Russie : le nouveau Premier ministre se voit en successeur de Poutine
A peine désigné, le nouveau Premier ministre russe Viktor Zoubkov , jusque-là un parfait inconnu, a lancé jeudi une bombe politique en annonçant qu'il pourrait briguer la succession de Vladimir Poutine en mars 2008.
"Si, à ce poste de Premier ministre, je fais quelque chose, je n'exclus pas une telle hypothèse", a-t-il répondu à des journalistes qui lui demandaient s'il pourrait prendre part à l'élection présidentielle.
Au pouvoir depuis 2000, l'actuel président, très populaire, ne peut se représenter pour un troisième mandat consécutif. Les grandes manoeuvres pour sa succession ont donc commencé.
Mercredi, le chef de l'Etat a sorti Viktor Zoubkov de son "chapeau", selon l'expression même du très officiel quotidien Rossiïskaïa Gazeta, après avoir limogé le titulaire du poste Mikhaïl Fradkov.
Si beaucoup espéraient résoudre avec la nomination d'un nouveau Premier ministre l'énigme de la succession de Vladimir Poutine, l'émergence d'un apparatchik, spécialiste de la lutte contre le blanchiment d'argent, a rebattu les cartes.
Pour sa première apparition en public, le nouveau Premier ministre, 65 ans, au physique plutôt terne, est apparu plutôt réservé, prudent, mais pas dépassé par cette situation inédite.
"S'il a dit qu'il pourrait prétendre à la présidence, cela signifie qu'on lui a recommandé de le dire", estime Iouri Korgouniouk, de la Fondation Indem à Moscou.
De prime abord peu ont vu en lui le dauphin que tout le monde attendait. Passé un moment d'incrédulité, un certain nombre de médias et d'analystes ont commencé toutefois à accréditer la thèse qu'il pourrait bien devenir le prochain président, si Vladimir Poutine en a décidé ainsi.
Ancien gestionnaire de sovkhozes, Viktor Zoubkov a travaillé à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 90, au côté d'un certain Vladimir Poutine et s'est ensuite forgé une réputation d'efficacité à la tête du Service fédéral chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent.
Il "n'est pas nul" et "peut devenir un prétendant réel à la présidence. Surtout s'il réussit à la tête du gouvernement et si la télévision le soutient assez. Donc tout cela n'est pas un simple rideau de fumée", ajoute M. Korgouniouk.
Pour autant, rien n'est joué. Selon le quotidien Vedomosti, Viktor Zoubkov offre une "solution provisoire" pour "garantir la stabilité et le statu quo" jusqu'à la désignation du dauphin de Vladimir Poutine.
Sans être pour autant déséspérée, la situation se complique néanmoins pour le vice-Premier ministre Sergueï Ivanov, qui passait pour le favori dans la course au Kremlin.
Commentant jeudi ces changements, le maître du Kremlin, apparu décontracté à la télévision, en polo, visitant une ferme, a d'ailleurs adressé un message voilé aux ambitions des uns et des autres, sans rien révéler de ses propres intentions.
"Avec tous ces remaniements, chacun va plus et mieux se concentrer sur sa mission et tout le système de pouvoir fonctionnera sans à-coups pendant la campagne et après les élections de décembre (législatives) et mars", a déclaré le chef du Kremlin.
En entretenant ainsi le suspense, le président Poutine garde le contrôle complet des opérations, en empêchant l'émergence trop rapide d'un successeur qui lui ferait de l'ombre et en se ménageant la possibilité de revenir après 2008.
Si Viktor Zoubkov est élu, il "est peu probable qu'il se représente en 2012", écrit le quotidien Kommersant. "Et personne ne s'étonnera s'il quitte son poste avant l'heure pour des raisons de santé", ironise-t-il.
La Constitution russe n'exclut pas un troisième mandat, s'il n'est pas consécutif aux deux premiers.
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