Pologne: les élections au rythme de l'ancien rocker Pawel Kukiz
En mai 2015, lors du premier tour de la présidentielle, Pawel Kuwiz, 52 ans, sorti de (presque) nulle part, avait créé la surprise en obtenant 20% des suffrages. Il était ainsi arrivé troisième du scrutin faisant ainsi «valser le bipartisme», comme l’écrit joliment la Tribune de Genève. Le vote a été un choc pour la classe politique polonaise : «Cela se passe dans un pays qui se développe plus vite que d’autres, dans lequel le chômage baisse, les salaires augmentent et qui dispose d’importants fonds européens pour se développer», explique Janusz Lewandowski, ancien commissaire de l’UE et député à Strasbourg, cité par le journal allemand Die Welt.
L’ex-rocker avait alors su attirer les jeunes, qui constitueraient 40% de son électorat. «Ils ont grandi avec le bipartisme qui s’est installé en Pologne après la fin du communisme. Et ils sont las d’entendre les querelles des deux camps, ayant le sentiment de ne pas avoir leur mot à dire», analyse le journal suisse. «Nous appartenons au camp des déçus car notre pays n’a rien d’autre à nous offrir que d’aller travailler dans les îles britanniques», a expliqué l’un de ses proches collaborateurs à Die Welt. En clair, commente le quotidien allemand, ses électeurs représentent «la Pologne des petites villes tristes, où les jeunes ont peu de perspectives sauf de travailler pour des salaires bas et sur la base de ‘‘contrats poubelles’’ de courte durée».
«Partocratie»
L’homme est l’un des chanteurs les plus connus de Pologne. Il a débuté dans les années 80 et atteint les sommets comme leader du groupe Piersi («les seins» en polonais). Groupe qui a enregistré neuf albums et enchaîné les tubes au début des années 2000.
Puis Pawel Kukiz a en quelque sorte décidé de faire don de sa personne à la Pologne. «Ma conscience ne me permettait pas de vivre confortablement comme musicien, et ce n’est pas non plus avec un micro que je pouvais me battre pour la dignité du peuple polonais. Alors j’ai choisi de frapper le système au lieu de faire de la musique», a-t-il raconté au Financial Times, vêtu de grosses bottes de cuir noir et d’un sweatshirt noir, lui aussi, aux couleurs de la Pologne…
Il a apparemment conservé de ses années musicales un langage plutôt musclé. «On peut se débarrasser des «traîtres» par deux moyens, soit de manière radicale, soit démocratique», expliquait-il en juin 2015 lors d’un meeting. «Nous, nous choisissons la voie démocratique», ajoutait-il, applaudi par ses partisans. A ses yeux, les «traîtres» sont tous ceux qui sont au pouvoir en Pologne depuis plus de 25 ans, depuis les accords entre le syndicat Solidarité et les communistes en 1989, et qui se relayent au pouvoir à chaque nouvelle élection. Ils appartiennent à ceux que l’ancien musicien appelle la «partocratie».
«Anarchiste il y a 20 ans et plutôt de gauche, défendant aujourd’hui des idées patriotiques et traditionnelles, et plutôt de droite» (Die Welt), l’ancien musicien peut compter sur un parti carrément à son nom : Kukiz’15. Il s’appuie sur des dizaines de milliers de bénévoles et utilise les réseaux sociaux. Il dispose par ailleurs de soutiens au sein des médias, comme celui du présentateur vedette de la télévision nationale, Kuba Wojewodzki.
Avant un référendum sur l’introduction du vote uninominal, en septembre, qu’il appelait de ses vœux, Pawel Kuwiz expliquait qu’il n’avait pas de programme «pour l’instant». Parce qu’il consacrait «tout son temps» à la campagne. Mais là, l’énergie qu’il a dépensée n’a pas suffi : seuls 7,90% des électeurs y ont participé. Jamais un vote national en Pologne n’avait attiré aussi peu de monde…
En dépit de cet aveu d’absence de programme, l’ex-rocker s’est prononcé pour une politique familiale active et contre les droits des homosexuels. Il critique la politique économique de son pays. Laquelle, selon lui, dépend de grands groupes étrangers et aurait contraint des milliers de Polonais à l’émigration. Lors de sa campagne présidentielle, l’un de ses slogans de campagne affirmait d’ailleurs sans finesse : «Emigration égale extermination»… Il entend aussi régler le règlement par référendum des questions sociales ou politiques controversées.
Pawel Kukiz défend par ailleurs des positions très nationalistes. Notamment dans l’affaire des migrants. A ses yeux, ces réfugiés n’en sont pas : pour lui, «ce sont des migrants économiques».
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