention.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le 25 mars 2016 à La Haye, des gardes du TPIY, avec l'aide de la police néerlandaise interpellent Florence Hartmann. (Robin Van Lonkhuusen)

Qu’une personne condamnée par la justice soit poursuivie par tous les moyens pour purger sa peine, il n’y a rien de très scandaleux là dedans. Pourquoi, dans ce cas, y a-t-il une telle levée de boucliers dans l’affaire Hartmann ? L’essence même du TPIY, super-juridiction, en est sans doute la cause.
 
Florence Hartmann a, dans un livre publié en 2007, Paix et châtiment, sérieusement mis en cause, au moins la compétence, au pire l’impartialité, du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Comme le relate en 2011 l’hebdomadaire Le Point, «ce sont surtout les pages 118 à 122 qui attirent les foudres des juges du TPIY. Cette observatrice privilégiée y accuse les magistrats d'avoir empêché, à la demande de Belgrade, la communication de documents compromettants à la Cour internationale de justice qui devait juger l'État serbe pour agression et génocide en Bosnie.»
 
«Outrage au Tribunal»
Florence Hartmann n’y va pas avec le dos de la cuillère. «Ils se sont faits complices d’un mensonge», affirme la journaliste. Elle connait bien la situation localement. Elle a été correspondante du journal Le Monde dans la région. Elle connait aussi très bien le TPIY. La journaliste a été pendant six ans la porte-parole de la procureure Carla Del Ponte. Toutes ces révélations, évidemment, ne passent pas bien à La Haye.
 
En 2009, le tribunal condamne Florence Hartmann à 7000 euros d’amende pour «outrage au tribunal». Une amende confirmée en appel, toujours par les mêmes juges, en 2011. Mais Florence Hartmann refuse de payer, et cette amende est commuée en une peine de sept jours de prison.
 
Un mandat d’arrêt est lancé à son encontre. Les juges «ordonnent» à la France d’arrêter sa ressortissante, ce que Paris refuse. Et, depuis 2011, Florence Hartmann vit sans trop de mal ni de difficultés avec ce mandat d’arrêt au dessus de la tête, se rendant même plusieurs fois aux Pays-Bas.
 
Que cela plaise ou non, la Française est en fuite. Si le TPIY ne veut pas se ridiculiser, il faut que son jugement soit appliqué. Qu’importe s’il condamne une femme qui a œuvré pour faire comparaitre les criminels de guerre du conflit yougoslave.
Curieusement, le tribunal a choisi le jour de l’énoncé du jugement de Radovan Karadzic pour interpeller Florence Hartmann. Dans quel but ? Montrer peut-être qu’il n’y a pas deux poids et deux mesures.
 
Le TPIY à la fois juge et partie
«Cette arrestation est absurde, scandaleuse et sans fondement juridique sérieux», tonne Bernard-Henry Lévy dans son blog. Pas si sûr. Dans ses statuts, le TPIY présente en détail la notion d’outrage qui a valu à Florence Hartmann d’être poursuivie.
 
«Le Tribunal peut engager des poursuites pour outrage dès lors qu’il existe des raisons de croire qu’une personne entrave délibérément et sciemment le cours de la justice. Peut ainsi être poursuivie pour outrage notamment toute personne( …)qui divulgue des documents confidentiels du Tribunal ou qui enfreint des mesures de protection.»
L’acte d’accusation contre la journaliste rentre précisément dans cette appréciation.
 
Règlement de comptes ?
Pour sa défense, Florence Hartmann parle de vendetta. Les juges n’ont pas apprécié d’être pointés du doigt, accusés de complicités. La détermination du tribunal à faire exécuter la peine, tient peut-être au fait que l’actuel président du tribunal, Camel Agius, avait le 27 août 2008 signé l’acte d’accusation contre la Française…

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