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Référendums dans l'Union européenne: ça change quoi de voter non...?
En 44 ans, 41 référendums ont été organisés dans l’UE… à propos de l’UE. En général, les électeurs ont dit «oui». Mais on a connu aussi des «non» retentissants comme le vote sur le Brexit au Royaume-Uni et celui de 2005 en France sur la «Constitution européenne». Certains pays ont trouvé la parade: ils renégocient le traité concerné par le vote, puis font revoter leurs électeurs ou leur parlement.
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Le non des Britanniques, consultés par référendum, au maintien de leur pays dans l’UE, n’est pas le premier du genre. Le 6 avril 2016, donc deux mois et demi avant le Brexit, les électeurs néerlandais avaient dit «nee» à 61,1% à la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Sur 41 référendums organisés en 44 ans, le vote négatif ne l’a emporté que 12 fois.
En février 1982, le Groënland, territoire danois d'outre-mer, choisit par référendum de sortir de la CEE (Communauté économique européenne). Un accord relatif à ce territoire a été signé à Bruxelles en mars 1984.
En juin 1992, à 50,7% des voix, les Danois votent contre le traité de Maastricht, qui porte notamment sur la monnaie unique. Ils s’opposent ainsi à la quasi-totalité des partis politiques représentés au Parlement qui l’avait approuvé le mois précédent (par 130 voix contre 25 et 20 abstentions). Motif : nombre d’électeurs craignent alors que le texte n’entraîne une perte de souveraineté. A noter que les Français ne lui diront oui que d’extrême justesse en septembre, avec 51,04 % des suffrages.
Deux référendums pour le prix d’un
Les autorités de Copenhague renégocient les termes du traité et obtiennent que le Danemark ne participe pas à l’euro. En mai 1993 est organisé un second référendum. Le oui l’emporte cette fois avec 56,7 % des voix. A noter qu’en septembre 2000, 53,1% des électeurs danois refusent la monnaie unique.
Lors de la ratification du traité de Nice, qui adapte les institutions de l’UE avant l’élargissement à l’Est, le procédé d’un second vote a également été utilisé en Irlande. Ce pays est alors le seul Etat membre à organiser une consultation sur le texte et les principales formations politiques appellent leurs sympathisants à l’approuver. En jeu dans la campagne : la crainte d’une perte de souveraineté, de l’harmonisation fiscale et d’une force européenne (pouvant signifier la fin de la neutralité irlandaise). Très sûrs de leur victoire, les partisans du «oui» ne jugent pas nécessaire de faire campagne. Le non l’emporte avec 54% des suffrages.
Le gouvernement de Dublin obtient alors des garanties sur le maintien de la neutralité du pays. Un second référendum est organisé. Cette fois, les Irlandais acceptent le traité avec 62,9% des voix.
Même scénario avec le traité de Lisbonne, qui régit aujourd’hui l’Union européenne. En juin 2008, les mêmes refusent la ratification par 53,4% des voix. Ils ont notamment suivi un groupe ultracatholique affirmant que le traité implique, dans ce pays très chrétien, «la dégringolade du salaire minimum garanti, l’autorisation de l’avortement et de l’euthanasie». Ils ont aussi été influencés par des partis très à gauche, à commencer par le Sinn Fein (souvent présenté comme l’aile politique de l’IRA), dénonçant le libéralisme et le risque d’une perte de souveraineté. Un peu plus d’un an plus tard, en octobre 2009, nouveau vote : le texte est finalement… approuvé avec 67,13%. La crise financière des subprimes est passée par là. L’UE «est perçue à nouveau comme une bouée de sauvetage», observe Le Monde.
Et les Parlements dans tout ça ?
En 2005, l’Espagne, le Luxembourg, la France et les Pays-Bas décident de faire ratifier par leurs citoyens la «Constitution européenne», un texte jugé compliqué. Dans le premier cas, celui-ci est approuvé par 76,73% des voix (avec un taux de participation de 41,8%). Au Luxembourg, l’approbation atteint 56,52%.
Mais en France et aux Pays-Bas, les choses ne se déroulent pas de la même manière. Dans l’Hexagone, pendant la campagne référendaire, le débat devient passionnel. Il divise les partis politiques, à droite comme à gauche. La formule de Philippe de Villiers sur le «plombier polonais» fait florès. Un plombier censé venir voler le travail de ses collègues français. En mai 2005, 54,8% des électeurs rejettent le projet constitutionnel. Quelques jours plus tard, ils sont rejoints par 61,5% de leurs homologues néerlandais. Deux «non» successifs qui sonnent le glas du texte.
Et pourtant… En 2007, les Etats membres adoptent un nouveau traité, dit de Lisbonne, pour faire mieux fonctionner l'Europe à 27. «Le traité de Lisbonne est largement inspiré du traité constitutionnel. La plupart des réformes institutionnelles et politiques envisagées dans la Constitution sont reprises par le traité de Lisbonne, mais présentées sous une forme différente», commente Eu-lex, site juridique de l’UE. A la même époque, pendant la campagne présidentielle en France, Nicolas Sarkozy indique que s’il est élu en 2007, le document simplifié serait ratifié par le Parlement. Ce qui est fait en 2008. D’où les accusations des adversaires du texte que celui-ci a été «imposé» aux Français.
Exit les référendums ?
Aujourd’hui, après le vote sur le Brexit et la déflagration qu’il provoque, certains observateurs pensent que les référendums n’ont pas à s’immiscer dans le débat européen.
Un scrutin, comme celui sur le Brexit, «implique qu’un peuple peut remettre en cause toute évolution considérée jusque-là comme irréversible, telle qu’une réforme institutionnelle, une conquête sociale, une réforme des mœurs. Certes, il a toujours été admis qu’en principe, en démocratie, le peuple peut décider de tout. Il n’empêche : selon notre conception occidentale du droit, il existe des progrès irréversibles, (par exemple, la démocratie, la liberté du culte, l’interdiction du travail des enfants, l’abolition de la peine de mort) qu’un vote simple ne peut défaire. Admettre qu’on puisse remettre en cause des acquis», comme la construction européenne, «revient à nier la notion même de progrès», estime ainsi Jacques Attali dans son blog de L’Express. Une conception qui n’est pas forcément partagée par les eurosceptiques !
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