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Suisse : les référendums pour la «préférence indigène» se multiplient

Dans l’accueillante Suisse, le premier parti du pays, l’UDC, classée très à droite, continue son combat contre l’immigration. Sa branche du Valais, canton mi-francophone mi-germanophone du sud du pays, reprend le slogan de Donald Trump en affirmant «le Valais d’abord» et lance un référendum local sur la préférence cantonale pour l'emploi. Une initiative qui gagne d'autres cantons.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Affiche de la campagne de l'UDC «Valais d'abord» (udc)

Décidément, l'UDC (Union démocratique du centre) tient à son combat contre l'immigration. Le parti avait été à l'initiative du référendum victorieux «contre l'immigration de masse» de février 2014... qui a failli fâcher la Suisse avec l'Union européenne.  

Plus récemment, le parti a, en revanche, subi une défaite sur la question de la naturalisation facilitée des enfants de migrants, lors de la votation (référendum) du 12 février dernier

Affiche contre la naturalisation des enfants d'immigrés lors de la «votation» du 12 février 2017. Ici, à Lausanne, l'affiche a été taguée. Un des tags se félicite de la défaite des opposants à la naturalisation lors du vote. (PM)

Si l'UDC n'a pas déposé officiellement une demande de votation sur le texte adopté par le parlement suisse qui a édulcoré le vote de février 2014 sur «l'immigration de masse» au point de le rendre acceptable par l'Europe, elle multiplie les actions locales.

«Le Valais d'abord»
«La Suisse avait lancé un signal, le 9 février 2014. Berne a choisi sciemment de l’ignorer, au profit de quelques intérêts, mais au mépris des intérêts du peuple, et de sa volonté», affirme l'UDC. Ainsi en Valais, le parti propose une votation sur le thème de la défense des travailleurs du canton. «Les autorités fédérales n’ont rien fait pour mettre en œuvre notre initiative «Contre l’immigration de masse». Nous agissons dans les cantons et utilisons toutes les possibilités existantes pour défendre les nôtres.» L’explication vient du conseiller national Jean-Luc Addor de l'UDC valaisanne. 

«A quelques semaines des élections cantonales, l’UDC du Valais romand lance une initiative intitulée ''Le Valais d’abord''. Ce texte veut donner une préférence à l’emploi aux travailleurs suisses ou aux étrangers bénéficiant déjà d’une autorisation de travail dans le canton», explique la Tribune de Genève. Concrètement, pour les domaines public, parapublic et subventionné, une «préférence stricte» est demandée.

Une affiche de l'UDC pour son référendum en Valais. Le texte oppose une Valaisanne ne pouvant payer son loyer aux sommes qui seraient payées aux migrants. (UDC)

Entre le «America first» de Trump et  le «priorité à l’accès à l’emploi et au logement pour les Français» du Front national français, le parti helvétique demande «une préférence à l’emploi pour les travailleurs indigènes dans l’ensemble du domaine public et privé. Par travailleur indigène, nous entendons toute personne de nationalité suisse ou étrangère déjà au bénéfice d’une autorisation de travail». Et l'UDC de reprendre les arguments qui avaient fait son succès pour expliquer sa démarche : «l’immigration de masse ne faiblit pas, nos infrastructures sont toujours surchargées, la concurrence pour l’emploi reste féroce et de plus en plus de Suisses basculent dans une précarité complète ou s’en approchent dangereusement»... Ce qui n'est pas immédiatement perceptible quand on se promène dans le canton...

«Il y a plus de Valaisans qui quittent le canton chaque jour pour aller travailler ailleurs que de gens qui viennent en Valais. Les frontaliers, c'est nous», a estimé pour sa part un entrepreneur opposé au texte de l'UDC.

Selon le texte, il faudra veiller systématiquement à favoriser les chômeurs du canton. Pour les entreprises, des incitations fiscales qui encouragent l’emploi indigène sont souhaitées.


Après le Valais, Neuchâtel, le Jura...
Cette initiative valaisanne a été reprise dans d'autres cantons. A Neuchâtel, un texte du même genre intitulé «Les nôtres avant les autres» a été déposé. L'initiative neuchâteloise est similaire à «Prima i nostri», acceptée par les citoyens du Tessin (canton situé à la frontière italienne). L'UDC affirme qu'il y a un lien entre chômage et emplois frontaliers. Les partisans de ce référendum s'appuient sur le fait que «Neuchâtel reste le canton le plus touché, avec un taux de 6,6% contre 3,7% pour l'ensemble de la Suisse», précise 20 minutes.

Dans le Jura, l'UDC a pris la décision de principe de lancer une initiative dont le texte est en préparation. Dans le Vaud, un texte serait en cours d'élaboration. A Genève, la préférence nationale a déjà cours dans l'administration publique et les institutions financées par le canton. Certains voudraient l'étendre aux emplois privés.

Si l'UDC surfe avec un certain succès sur ce thème, c'est que la Suisse et son économie dynamique accueille en effet de nombreux étrangers. Le pays en compte plus de 2 millions (chiffre de décembre 2016), soit environ 25% de sa population. «Seuls quelques cas particuliers, tels que les pays pétroliers ou des cités-Etats comme le Luxembourg, présentent des pourcentages encore plus élevés que la Suisse», précise Swissinfo.

Au-delà des récupérations politiques, l'angoisse de certains Suisses face aux pressions sur l'emploi et les salaires est une réalité. Un reportage du Temps traduit bien la peur qui saisit certaines régions du pays. «La préoccupation économique par rapport aux places de travail est toujours là. Des gens viennent qui sont des working poors. Et on entend souvent le cas d’entreprises de construction qui emploient des Polonais à 5 francs de l’heure». Une thématique qui est loin de n'être que suisse. 

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