Portugal: l'austérité en ligne de mire après l'alliance inédite PS-PC
Le gouvernement de Pedro Passos Coelho, 51 ans, dont la coalition de droite était pourtant arrivée en tête des élections législatives du 4 octobre, entre ainsi dans l'histoire comme l'exécutif le plus éphémère du Portugal. Il est vrai que la coalition de droite avait fortement reculé lors des législatives du 4 octobre dernier. Au point de perdre sa majorité absolue. Résultat, la gauche, divisée, était majoritaire.
Or, surprise, les forces de gauche ont décidé de s'unir dans un pays où le PC et le PS n'avaient jamais réussi à s'entendre. «Il est possible de tourner la page de l'austérité dans le cadre de la zone euro», a assuré à l'issue du vote le secrétaire général du Parti socialiste Antonio Costa, 54 ans, qui brigue la place de Premier ministre. Pour l'instant, rien ne dit que le président de la République nommerait le socialiste à la tête du gouvernement. Il ne peut cependant dissoudre l'Assemblée pendant six mois.
Accord à gauche
Le parti socialiste qui avait accepté les conditions de Bruxelles en 2011 et lancé la politique d'austérité a donc décidé aujourd'hui de dénoncer cette austérité et s'est allié avec le Bloc de gauche et le PC, un parti notoirement opposé à la politique de Bruxelles.
Pour les deux anciens partis de gauche, PS et PC, cet accord est historique tant le PS portugais s'était montré depuis longtemps très ouvert aux politiques libérales et le PC avait gardé une image «orthodoxe». «Il faut se souvenir qu’en 1983, le PS avait emporté les élections sans majorité absolue et avait alors préféré s’allier au PSD à droite qu’avec le PCP», rappelait Romaric Godin dans La Tribune.
L'accord trouvé entre ces forces diverses ne devrait cependant pas révolutionner l'économie portugaise même s'il revient sur un certain nombre de points qui pourraient provoquer la colère de Bruxelles et l'inquiétude des marchés financiers. «Il vise surtout à revenir sur les coupes dans les salaires ou les retraites décidées ces dernières années. Il va certes augmenter les dépenses, mais en permettant une hausse de la consommation, et donc une augmentation des recettes fiscales. Il prévoit aussi une plus grande justice fiscale en taxant les grandes fortunes et la spéculation financière. En clair, il va permettre d’améliorer la vie des gens les plus pauvres, ceux qui ont été les plus touchés par la crise», expliquait dans Le Monde un des leaders du Bloc de gauche, Fernando Rosas.
L'union de la gauche prévoit aussi une hausse du salaire minimum et la fin de certaines privatisations mais s'engage à respecter les normes européennes de déficit. Dans cet accord, les plus à gauche ont accepté de ne plus demander une renégociation de la dette ou d'autres mesures inacceptables pour le PS.
Inquiétudes économiques
Certes le Portugal n'est pas tout à fait la Grèce et Lisbonne est sorti du plan d'aide européen. Le pays dépend de nouveau des marchés pour se financer et est donc libre de sa politique. Il n'empêche que le gouvernement est à la merci de toute hausse des taux. «Si la confiance des investisseurs se brise, la menace d'une banqueroute redevient réelle», a lancé la ministre des Finances sortante Maria Luis Albuquerque, agitant le spectre d'un retour de la troïka des créanciers (UE-BCE-UE) en cas d'arrivée au pouvoir de la gauche.
Mais c'est peut être sur le plan poilique que cette recomposition politique portugaise est la plus importante par rapport à l'Europe. «Bruxelles va certainement faire pression sur Lisbonne pour que l’essentiel du programme du nouveau gouvernement soit abandonné, en commençant par les choix budgétaires. Le Portugal doit s’attendre à une offensive sans doute sévère. D’autant que, les cas espagnol et italien l’ont prouvé, Bruxelles cherche à prouver à Wolfgang Schäuble, qui veut lui ôter la surveillance budgétaire, qu’elle n’est pas laxiste», analyse Romaric Godin.
L'actualité portugaise tombe en plein renouveau du feuilleton grec avec un nouveau blocage entre Athènes et la troïka. Comme quoi, le débat sur l'austérité en Europe est loin d'être terminé. Un sujet difficile pour l'ensemble des gauches européennes, déchirées entre ceux qui sont favorables à l'austérité, et les «Eurosceptiques» qui cherchent (encore) une autre voie.
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