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Paul Watson, l'homme devenu éco-warrior pour l'amour d'un castor

Le fondateur de Sea Shepherd, arrêté le 13 mai en Allemagne, défend les animaux marins avec des méthodes peu orthodoxes.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le patron de The Sea Shepherd Conservation Society, à Sydney, en Nouvelle-Ecosse (Canada), le 14 avril 2008. (PAUL DARROW / REUTERS)

"Arrêtez-nous, ou fermez-là", aimait provoquer Paul Watson, agacé d'être qualifié d'écoterroriste. Le fondateur de l'organisation écologiste Sea Shepherd est derrière les barreaux depuis le 13 mai, loin de la mer, des baleines et des phoques, à Francfort. Le militant canadien est détenu en Allemagne à la demande du Costa Rica, qui l'accuse d'avoir mis en danger un équipage lors d'une opération contre la pêche aux requins en 2002. Un coup dur pour l'ennemi juré des braconniers des mers.

Le castor qui a amené Watson à lutter

Paul Watson est né en 1950 au Canada. Son père, Anthony Watson, est cuisinier, sa mère, Annamarie Larsen, fille d'un peintre danois, élève Paul et ses six petits frères et sœurs. Au retour du père de la guerre de Corée, la famille s'installe à Saint Andrews, un petit port canadien de pêche au homard.

Le petit Paul aime jouer avec les castors, selon sa prolixe biographie sur le site de Sea Shepherd. "Après que les trappeurs aient tué un castor avec lequel Paul s’était lié d’amitié, il entreprit, à l'âge de 9 ans, de confisquer et de détruire les collets installés. Il était aussi réputé pour perturber les chasses aux cerfs ou aux canards, ainsi que pour empêcher les autres enfants de tirer sur les oiseaux", raconte l'histoire officielle du "Captain".

Les rapports du fils avec son père ne sont pas au beau fixe. Paul affirme qu'il a été frappé. Il part à Vancouver, s'engage dans les garde-côtes, et à 18 ans, "tout en étudiant la communication et la linguistique (...), il participe à la fondation du comité Don't Make a Wave, qui lutte contre les essais nucléaires sur l'île d'Amchitka, au large de l'Alaska", écrit le mensuel Causette dans un portrait.

La baleine qui a compris Watson

Le comité devient Greenpeace. Mais Watson est écarté de la direction en 1977, officiellement "pour avoir molesté un chasseur qui s'apprêtait à tuer un phoque", selon Causette. Dans un entretien au site People's Voice (article en anglais), le militant affirme qu'il a quitté l'organisation "fatigué de manifester et de voir mourir des baleines et des phoques. J'ai créé The Sea Shepherd ["le berger de la mer"] Conservation Society, non pas comme une organisation de protestation, mais comme une organisation interventionniste pour viser les opérations illégales."

Watson garde une dent contre Greenpeace et affirme à qui veut l'entendre que l'ONG non-violente cherche à le faire "disparaître" de son histoire. Dans la presse, sur ses sites internet ou via les membres de Sea Shepherd, il critique Greenpeace, qui y va aussi de son petit laïus sur son site où l'on comprend qu'il voulait le devant de la scène pour lui seul.

A ses années Greenpeace, Watson doit tout de même un moment fondateur. En 1975, selon Libération"il tente de s'interposer, à bord d'un Zodiac, entre la flotte baleinière soviétique et un cachalot. La bête, mortellement blessée par un harpon, fonce vers eux, échange un regard avec lui, et plonge. 'J'ai vu dans cet œil que la baleine comprenait ce qu'on faisait. Ma vie a changé'." Avant de quitter l'organisation, il aura eu le temps d'embarquer Brigitte Bardot sur la banquise le temps d'une campagne qui restera célèbre :

Watson le pirate

Sea Shepherd est plus radical que Greenpeace, mais n'en oublie pas le goût du spectacle. Watson sera un capitaine pirate. Les navires sont peints en noir. Le pavillon de la flottille, nommée modestement "flotte Neptune", évoque le Jolly Roger, celui des pirates. Aux futurs embarqués, il demande : "Etes-vous prêts à mourir pour sauver une baleine ?" Mieux vaut répondre par l'affirmative.

Dans une vidéo, Sea Shepherd se présente sur fond de musique de film d'action :

Fini la non-violence, le "Captain" plaide l'action directe. "La seule marine qui défend les océans, c'est la nôtre, estime-t-il. Les lois existent, mais les Etats ne veulent pas les faire respecter. Ils ont peur des pêcheurs ! Notre but est de protéger les océans, car s'ils meurent, nous mourrons tous." Pour lui, les baleines sont plus intelligentes que les hommes.

Watson le capitaine Nemo

"Quand Watson est loin de la terre ferme, il tend à agir comme le capitaine Nemo, ce qui signifie qu'il fait ce qu'il pense moral, même si cela implique de violer les usages ou de s'en prendre à la propriété privée", écrit en 2008 le New Yorker (article en anglais). A l'AFP, le capitaine explique que "les seuls qui aient tout compris étaient les Polynésiens : quand ils découvraient qu'il y avait moins de poissons dans une zone, ils la mettaient en jachère vingt, trente ans, et si quelqu'un y pêchait... ils le tuaient." Il a le sens de la formule.

Comme Nemo et son Nautilus, Watson envoie par le fond ses ennemis. Dix navires ont été coulés, selon le Telegraph (article en anglais). Parmi eux, deux baleiniers en baie de Reykjavik (Islande) en 1986. A en croire le New Yorker, l'action a surtout eu pour effet de détourner les Islandais de la protection des baleines. Plus tard, Sea Shepherd utilisera du beurre rance à l'odeur pestilentielle jeté sur les ponts des navires pour gêner les équipages et contaminer la viande. Objectif : empêcher l'adversaire de naviguer tranquille et faire sensation pour alerter l'opinion.

L'organisation participe à plus de deux cents opérations musclées, médiatisées, pour sauver phoques, dauphins, thons, requins et baleines. Mais les actions pirates dans les eaux glacées de l'océan Antarctique ou contre les thoniers de Méditerranée ne sont pas de tout repos. Fin décembre 2009, le trimaran dernier cri de l'ONG finit au fond de l'océan, percuté par un baleinier japonais qui contourne le moratoire sur la chasse aux cétacés au nom de la "recherche scientifique".

Les ennemis de Watson

Le "Captain" s'est fait un certain nombre d'ennemis. Les Japonais ont qualifié ses méthodes de "terroristes". Dans une étude publiée en 1998, le Service canadien du renseignement de sécurité (contre-espionnage) a associé Sea Shepherd au "terrorisme lié à une cause particulière".

A l'intérieur aussi, ça grince. L'organisation est "moralement corrompue", dénonce le chef de bord du trimaran naufragé. Il accuse (lien en anglais) Paul Watson d'avoir ordonné de couler le navire pour s'attirer "la compassion du public" et de la publicité. L'intéressé dément.

South Park, de son côté, n'a pas hésité à railler les méthodes des "pirates" :

Les amis de Watson

De l'époque Brigitte Bardot, qui a donné son nom à l'un des navires de Sea Shepherd, l'homme a gardé le goût des stars. De nombreux acteurs comme Pierce Brosnan, Christian Bale, Sean Penn, Edward Norton ou encore Martin Sheen lui ont apporté leur soutien. En 1995, ce dernier était au Québec avec lui pour protester contre le matraquage des bébés phoques, selon le New Yorker. Watson avait été sévèrement frappé et Sheen se souvient de "l'un des hommes qui a le plus de cran sur la planète".

Le capitaine peut enfin compter sur le soutien des députés européens écologistes José Bové et Daniel Cohn-Bendit. Celui-ci a affirmé qu'il allait "essayer d'intervenir auprès du gouvernement allemand pour tenter de débloquer la situation".

Brigitte Bardot, elle, s'est dite "scandalisée par le fait qu'il soit mis en prison", ajoutant : "Je me propose de prendre sa place puisque je suis complice."

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