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Sommet de Göteborg : "Tant qu'on ne changera pas de politique économique, rêver d'Europe sociale est une duperie"

L'eurodéputé français Guillaume Balas a dénoncé vendredi sur franceinfo le manque "de volonté" des Etats européens à construire une "Europe sociale". 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Guillaume Balas, en mars 2017. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Redorer l'image sociale de l'Europe, montrer qu'elle peut protéger les salariés et pas uniquement les mettre en concurrence, voilà la mission du sommet social européen qui s'est ouvert vendredi 17 novembre à Göteborg, en Suède. Les Etats membres ne se sont pas réunis pour un sommet consacré aux questions sociales depuis 20 ans. 

Ce sommet des 28 n'a cependant aucune valeur contraignante, ce que déplore l'eurodéputé français et ancien membre du PS Guillaume Balas, membre de la Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen. "Aujourd'hui, il n'y a rien qui indique que l'Europe sociale est en train de progresser", a-t-il déclaré vendredi sur franceinfo.

franceinfo : Regrettez-vous un sommet symbolique, avec de grands principes mais sans mesures contraignantes ?

Guillaume Balas : Je me demande s'il ne vaut pas mieux s'abstenir de faire ce genre de chose, plutôt que de faire du symbole qui va être déçu dans les faits, parce qu'il ne sortira rien du sommet de Göteborg. Aujourd'hui, rien n'indique que l'Europe sociale est en train de progresser. D'ailleurs, la meilleure preuve, c'est qu'on va s'adresser à Erasmus, aux étudiants. C'est très bien mais ça ne règle pas du tout le dumping social actuel en Europe. On est en train de faire diversion parce qu'on est incapable d'avancer sur ces sujets. Je mets en garde Emmanuel Macron qui veut aujourd'hui soigner les membres de l'Europe par le symbole : le problème, c'est que quand les symboles (...) sont creux et qu'il n'y a rien derrière, le backlash [contrecoup] est d'autant plus fort. S'il veut lutter contre le populisme et le nationalisme, je crois qu'il s'y prend très mal.

Pourquoi estimez-vous que même les symboles sont creux ?

Une majorité de gouvernements en Europe se satisfont très bien du dumping social et ce ne sont pas seulement les Polonais, les Bulgares ou les Roumains. Je vous rappelle que les grands pays de l'Ouest ont de très grandes entreprises qui pratiquent le dumping social de façon massive. C'est même elles qui l'organisent à l'échelle européenne. Finalement, tout le monde est bien content de la situation telle qu'elle est. Et c'est le cas de la France. Je vous rappelle que sur le chantier de Flamanville d'EDF, il y avait 70 % de travailleurs détachés. Parmi eux, beaucoup étaient en situation irrégulière, il y avait même eu des cas extrêmes. Je vous rappelle que la SNCF, entreprise d'Etat, a créé Géodis, entreprise de transport routier. Géodis a des filiales en Roumanie et ses chauffeurs routiers roumains viennent concurrencer les chauffeurs routiers en France. Il y un double discours absolu ! On fait semblant aujourd'hui de dire : 'Bon, maintenant qu'on a fait l'Europe des marchés, on va faire l'Europe sociale', mais il n'y a pas de volonté parce qu'il y a des pressions des très grands lobbies industriels et économiques pour que rien ne bouge. Et les gouvernements obéissent à cela.

Quelle serait la priorité selon vous ?

Je pense que la priorité est triple. Il faut aujourd'hui donner de nouveaux droits sociaux au niveau européen et avoir des réformes beaucoup plus ambitieuses. Par exemple, sur le travail détaché ou lutter contre les faux travailleurs indépendants : il faut des inspections au niveau européen. Deuxième sujet : aller vers l'harmonisation sociale. Pour ça, il faut déjà des salaires minimaux [six pays n'ont pas de salaire minimum dans l'Union]. Des salaires minimaux qui correspondent au niveau de développement de chaque pays pour permettre la convergence ont été votés par le Parlement européen. Et enfin, troisième élément, il faut changer de politique économique. Comment voulez-vous qu'avec un budget aussi faible, avec le fait que les budgets nationaux soient soumis à l'austérité, les pays aujourd'hui ne choisissent pas le dumping social ? Ils sont obligés. On nous a mis tous en concurrence les uns avec les autres. Tant qu'on ne changera pas de politique économique, rêver d'Europe sociale est une duperie.

Qui peut faire changer la politique ? Les chefs d'Etat ou le Parlement européen ?

L'avantage du Parlement européen est qu'il est en avance, c'est-à-dire que les positions que j'ai évoquées, inspection européenne, la question des salaires minimaux dans chaque État... ont été votées par le Parlement. Le problème, c'est que les gouvernements ne veulent pas avancer sur ces types de sujets. Je crois qu'il faudrait proposer un vaste accord qui ne soit pas que sur l'Europe sociale, mais sur tout le reste. En gros, un grand budget d'investissement européen, qui permet de répondre aux inégalités croissantes au sein de l'Europe et au contraire de recréer de la convergence entre les Etats et en échange, la fin du dumping social. On pourrait proposer à un certain nombre de pays qu'il y ait une vraie politique d'investissement public chez eux, mais qu'ils acceptent des normes sociales plus exigeantes.

"Tant qu'on ne changera pas de politique économique, rêver d'Europe sociale est une duperie" Guillaume Balas, eurodéputé français à franceinfo.

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