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Taux de mortalité par armes à feu: l’Albanie caracole en tête devant les USA

Si le débat sur les armes revient sur le tapis à chaque tuerie de masse aux Etats-Unis, il n’en est pas de même en Albanie. Ce petit pays d’Europe du Sud de 2,8 millions d’âmes affiche un taux de mortalité par armes à feu 1,5 fois supérieur à celui des USA.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
4 juin 1997: lors d'un rassemblement électoral à Elbasan, en Albanie. (ANJA NIEDRINGHAUS / AFP)

Selon le site dédié à la santé Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), ce taux de mortalité par armes à feu s’établissait en 2013 à 5,86 morts pour 100.000 habitants en Albanie contre 3,55 aux Etats-Unis. Même s’il est en baisse (7,86 en 2000 et 6,01 pour 100.000 habitants en 2005), il classe ce pays au premier rang de la plus forte mortalité dans les Balkans devant le Monténégro (2,13). Le pays le moins touchés dans la région étant la Bulgarie (0,64 pour 100.000 habitants.)
 
Balkan Insight, qui a relayé l’information, montre qu’en 1997, «les dépôts militaires ont été cambriolés et plus de 500.000 fusils et autres armes sont passés aux mains de citoyens ordinaires. La situation chaotique a fait près de 2.000 morts cette même année.» C’est à cette période que se sont effondrées les sociétés financières, la police et l’armée, provoquant la chute du gouvernement et la décomposition de l’Etat.

Un trafic d'armes considérable... raconté en 1995

En cause notamment, la faiblesse de l'Etat
Edmond Dragoti, psychologue et professeur à l'Université de Tirana, voit dans le nombre élevé de tués un phénomène culturel : «Les armes à feu ont fait partie de la culture albanaise depuis des siècles. Les gens les ont utilisées pour se protéger. Ils ont défendu leurs territoires, leurs familles et leurs propriétés avec des fusils, de sorte qu'elles sont ancrées dans leur identité.» Pour lui, l’absence d’une société forte et la faiblesse de structures étatiques depuis les années 90 ont favorisé l’autodéfense. D’autant que dans certains coins d’Albanie, une Kalachnikov coûterait jusqu’à dix fois moins cher qu’en Europe.
 
Arian Dyrmishi, un expert en sécurité, met en doute cette seule explication : aujourd’hui, «en Albanie, on estime que près de 250.000 armes illégales sont entre les mains des citoyens, mais il s’agit de l'un des chiffres les plus bas de la région. En Serbie, il y a environ 2 millions d'armes illégales et en Macédoine 1,5 million», a-t-il indiqué, faisant valoir que le nombre élevé de morts peut avoir d'autres causes.

Saisie de la police albanaise dans le village de Lazarat, à 230 km au sud de la capitale albanaise, Tirana, le 20 juin 2014. Les policiers ont été reçus par des tirs d'armes lourdes, y compris des missiles et grenades antichars. (AFP PHOTO / GENT SHKULLAKU)

L'omniprésence des mafias
Quoi qu’il en soit, une corruption galopante dans un océan de pauvreté, des mafias bien organisée expliquent en grande partie le phénomène. Depuis 1997, «le grand banditisme a peu à peu récupéré ces armes (pillées dans les arsenaux, NDLR). Puis les a exportées via des filières déjà utilisées pour d'autres trafics, comme la contrebande de cigarettes entre la Yougoslavie et l'Europe de l'Ouest», indique le site Toute l’Europe.
 
Le Centre français de recherche sur le renseignement brossait en 2007 les contours de la criminalité albanaise aux activités multiples (trafics de drogue, de cigarettes, d’armes, contrebande, prostitution, racket) : elle «est organisée autour de familles traditionnelles appelées camarillas, où l’on n’entre que par les liens du sang ou du mariage. Ses caractéristiques sont une hiérarchie rigide, le respect des traditions claniques d’honneur de silence et de vengeance et l’amour des armes. Ces familles respectent le code Kanun qui fixe les règles de vie. Ses traditions sont particulièrement violentes. »
 
Aujourd’hui, la mafia albanaise s’est fait une spécialité dans la fourniture en armes à feu sur son territoire et dans le monde entier. Ainsi, des armes illégales albanaises se retrouvent dans les cités de Marseille où les règlements de compte font florès et sur les réseaux djihadistes via le darknet, là où tout se vend et s’achète, comme le montre le site civilwarineeurope

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