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Quand la Hongrie et Viktor Orban titillent l’Europe

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, aime provoquer. Sur la peine de mort, comme Géopolis l’expliquait le 1er juin 2015. Mais d’autres éléments de la politique de Budapest sont jugés tout aussi polémiques : l’immigration, ses relations avec la Russie… Les éléments du dossier.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Discours de Viktor Orban le 15 mars 2015 à Budapest, à l'occasion des festivités organisées pour l'anniversaire de la révolte hongroise contre les Habsbourg en 1848. (REUTERS - Laszlo Balogh)
Immigration
Les autorités hongroises viennent d’envoyer aux 8 millions d’électeurs un questionnaire sur l’immigration, accompagné d'une lettre de Viktor Orban, dans le cadre d’une «consultation nationale». Dans sa lettre, ce dernier évoque les attaques contre Charlie Hebdo et un supermarché casher en France en janvier 2015. Actions qui, selon lui, ont «démontré que Bruxelles et l’Union européenne sont incapables de faire face de manière adéquate au problème de l’immigration».

Conséquence : le Haut commissariat de l’ONU pour les droits de l’Homme (HCDH) s’est dit «choqué». Pour le HCDH, le chef du gouvernement hongrois indique également dans son courrier que les migrants économiques représentent «une nouvelle menace» pour la Hongrie.

Une chose est sûre : le questionnaire va droit au but : «Certains pensent que la mauvaise gestion de la question de l’immigration par Bruxelles peut avoir un lien avec l’augmentation du terrorisme. Qu’en pensez-vous?». Autre question : «Etes-vous d’accord avec le gouvernement hongrois que les aides devraient être davantage destinées aux familles hongroises et à leurs enfants qu’aux migrants?»

L’ambassadeur de Hongrie en France, Georges Károlyi, rétorque devant Géopolis que «ce n’est pas la première fois» qu’une telle consultation est organisée. Cela avait notamment été le cas lors de l’élaboration de la nouvelle Constitution.
 
Le Parlement hongrois à Budapest se reflétant sur le Danube (12 août 2014) (PHOTOSTOCK-ISRAEL - CULTURA CREATIVE)

Qu’en est-il alors de la consultation concernant les immigrants ? «Au niveau des principes, on ne peut évidemment pas assimiler immigration et terrorisme. Et nous nous gardons de faire l’amalgame», rétorque l’ambassadeur. «Mais dans le même temps, il y a des risques concrets, notamment que l’immigration serve, à son corps défendant, de véhicule au terrorisme, que des activistes rentrent en Hongrie avec les migrants. C’est une question grave et précise qu’il est indispensable de traiter». Il faut voir, poursuit le diplomate, que ce «questionnaire politique» concerne l’«immigration économique». Et non pas «l’asile politique sur lequel il n’y jamais eu aucune restriction» depuis le retour de la démocratie en 1989. «Et sur lequel il ne peut pas y en avoir.»

«Concernant l’immigration économique, nous estimons ne pas en avoir besoin, ni avoir les moyens de nous en occuper. Pour le moment, la Hongrie est un pays de transit, traversé principalement par des Kosovars cherchant à aller à l’Ouest», précise Georges Károlyi. Ce que confirme Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’UE.

Nationalisme
Le 18 mars 2015, la Hongrie célébrait en grande pompe l’insurrection de 1848 contre les Habsbourg. L’occasion pour Viktor Orban d’un discours au nationalisme vibrant. Il évoque notamment «l’énergie magique» et le «patriotisme» qui a, en 1848, «mystérieusement uni le serf, le comte, l’industriel, l’homme d’Eglise, l’étudiant, l’acteur et le poète».

Il décrit son pays entouré à l’ouest par «le monde germanique, territoire toujours bien ordonné d'empereurs et de chanceliers de fer, qui tourne tout à son avantage - même des crises économiques qui réduisent à néant d’autres nations. A l’est par les empires de peuples slaves martiaux, cent fois plus nombreux que nous. Au sud, nous pouvons voir le peuple du Croissant dans ses multitudes (en clair: la Turquie et les autres pays musulmans), le bourdonnement et l'agitation incessants de ce nid de guêpes».

Extrême droite
Par ces différentes déclarations, le Premier ministre hongrois chercherait-il à contrer la montée de l’extrême droite dans son pays, comme l’a montré la victoire du parti Jobbik lors d’une partielle le 12 avril 2015 ?

La défaite du candidat du parti gouvernemental Fidesz traduit «la perplexité de son électorat un an après sa victoire aux législatives de 2014», juge le diplomate. «Quand on analyse d’un peu plus près les résultats de la partielle, on comprend que ce sont ses électeurs qui se sont abstenus. Le candidat du Jobbik n’a pas augmenté son score mais il est passé grâce à cette forte abstention». Pour Georges Károlyi, «il y a une ligne de fracture très nette entre les deux partis. Ce n’est pas le même monde de valeurs. Celles du Fidesz sont celles du centre-droit et de la droite conservatrice. Face à lui, la formation d’extrême droite est comme l’amoureux chez Racine et Corneille : il aimerait montrer qu’il est aimé en retour. Mais il ne l’est pas.»

Vladimir Poutine et Viktor Orban au Parlement hongrois le 17 février 2015. (AFP - Anadolu Agency - Arpad Kurucz)

La Russie de Poutine
Critiqué dans les pays occidentaux en raison de ses différentes déclarations, Viktor Orban l’est aussi pour sa politique vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine qu’il a accueilli à Budapest en février 2015. «Cette visite avait un objectif économique : il s’agissait notamment de renégocier des contrats gaziers. La Hongrie est un petit pays enclavé, tributaire à 100% du gaz russe. Il faut certes diversifier les sources et les circuits d’approvisionnement. Mais les projets de gazoducs South Stream et Nabucco ont dû être abandonnés. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas ne pas faire appel à la Russie. Il s’agissait de renégocier un contrat qui venait à échéance en 2016. Alors oui, nous avons eu une négociation économique. Mais cela ne traduit pas par une attirance magique pour la Russie et son président.»
 
En Hongrie même, tout le monde ne partage pas ce point de vue. Certains analystes soulignent ainsi que les possibilités d’approvisionnement en gaz du pays sont aujourd’hui plus diversifiées, rapporte La Croix. Et que les stocks sont en réalité suffisants jusqu’en 2018.
 
Pour autant, l’ambassadeur affirme que son pays n’est en rien aligné sur la Russie. «La Hongrie a condamné l’annexion de la Crimée. Elle n’est pas d’accord avec ce qui se passe en Ukraine orientale et reste attentive au sort de la minorité hongroise sur place. Elle veut une Ukraine stabilisée.» Elle «reste solidaire des autres pays de l’Union, dont elle applique les sanctions».
 
«Mais en même temps, que les gens se rencontrent, c’est normal. Chaque pays européen a des raisons d’être en contact avec la Russie», estime le diplomate. Comme le montre la conclusion d’un contrat pour la commande, au constructeur anglo-italien AgustaWestland, de 160 hélicoptères spécialisés dans les opérations offshore, qui seront assemblés en Russie. «Il faut avoir une relation raisonnable avec la Russie qui est un pays incontournable», ajoute Georges Károlyi.

Viktor Orban au Parlement européen à Strasbourg le 19 mai 2015 (REUTERS - Vincent Kessler)

Et Viktor Orban dans tout ça ?
«Raisonnable», vous avez dit «raisonnable»… Alors, pourquoi toutes ces critiques vis-à-vis de la Hongrie, et surtout vis-à-vis de son Premier ministre ? Dont on ne peut que constater les réactions passionnelles qu’il suscite, comme lors de sa venue au Parlement européen à Strasbourg le 19 mai.
 
«L’image qu’on véhicule de lui n’est pas la bonne», répond Georges Károlyi. «On l’accuse de provocation vis-à-vis de l’UE. Mais celle-ci n’est pas une entité sacrée. La Hongrie a toute sa place dans l’Union. Il se trouve que Viktor Orban dit lui-même qu’il aime la provocation. Pour lui, c’est en provoquant qu’on met en lumière les problèmes et qu’on peut ainsi avancer pour les résoudre. Il n’hésite pas à dire tout haut ce que chacun pense tout bas». Reste à savoir si tout un chacun le «pense tout bas»

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